Chapitre 21, Attal

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Gabriel était attablé en face de Jordan. Non seulement la situation était improbable, ressemblant fortement à un rendez vous galant, mais le plus surprenant était que Gabriel passait un très bon moment comme il n'en avait pas vécu depuis longtemps avec un homme. Si seulement Jordan Bardella n'était pas hétérosexuel, si seulement ils n'étaient pas ennemis... Gabriel aurait probablement tenté quelque chose. Mais l'homme face à lui restait Jordan Bardella, le président de l'infecte parti qu'était le Rassemblement National...

Alors pourquoi Jordan semblait flirter ? Au début du dîner, Gabriel s'était dit que si son pied se retrouvait à toucher le sien c'était malencontreusement à cause de ses longues jambes. Lorsqu'il se pencha un peu plus au-dessus de la table c'était probablement parce qu'il l'entendait mal. Lorsque sa main se posa sur la sienne momentanément, c'était un signe de réconfort même si leur conversation était tout à fait légère. Mais le regard de Jordan qui descendait constamment sur ses lèvres avant de revenir à ses yeux, Gabriel ne pouvait pas l'expliquer rationnellement. Mais il devait y avoir une explication, n'est-ce pas ?

Il se pinça les lèvres, soudain très conscient de leur existence sur son visage. Il avait fait attention à manger bien proprement et n'avait pas les lèvres sèches, rien en somme ne méritait que Jordan ne s'y attarde. Bon sang, le cœur de Gabriel ne ferait plus long feu si son adversaire politique continuait ainsi.

Après le repas, ils se réinstallèrent sur le sofa. Jordan semblait avoir déjà prit ses aises, se comportant comme s'il était chez lui. Le voir si désinvolte et confiant était particulièrement attirant. Gabriel se traita lui-même de traître pour montrer tant de faiblesse face à cet homme en particulier. Sérieusement, il y avait des tas d'hommes qui auraient pu trouver grâce à ses yeux, pourquoi fallait-il que ce soit celui-ci qui hante ses pensées ?

Jordan avait les jambes écartées dans sa manière habituelle de s'asseoir, comme s'il avait besoin de prendre le plus de place possible afin de montrer sa supériorité. Ainsi, bien qu'un relatif écart était présent entre eux, leurs genoux se touchaient et Gabriel dû faire un effort surhumain pour ne pas trop y prêter attention. Il avait l'impression d'être de retour au lycée lorsqu'il avait eu son premier béguin pour un garçon.

Au fur et à mesure de la conversation, Jordan enleva sa veste ainsi que sa cravate. Lorsque leur conversation dériva naturellement sur leur vie amoureuse, Gabriel crut mourir.

— D'ailleurs pourquoi avoir nommé Stéphane Séjourné ministre dans ton gouvernement ? J'ai cru comprendre qu'il était pourtant ton ex-compagnon.

Pitié, il était la dernière personne avec qui il souhaitait parler de Stéphane.

— Et bien oui, nous nous sommes séparés en 2022 mais nous sommes restés proches. Autant d'années ensemble ça ne se jette pas à la poubelle.

— Oh, c'est la même année que ma rupture avec Nolwenn.

— Oui, je le sais. Je pourrais te poser une question du même genre que la tienne : pourquoi être resté si proche de la famille de ton ex ?

Gabriel sourit malicieusement.

— Tant de mesquinerie est indigne de toi.

— Ah oui ? Pourtant celà ne m'étonne pas de toi. On dirait que nous sommes en accord avec nos idées politiques. Je suis habituellement droit dans mes bottes et tu es mesquin comme ton part-

— Pitié, ne me parle pas politique, grogna Jordan en roulant des yeux. Pas ce soir.

— Jordan nous sommes politiciens.

Le jeune homme ne sembla pas comprendre en quoi c'était une raison valable.

— Peu importe. Ce soir je suis juste Jordan et tu es juste Gabriel. Pas de parti ou de je ne sais quoi. Tiens, raconte moi plutôt pourquoi toi et Séjourné vous êtes séparés.

Gabriel le regarda bouche bée avant de soupirer et de se servir un nouveau verre de vin.

— Les aléas de la vie.

Il n'avait aucune intention de développer mais Jordan l'y invita en penchant légèrement la tête.

— Je ne sais pas ce qui a merdé. On avait juste... trop de responsabilités. Je venais de passer des mois à participer à la campagne d'Emmanuel Macron, j'avais enchainé des tonnes de débats et d'interviews... Je n'avais la tête qu'à ça et lui avait sa carrière. A la fin on était simplement devenus colocataires alors on a décidé de se séparer et de rester amis même si au début c'était assez froid entre nous.

Gabriel omettait volontairement de dire que cet éloignement avait fini par mener à une infidélité de la part de Stéphane.

— Est-ce que tu l'aimes encore ?

— Non, comme je te l'ai dit il est mon ami. Un ami important, mais ami quand même.

Jordan acquiesça en hochant la tête, détournant le regard.

— Et toi alors, pourquoi n'es-tu plus avec Nolwenn ?

Jordan sourit de cet air arrogant qui lui était propre.

— Tu te doutes sans aucun doute que notre relation n'a jamais été complètement sincère...

— Tu as donc vraiment couché pour réussir ? J'y crois pas... s'amusa Gabriel.

Bardella rit, la tête renversée en arrière.

— Je n'irais pas jusque-là... Bon peut-être un peu. En fait, je pense que peu de choses étaient sincères entre elle et moi. Beaucoup de non-dits. Ça a précipité ma décision de la quitter.

Gabriel haussa les sourcils, c'était donc lui qui avait rompu... Jordan marqua une pause en se pinçant les lèvres semblant chercher ses mots.

— Et puis, depuis peu je me rends compte qu'il n'y avait pas que celà. L'année 2022 était toute particulière, comme tu l'as dit. Une année remplie de débats...

Gabriel ne voyait pas là où il voulait en venir. Il avait l'impression que les rôles étaient inversés, Bardella n'était plus celui confus face à chaque situation.

— Oui, c'était les présidentielles puis les législatives ont suivi alors forcément. Et donc ?

Jordan eut un rire attendri tandis que Gabriel fronçait les sourcils. Mais bon sang qu'était-il en train de se passer ? L'homme à ses côtés se pencha vers lui, collant son épaule à la sienne.

— Je te pensais plus lucide.

Gabriel comprit la référence à cette fameuse vidéo du président devenue virale datant de 2022, lui-même la trouvait très drôle. Mais ses mots se stoppèrent avant qu'ils ne franchissent ses lèvres lorsque Jordan prit son menton entre son pouce et son index. Il regardait ses lèvres comme s'il s'apprêtait à plonger dans le grand bain pour la première fois mais il essayait de paraître confiant. Gabriel n'était pas dupe. Et il n'était pas sobre non plus ce qui expliquait peut-être son prochain geste, du moins en partie.

Tout est permis en politique (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant