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(PDV Jordan)

Après avoir fait le bilan avec Marine et l'équipe entière , je me sentais plus apaisé. Je réalisai trop tard que les prochains débats concerneraient uniquement les deux chefs de parti, Marine et Macron. Il n'y aurait plus de confrontation avec Attal, directement à la télé. Là, ce soir, dans la pénombre de mon appartement, je ne savais pas comment réagir à cette nouvelle. Cette adrénaline que je ressentais en étant en débat avec lui était addictive, j'en voulais encore plus. Je savais qu'il était mieux ainsi car plus le temps passait et plus Gabriel Attal devenait... attachant. Il détenait une sorte de pureté dans son regard, sa voix... et pourtant il avait du charisme pour s'imposer lorsqu'il le fallait : je l'admirais. Dommage qu'il me voyait comme une personne fausse. Dans la politique, il était vrai qu'on devait porter certains masques, je l'avais appris à mes dépens avec les années. Je faisais en sorte de rester le plus authentique possible et surtout avec lui. Je n'aurais pas dû lui offrir ce présent ; il l'avait mal interprété ou bien j'aurais dû lui parler de notre première rencontre alors il aurait compris mon geste. Non, je voulais que ce souvenir revienne dans sa mémoire, il était capable de faire le lien entre le gamin de quinze ans qu'il avait conseillé et le moi d'aujourd'hui. Je souhaitais vraiment qu'à ce moment-là, il réaliserait l'immense impact qu'il avait eu dans ma carrière.

Je regardais mes réseaux avant de me coucher et zappais les articles sur le débat. Je tombais tout à coup sur une publication de Gabriel Attal avec Séjourné... je savais qu'ils étaient en couple ces deux-là, ça faisait bien rire quelques personnes dans mon parti mais personnellement je ne trouvais pas ça drôle. Ils avaient l'air très complices, je me demandais si Attal était heureux avec lui...
Je vidai d'un seul trait le reste de ma boisson et me couchai enfin, épuisé. Avant de sombrer totalement, je revis son visage souriant derrière mes paupières closes.

* * *

PDV Gabriel

- Tu vas pouvoir te ménager un peu maintenant, tu devras juste assister Emmanuel sans plus.
Stéphane et moi étions dans notre appartement et nous discutions dans la pénombre de notre chambre.  Je soupirai en pensant que les votes allaient arriver très  prochainement.
- On va dire que de mon côté le plus dur est passé, renchéris-je.
- Oui voilà. Au fait, je pars quelques jours en déplacement, reprit-il, la voix moins assurée.
Je le scrutai et sentis qu'il me cachait quelque chose.
- Stéphane, tu sais que tu peux tout me dire.
Il expira longuement. Il pesait le pour et le contre apparemment. Ses yeux dévièrent vers le porte-clef et je me giflai intérieurement de l'avoir laissé apparent.
Il le prit dans ses mains et le contempla longuement. J'avais envie de lui dire la vérité par rapport à sa provenance mais j'avais peur de sa réaction.
- Il est joli ce porte-clef, dit-il innocemment. En plus il y a tes initiales... je ne l'avais pas encore remarqué, c'est nouveau non ?
Il désirait changer de sujet à propos de son « déplacement ».
- C'est un cadeau, avouai-je, le coeur battant.
S'il me demandait de qui, je lui dirai la vérité.
- Cool.
Sur ce, il le remit sur la table de chevet sans creuser davantage. J'étais surpris de constater qu'il sen fichait réellement.
- C'est tout ? M'offusquai-je, sans pouvoir me retenir. Tu ne me demandes pas de qui ?
Il se tourna vers moi, l'expression lasse.
- Gabriel... peu importe. Je ne vois pas ce que ça peut changer que je te le demande ou pas...
- Et si ça venait d'un homme ? Rétorquai-je, blessé par sa réaction.
Il ricana un peu et me sortit :
- Si tel est le cas, il sait très bien que tu es à moi, et s'il tente quelque chose de plus... tu le stoppes, c'est tout.
- Ah ben oui, on sent bien que ça ne te dérange pas plus que ça alors...
Je me tournai dos à lui, insatisfait de sa réaction : il n'était plus aussi jaloux qu'avant... et s'il voyait quelqu'un d'autre ?
- Stéphane ? Tu m'aimes toujours ?
J'attendais avec peur sa réponse mais elle ne vint pas.
- Stéph ?
Sa respiration régulière se fit entendre. Au fond de moi, je savais qu'il avait fait semblant de dormir pour ne pas avoir à me répondre... J'étais à la fois blessé et soulagé : j'avais mal car on s'éloignait de plus en plus lui et moi, or je savais que c'était dans l'ordre des choses. Tout devait se passer ainsi.

* * *

Le jour J était arrivé et nous l'avions remporté ! J'étais ravi de constater que toutes ces heures pour la campagne avaient enfin payé ! Je félicitai le président restant et sa femme. Avec l'équipe, on se fit des accolades bruyantes ; le champagne coulait à flot. Je n'étais pas un grand buveur d'habitude mais ce soir, je me laissais aller : j'étais heureux pour notre parti mais à côté de ça j'avais mal au coeur. J'avais rompu avec Stéphane juste avant son voyage et il n'avait pas tenté de me retenir. J'avais pris cette décision car je sentais qu'il allait me trahir, qu'il n'osait pas lui y mettre un terme. Il allait me manquer mais soit... c'est la vie. Le coeur brisé, ça me connaît. La solitude aussi apparemment. J'avais laissé la preuve de mon engagement sur la table devant ses yeux et il n'avait rien dit, rien fait. Tout ce que j'avais vécu avec lui n'était qu'une illusion. Il avait osé me dire qu'il m'aimerait toujours d'une certaine manière mais ça ne me suffisait pas : je n'aspirais pas à me mettre en couple avec quelqu'un si ça ne durait pas toute la vie... J'étais déçu de ma vie sentimentale.
Je finissais mon verre puis en repris un autre pour oublier et un autre... je ne tenais pas bien l'alcool alors je décidai de m'arrêter à un énième verre. Bizarrement, je me sentais bien et je riais de bon coeur avec les autres.
- Gaby tu as trop bu, dit Charlotte, d'un air étonné.
- T'inquiète, j'arrête pour ce soir, la rassurai-je avec un grand sourire.
- Tu vas pouvoir rentrer ? Attends je vais appeler Stéphane.
- Non ! Dis-je, hilare. Pas la peine... il n'est plus là.
Elle me prit par la main et mous mous isolâmes loin du bruit ambiant.
- Comment ça « plus là » ?
Mon cerveau était embrumé par l'alcool mais pour rien au monde je ne voulais que ce bien-être s'envola.
- Il n'est plus là pour.... Moi mais pas grave... c'est mieux ainsi.... Une relation où on fait semblant c'est pire....
- je suis désolé Gabriel tu aurais dû me dire...
Elle me prit dans ses bras et je sentais les larmes monter.
- Charlotte, t'inquiète pas ça va... aller.
Elle me fixa et remarqua les larmes dans mes yeux.
- T'es un mec en or ne l'oublie pas. Je te ramène si tu veux...
- Non, non j'habite pas loin... j'ai envie... de marcher...
- Tu es saoul, Gabriel.
Je levai les yeux au ciel et me tapai une barre.
- Jamais... quand j'étais jeune oui c'est vrai.
- Je reviens, je vais te chercher un verre d'eau.
- Oui mademoiselle, dis-je en me laissant tomber sur une chaise.
Je voyais flou et je compris qu'elle était revenue en sentant le verre dans mes mains. Je le bus avec entrain et ça me fit du bien.
- Tu es sur que tu peux marcher, je m'inquiète, répéta-t-elle.
- C'est pas loin, je peux encore tenir debout... regarde...
J'avais du mal à rester droit mais mes jambes fonctionnaient encore.
- Ok je ne vais pas te forcer mais hésite pas à appeler si besoin.
Je hochai là tête et elle partit, peu convaincue.
- Merci encore pour ton soutien Gabriel.
Ah monsieur le Président.
- Avec plaisir Monsieur.
- Repose-toi, je pense que tu as assez bu pour ce soir.
- Je vais rentrer, bonne soirée.
Il me mit une tape dans le dos et je tentai de reprendre mes esprits avec difficulté.
L'air frais du soir purifia mon cerveau, j'étais un peu plus alerte, toutefois l'alcool me privait de mes perceptions habituelles et me faisait marcher plus lentement.
Au coin d'une rue mal éclairée, j'eus du mal à retrouver mon chemin. Je fus surpris par deux hommes qui couraient vers moi. Je riais devant l'absurdité de la situation. Avec un peu de chance, tout s'arrêterait ici.

* * *

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant