Chapitre 2 : Vers le Sud (partie 2)

254 46 13
                                    

L'illusionniste leva enfin ses yeux écarquillés de surprise et de douleur, sa bouche ouverte dans une expression silencieuse.

Pétrifiée, Nara s'obligea à réagir. Elle utilisa sa magie pour créer un mur de terre afin de gagner du temps et les mettre à l'abri. L'agresseur se trouvait sans doute à proximité et ne tarderait pas à passer à l'assaut.

Mezina se précipita vers Arlam et regarda sa plaie : la flèche avait traversé son corps de part en part sur son flanc gauche. La respiration difficile de l'illusionniste s'accélérait sous le coup de la douleur.

— Non, non, non, non, non ! lança Nara.

Mezina lui pressa le bras, plus tendue que jamais. Son instinct guerrier reprenait le dessus.

— Je me charge du Chasseur. Occupe-toi d'Arlam.

Elle acquiesça, prit sa besace et la fouilla frénétiquement pour en sortir le petit récipient d'onguent de guérison, et s'assura que son artefact de vol et son arme se trouvaient à proximité. Les mains tremblantes, elle se pencha vers Arlam. Sur son visage nimbé par la lueur chaude des bougies, des gouttes de sueur perlaient ; il serra les dents. Nara l'observa avec inquiétude, puis brisa la flèche d'un coup sec.

— Respire un grand coup.

Elle attendit à peine pour en retirer l'extrémité, arrachant un cri à Arlam. Elle ouvrit la boîte de l'onguent, écarta le pan de chemise qui masquait la blessure et l'étala sans ménagement, incapable de déterminer quel organe avait été touché.

Puis, d'un souffle, l'Aïckoise éteignit les bougies.


***


Mezina regrettait de ne pas utiliser de techniques de bellicisme qui nécessitaient des armes blanches, mais elle conservait certains avantages. Tout d'abord, elle fit appel à la vision nocturne des Sorcières, puis elle diffusa sa magie dans le reste de son corps. Un unique coup de poing de sa part ferait regretter à ce Chasseur de s'en prendre à eux pour la seconde fois.

Enfin, son esprit s'envola vers Arlam, et la leçon qu'il leur avait prodiguée : l'invisibilité. Concentrée, les yeux fermés, elle songea à son corps comme à un ensemble qu'elle voudrait faire disparaître. Les mots de l'illusionniste, prononcés quelques semaines auparavant, résonnaient dans sa tête et elle s'imagina en train de s'évanouir dans les airs. Elle reconnut vite la sensation peu agréable qui accompagnait la réussite de ce sortilège : une vague de chaleur qui la parcourut de la tête aux pieds. Rassurée quant à son camouflage, Mezina s'avança à son tour entre les buissons aux feuilles sombres et partit à la rencontre de son adversaire, de l'autre côté du mur de terre.

La belliciste scruta les alentours, en vain. Le Chasseur avait appris à se dissimuler dans un tel environnement. Immobile et silencieuse, elle perçut enfin les lents pas de l'Homme : il tentait de se faire discret, chose difficile dans ces bois. La nature sylvestre de Mezina l'empêchait d'ignorer ces indices sur sa localisation.

Elle se précipita dans sa direction et le dénicha, calé contre l'écorce brute d'un arbre. Ses phalanges s'écrasèrent avec une rapidité fulgurante contre la tempe de leur poursuivant, qui s'écroula et perdit son arc dans la chute. À la grande surprise de Mezina, il se releva tant bien que mal, en se massant la joue avec une grimace de douleur : sous l'impact, il aurait dû être envoyé à plusieurs dizaines de mètres et perdre connaissance. Pourtant, elle ressentait toujours l'effet de son bellicisme dans chacun de ses muscles. Que se passait-il ?

Elle revint à la charge et, cette fois-ci, il para le coup sans problème. Sa magie semblait faiblir, comme une flamme vacillante, dès qu'elle approchait trop. Il devait garder des cristaux sur lui ! Très vite, elle ne parvint pas à conserver son invisibilité et la puissance de ses coups fluctua. Le poing de Carsis la cueillit au creux de l'estomac et l'obligea à reculer pour reprendre son souffle ; il en profita pour récupérer son arme.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant