Chapitre 34, Bardella

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La salle était silencieuse. La bouteille de champagne n'avait pas été débouchée. Jordan était assis sur un canapé, les bras croisés tandis que Marine faisait les cent pas en donnant des indications au conseiller qui réécrivait avec empressement le discours que Jordan prononcerait dans quelques minutes, et que les autres membres du RN regardaient avec indignation les résultats qui s'actualisaient un peu plus à chaque minute.

Ils avaient perdu. Pourtant, tout les plaçait grands favoris. Les gens l'aimaient, il aurait été le parfait premier ministre. Alors pourquoi ? Celà avait l'effet d'une douche froide pour Jordan. Mais ce qui le toucha d'autant plus était le discours de Gabriel Attal lorsqu'enfin il passa à la télévision en direct de Matignon. Il l'écouta du début à la fin. Son discours était empli de dignité mais aussi dans le sens de la politique macroniste menée depuis 7 ans. Parlant de LFI comme d'un extrême, point sur lequel le RN et le camp présidentiel se rejoignaient malgré la décision du conseil d'état, disant à quel point la France avait évité le pire, et invitant implicitement à une coalition autour de son parti au parlement. La mâchoire de Jordan se contracta lorsqu'il annonça déposer sa démission dès le lendemain, il savait à quel point son poste comptait pour lui et il avait tellement envie de lui parler là tout de suite.

Mais le devoir l'appelait et il devait bientôt prononcer lui aussi son discours écrit en partie par Marine Le Pen. Il le lut pendant que la maquilleuse le préparait afin de ne pas donner l'impression de le découvrir. Et enfin il se présenta devant les caméras, parlant de l'alliance du déshonneur et d'à quel point ô comme c'était injuste que le RN ne soit pas en tête alors qu'ils étaient le premier parti de France, le seul à défendre les véritables valeurs de ce pays plaçant l'homme blanc au sommet et renvoyant les réfugiés se prendre une ou deux bombes dans leur pays d'origine parce que franchement ils n'avaient rien à faire en France ces racailles, le parti de la famille traditionnelle avec un papa qui peut frapper une maman parce qu'elle l'a mérité et où cette maman ne voulait peut-être pas être appelée ainsi mais qui n'en avait pas eu le choix parce que l'IVG c'est si peu chrétien. Le parti de la France au français, mais pas n'importe lesquels. Non, vraiment, quelle injustice. Ils auraient dû gagner, et haut la main ! Et puis, Bardella aurait vraiment fait un super premier ministre.

Plus tard dans la soirée, alors que les résultats se précisaient de plus en plus et que Jordan s'était réfugié dans son bureau au sein du siège du RN, Marine Le Pen vint le trouver. Il s'attendait à ce qu'elle affiche une mine déçue ou énervée mais il n'en fut rien, elle lui sourit lorsqu'il leva enfin le regard vers elle.

— Tu as fait du très bon travail, loulou. Grâce à toi le Rassemblement National s'est grandement imposé. Tu peux être fier de toi, moi je le suis en tout cas.

Elle ne précisait pas si elle était fière d'elle ou de lui mais peut importait, pour Jordan celà restait une défaite. Il avait toujours peur d'avoir déçu son mentor.

— Vous êtes sûre ?

Il avait l'air d'un vrai gamin face à elle. Bien loin de l'image de politicien qu'il s'était construite. Il tentait de garder une attitude décontractée, ses mains entrelacées devant lui au-dessus de son bureau, mais il mordillait nerveusement sa lèvre inférieure trahissant ainsi son angoisse. Un véritable enfant qui avait peur de se faire gronder par sa maman.

— Tu sais ce qu'est ton problème Jordan ?

Il secoua la tête de gauche à droite.

— Tu ne te projettes pas, tu ne vois pas plus loin que ces élections débiles. Moi, tu sais ce que je vois quand je regarde les résultats de ce soir ? Une victoire en différée. 2027 est à nous, Jordan. Et cette fois je t'assure que personne ne pourra se mettre en travers de notre chemin. Un "barrage" qu'ils disent... ha ! Quels imbéciles ces castors !

Mais oui, bien sûr, les élections présidentielles de 2027. Un nouvel espoir naquit dans l'esprit de Bardella. Ce dernier mois agité d'élections européennes et législatives avait plus que jamais remué la France. L'extrême droite s'était imposé dans tous les esprits que ce soit en positif ou en négatif. Si une chose restait en tête, c'était bien que la victoire avait été à portée de bras, que leurs idées avaient fait et continueraient à faire leur chemin partout en France. Les médias avaient contribué à la dédiabolisation du parti sans même avoir à leur demander, tout en ayant à l'inverse grandement diabolisé la gauche ou plutôt "l'extrême gauche" comme ils aimaient l'appeler. A grand coup de "LFI antisémite" et "JLM 1 PB ?", ils avaient rendu un grand service au RN, Bardella était ravi. Si celà continuait ainsi, si le parti avait l'opportunité d'implanter ses idées d'autant plus dans les esprits durant les trois prochaines années, alors Marine serait à coup sûr présidente. A moins que... peut-être qu'il serait président. Il avait toutes ses chances après tout puisque son mentor risquait bel et bien d'être rendue inéligible d'ici là.

— Tu comprends Jordan ? Une victoire différée.

Il sourit et hocha la tête. Il avait réellement compris. Il avait tout compris.

— Donc on discrédite la gauche autant qu'on peut pour l'instant c'est ça ?

Marine sourit de nouveau et s'approcha afin de poser une main amicale sur l'épaule de son protégé.

— Entre autres.

Tout est permis en politique (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant