Chapitre 35, Attal

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Dès le lendemain, Gabriel se rendit dans le bureau du président de la République afin de lui présenter sa démission. Ce dernier releva à peine le regard vers lui lorsqu'il entra dans la pièce.

— Monsieur, voici ma lettre de démission comme le veut la tradition républicaine.

— Tu peux la jeter.

Ouais... Gabriel avait vu juste, Macron ne semblait pas décidé à accepter leur défaite commune.

— Tu peux au moins faire ça Gabriel, non ? Ou peut-être que c'est trop te demander ?

Le premier ministre n'appréciait pas du tout ce ton.

— J'ai été élu à ce que je sache, c'est encore à moi que revient la décision de qui gouverne et comment.

Attal n'avait à aucun moment dit le contraire mais le président était mal luné. Et ça se comprend, deux défaites d'affilée, ça devait lui faire mal aux fesses.

— Donc non, Gabriel, tu ne démissionnes pas. Tu restes premier ministre pour la simple et bonne raison que je suis le président, ce que certains semblent oublier, et que je t'ai nommé. D'ailleurs tu ferais mieux de te souvenir de ta place. Tu es mon premier ministre, pas un futur candidat à la présidentielle ou je ne sais quoi.

C'est vrai que Gabriel, tout comme pas mal des membres du camp Macron, avait déjà commencé à faire des ébauches de plan pour la prochaine campagne présidentielle. Il faut dire que puisque Macron ne pourrait pas se présenter une troisième fois, beaucoup le voyaient comme le successeur légitime de Renaissance, enfin si seulement Gérald Darmanin voulait bien arrêter de lui mettre des battons dans les roues.

— J'en ai bien conscience, répondit simplement Gabriel.

— Bien. Alors du vent. Et jette moi cette lettre, je plaisante pas.

— Si c'est ce que tu veux...

Gabriel obéit, et juste comme ça, sa démission fut refusée. Il restait le premier ministre français. Mais pour combien de temps ?

Longtemps. Trop. La fête nationale approchait à grand pas et il n'avait toujours pas pu quitter son poste. Macron était au pied du mur et lui faisait vivre un enfer mental. Il avait tenté la lettre au français mais ça n'avait pas fonctionné alors il passait ses nerfs sur le gouvernement à qui il refusait la démission. C'est d'ailleurs ce pétage de plomb de la part du président qui rapprocha Gabriel de son ex-compagnon, Stéphane Séjourné. Ils n'avaient jamais arrêté d'avoir de bonnes relations c'est d'ailleurs pour celà qu'il n'avait pas hésité à le nommer ministre lorsqu'il l'a pu, mais toute cette agitation au sein même du gouvernement avait renforcé ce lien. Gabriel n'était pas sûr de ce qu'il était censé ressentir, la vérité était qu'il n'arrivait pas à oublier Jordan mais lorsqu'il parlait avec Stéphane alors celà lui permettait de se concentrer sur autre chose.

Le 14 juillet, une journée atroce. Non seulement Gabriel n'avait pas d'affection particulière pour la fête nationale qui célébrait avant tout le début de la Révolution française qui comme on le sait avait causé la mort de bon nombre de nobles, or sa mère étant d'origine noble il ferait peut-être mieux d'avoir peur pour sa tête. Mais en plus, Gabriel avait passé toute la cérémonie à côté d'Emmanuel Macron qui se pavanait devant la plèbe qu'il méprisait autant qu'il était possible de le faire. Etrangement, son ex avait par la suite été le seul à pouvoir lui arracher un sourire. Il faut dire qu'il avait toujours eu cet effet là, c'est pour celà qu'ils avaient pu rester amis d'ailleurs, cependant cette fois c'était différent comme si Stéphane s'était jeté corps et âme dans la reconquête de Gabriel.

Les deux hommes passèrent la soirée ensemble, d'abord avec du monde puis juste tous les deux. Gabriel fit ouvrir le palais d'Iéna à la dernière minute rien que pour eux, afin qu'ils puissent profiter du feu d'artifice avec la meilleure vue possible. Il profitait clairement de ses avantages de premier ministre mais n'avait aucun remord, il fallait bien que cette espèce de prise en otage du rôle de premier ministre lui serve à quelque chose !

Le feux d'artifices était vraiment beau, tant pis pour la biodiversité qui en pâtissait chaque année, ça en valait clairement la peine. C'était une pensée de bourgeois privilégié mais c'est un peu ce qu'était Gabriel. La lumière dansait dans ses yeux et il pouvait voir dans sa vision périphérique que Stéphane semblait le regarder lui plutôt que le spectacle s'offrant à eux. Attal tourna la tête vers lui lorsqu'il daigna enfin regarder le ciel. C'est vrai que Stéphane était bel homme, il l'avait toujours été. Ses grands cils papillonnant le rendaient très séduisant. Mais il restait l'homme qui lui avait brisé le cœur deux ans auparavant en entretenant une liaison. Et puis, il n'était pas celui avec qui Gabriel aurait aimé partager ce moment s'il était complètement honnête avec lui-même. Il se détestait pour celà, mais un seul visage le hantait sans cesse depuis des semaines.

Stéphane tourna de nouveau la tête vers lui et leurs regards se croisèrent. Il lui sourit et posa sa main sur celle de Gabriel qui reposait sur la rambarde du balcon.

— Gabriel... J'ai beaucoup réfléchi. Et j'aimerais beaucoup qu'on se laisse une nouvelle chance, que tu nous laisses une nouvelle chance si tu le veux bien.

Et il fut tenté d'accepter, il ne l'aimait plus depuis longtemps mais quitte à ne pas se respecter en fréquentant toujours les pires goujats, alors autant qu'il choisisse celui avec lequel il savait déjà à quoi s'attendre. Au lieu de celà il retira sa main.

— Je te préfères bien plus en tant qu'ami, Stéphane. Je suis désolé.

Ce dernier affiche un visage déçu, vite remplacé par un sourire compréhensif. Il hocha la tête et laissa passer un silence avant de reprendre la parole.

— Je peux te poser une question personnelle ?

Gabriel se contenta de hocher la tête, intrigué.

— Il y a quelque chose entre ce Jordan Bardella et toi, n'est-ce pas ?

Est-ce qu'il y avait quelque chose ? Bonne question à laquelle le premier ministre aurait aimé pouvoir crier un grand "non" effaré. À la place, il ne put que laisser planer un long silence qui valait mille mots.

— Je vois. Personne ne te résiste, Gaby.

Les deux hommes rirent doucement ensemble. C'est vrai que la situation était assez cocasse, c'était désormais Gabriel qui résistait du mieux qu'il pouvait à Bardella qui s'acharnait à vouloir lui parler sans arrêt et à "stalker" ses réseaux sociaux. Il ne s'en était sûrement pas rendu compte à moins qu'il ne le fasse exprès, mais le leader de l'extrême droite laissait souvent des "likes" par inadvertance sur les publications du ministre. Il était surprenant qu'il n'ait pas tenté de lui envoyer de message depuis les résultats des élections, mais peut-être pensait-il que tout était perdu après qu'il ait prit la tête du groupe identitaire de Viktor Orban, un grand homophobe revendiqué. En réalité, Attal avait été blessé de l'apprendre mais plus rien ne le surprenait plus. Il n'était même plus choqué. Peut-être que Gabriel aussi était victime de la banalisation du fascisme, après tout.

Tout est permis en politique (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant