Chapitre 12, Bardella

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Après le débat, Jordan alla en loge et s'affala sur un canapé en soupirant. Il se passa une main dans les cheveux. Quel jeu essayait-il de jouer ? Il avait bien conscience que Gabriel était gay et ne voulait pas lui donner de faux espoirs, surtout avec tous ces montages circulant sur tiktok. Il ne ressentait rien pour le premier ministre, il ne le pouvait tout simplement pas. Il était complètement hétérosexuel et n'avait jamais douté de celà une seule seconde, les gays étaient une abomination, des gens contre nature. Peut-être ressentait-il un peu d'amitié et de compassion envers Gabriel, c'est vrai que depuis leurs premiers débats de 2022 il l'admirait beaucoup.

Son équipe voulut lui parler mais il les envoya balader et leur demanda de le laisser seul. Après quelques minutes perdu dans ses pensées, quelqu'un cogna à la porte. Bardella soupira de nouveau, ses assistants étaient bien trop insistants et celà lui tapait sur les nerfs.

— J'ai demandé à ce qu'on me laisse seul !

— Excuse-moi. Lui répondit la voix de Gabriel derrière la porte.

Jordan se redressa d'un seul coup et courut presque vers la porte. Il l'ouvrit à la volée et vit que Gabriel s'éloignait.

— Attends !

Gabriel s'arrêta.

— Entre, dit Bardella en lui indiquant d'un signe de tête la loge.

Gabriel haussa les sourcils et fit demi-tour, il entra dans la petite pièce.

— Tu aimes être seul ? Je ne m'en serais pas douté. Tu as plutôt l'air d'adorer être entouré d'une horde d'assistants, affirma le premier ministre, rompant le silence qui s'était installé.

Jordan sourit et s'asseya de nouveau sur le canapé. Gabriel prit place en face de lui.

— Tu as raison. La solitude n'est pas la chose que je recherche le plus, mais parfois j'en ai besoin.

— Pourquoi en as-tu besoin actuellement ?

Jordan contracta la mâchoire. Comment lui expliquer son trouble ? Il en était incapable.

— La campagne est épuisante.

Il observa Gabriel attentivement et remarqua ses cernes encore plus prononcées que la dernière fois qu'il l'avait vu.

— Je crois que tu vois ce que je veux dire.

— M'en parle pas... J'ai l'impression que jamais je ne pourrais rattraper toutes les heures de sommeil qu'il me manque.

Ses heures de sommeil manquantes étaient en partie dûes à leurs conversations, Jordan le savait et Gabriel sembla y penser également puisqu'il le dévisagea avant de se racler la gorge.

— Mais ça va aller, les législatives arrivent bientôt, je vais tenir jusque là.

— Tu devrais te ménager un peu.

Jordan était vraiment inquiet pour Gabriel, la situation était loin d'être simple pour lui.

— Déjà, pourquoi est-ce que c'est toi qui mène toute la campagne seul ça a aucun sens ?

— Je ne suis pas seul, j'ai toute une équipe de campagne, Jordan. Et je suis à la tête du gouvernement c'est normal que je mène campagne pour mon parti.

— Oui, je sais bien tout ça.

Il ne le savait pas.

— Mais quand bien même, le président est littéralement le chef du parti, pourquoi ne fait-il pas campagne lui-même ?

— Oula très honnêtement je préfère qu'il ne dise rien, tout le monde le déteste actuellement. La gauche le haï pour avoir laissé une chance à ton parti d'accéder au pouvoir, la droite se moque de lui pour l'avoir fait et son propre parti est dégoûté parce qu'il est presque certain qu'il n'obtiendra pas de majorité cette fois.

— En même temps, c'était une décision ridicule.

— Je sais bien, c'en est risible et maintenant c'est moi qui doit réparer les pots cassés.

— Viens au Rassemblement National, on a pas ce genre de problèmes nous tu sais. Marine est stable et constante tout comme les autres membres du parti.

Gabriel pouffa, Jordan fronça les sourcils.

— Je ne sais pas ce que je trouve le plus excentrique entre le fait que tu parles du RN comme un parti stable ou que tu m'invites à y entrer. Jordan, ton programme change à chaque élocution de l'un d'entre vous. Et puis, oui bien sûr, je vais rejoindre un parti homophobe, ce n'est pas comme si j'étais homosexuel après tout.

Jordan était à court d'argument, c'est vrai qu'ils avaient tendance à adapter leur programme en fonction du média...

— Mon parti n'est pas homophobe.

— Ah oui ?

— Bien sûr, on s'entend très bien toi et moi alors que... tu sais.

— Alors que j'aime les hommes.

Jordan se sentit rougir légèrement pour une raison inconnue.

— Oui, voilà.

— Mouais, je n'y crois pas vraiment. Tu n'oses même pas prononcer le mot gay à voix haute.

— C'est faux ! Je peux dire que tu es... gay.

Il avait baissé le volume de sa voix sur la fin de sa phrase ce qui fit rire Gabriel.

— Waouh ! Bravo, on progresse. Peut-être que la prochaine fois que tu iras au parlement européen tu voteras pour que l'UE devienne un espace de sécurité pour les LGBT.

— C'est plus compliqué que ça... Je n'aime pas l'idée que les "lgbt" s'exposent autant avec tous leurs arc-en-ciel là...

— Ah oui, cette bonne vieille idée du gay silencieux et non-ostentatoire...

— Je pense que ça vaut mieux comme ça, oui.

— Pourquoi les hétéros peuvent s'exposer partout alors ? A l'époque où tu étais avec la nièce de Marine Le Pen tu pouvais t'afficher avec elle non ? Pourquoi je ne le pourrais pas ?

— Ce n'est pas pareil. On dirait que tout doit être "lgbt" aujourd'hui, ça en devient lassant.

— Et en quoi est-ce différent de l'hétérosexualité constante depuis une éternité ? Est-ce que tu imagines à quel point mon adolescence a été difficile sans représentation ? Jusqu'en 2013 je ne pouvais même pas espérer me marier !

Jordan commençait à vraiment être mal à l'aise. Il n'avait pas d'argument raisonnable en stock mais il ne voulait pas vexer Gabriel qui commençait à être réellement blessé.

— Je pense juste que les "lgbt" on aujourd'hui assez de droits et qu'ils n'ont pas besoin de se montrer partout ou de refiler leur homosexualité.

Gabriel secoua la tête les larmes aux yeux.

— Je dois être en pleine hallucination, est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ?

Il se leva subitement.

— Je pense que nous n'avons plus rien à nous dire. Au revoir, Bardella.

Il sortit de la loge en claquant la porte. Jordan la regarda d'un air ébahi et se prit la tête entre les mains. Il ne comprenait pas ce qu'il avait fait de mal, c'était simplement du bon sens.

Tout est permis en politique (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant