Chapitre 14 : Représailles (partie 2)

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Nara n'aurait su dire ce qui l'avait réveillée. La chaleur, bien trop intense pour cette nuit d'hiver, les crépitements extérieurs qui lui parvenaient au milieu de sa torpeur, ou l'odeur âcre qui se frayait un chemin sous sa porte. Ses orteils frôlèrent le parquet, puis elle se décida à se lever. Luan et Lucanos dormaient toujours ; le visage de l'Odalisque, libéré de son masque quand elle dormait, semblait crispé de douleur dans l'obscurité.

Intriguée par l'atmosphère brûlante qui régnait jusque dans sa maison, pourtant perchée sur le flanc de la falaise, non loin de la cascade, Nara enfila son pantalon et ouvrit la porte qui donnait sur les escaliers de pierre. À peine fut-elle entrouverte qu'une éblouissante lumière s'y engouffra, accompagnée de cris qui éveillèrent les deux autres Sorcières.

— Par la Grande Tortue... souffla Nara.

Un immense brasier s'étendait sous ses yeux, plusieurs mètres en contrebas. Quelques étincelles virevoltèrent devant son visage et le goût salé de la sueur s'insinua au coin de ses lèvres.

— Vite, levez-vous ! s'exclama-t-elle.

Luan avait déjà sorti ses poignards et Lucanos s'avançait vers l'entrée avec calme.

— Le feu est notre allié Nara. Pourquoi tu paniques comme ça ?

— Et Talleck ? Et les quelques Hommes qui vivent parmi nous ? Personne ne veut reconstruire tout un cercle !

Nara s'empara de son bâton de vol, se précipita vers la porte en le brandissant avant de stopper net, les orteils au bord du vide. Elle se tourna alors vers Lucanos :

— Est-ce que tu arrives à maîtriser le feu ?

L'arcaniste fronça les sourcils, troublée par cette question incongrue autant que par le ton dans la voix de son amie. Elle la rejoignit devant la porte et commença à effectuer quelques mouvements avant de s'interrompre.

— Qu'est-ce que... ?

— Des Hommes ! lança Luan, soudain parfaitement réveillée. Ce n'est pas un incendie : c'est une attaque !

Les trois Sorcières finirent de s'habiller et prirent leurs artefacts respectifs, avant d'abandonner le domicile de Nara. Cette dernière remarqua que ce qu'elle avait d'abord pris pour le crépitement des flammes était en fait des détonations ; elles provenaient des rives du fleuve, mais impossible de déterminer avec précision où.

Les trois Sorcières dévalèrent le long escalier de pierre qui menait jusqu'à la berge, imitées par de nombreuses consœurs aux gestes paniqués et désordonnés. Mères et pères tenaient leurs enfants par la main de peur de les voir glisser. En bas, certaines élémentalistes donnaient des directives. Çà et là fusaient :

— Remontez en haut de la cascade, il faut vous rendre au lac !

— Mouillez des linges et plaquez-les contre votre visage !

— Ne prenez pas la direction du sud, tous les Hommes s'y trouvent !

— Ils ont fixés des cristaux sur une arme, mais impossible de les trouver, il n'y a pas de flèches au sol !

— Attention, même s'ils ne vous suivent pas, votre magie peut être bloquée !

Nara commença à prendre conscience de la gravité de la situation : leurs assaillants n'étaient pas de simples Chasseurs arrivés là par hasard. Leur organisation et leur arsenal dépassaient ceux des précédentes attaques, même celle qui avait coûté la vie à son père. Des armes capables de projeter des cristaux au-delà du cercle, mais sans qu'il s'agisse de flèches que les Sorcières pourraient trouver et briser ? Jamais personne n'avait observé une telle chose, mais elles devaient être à l'origine des détonations qui retentissaient un peu partout.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant