Chapitre 4 : Caméléons (partie 2)

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Mezina les retrouva dans une ruelle plus tranquille, tandis qu'Arlam s'arrangeait pour rendre la jeune Sorcière plus présentable aux yeux des Hommes. S'il existait une personne qu'il ne s'était pas attendu à rencontrer à Froidelune, il s'agissait bien de sa cousine. Voilà qui expliquait la facilité qu'il avait eue à la contacter par télépathie. La jeune fille fulminait, mais se contenait pour ne pas lui crier dessus, de peur d'être remarquée. Mezina enleva sa veste et l'en enveloppa. Après un regard peu convaincu et un haussement d'épaules, Arlam posa la question qui lui brûlait les lèvres :

— Luan, qu'est-ce que tu fais ici ?

Mezina parut surprise de constater qu'ils se connaissaient, mais n'intervint pas, sentant la tension palpable entre eux. La jeune Sorcière écarta une mèche de cheveux blonds puis répliqua avec colère :

— Qu'est-ce que toi, tu fais ici ? Tu es parti il y a des semaines du Bois Refuge ! Tu te souviens encore de mon nom, c'est déjà un exploit !

Malgré la gémellité de leurs pères, Luan Ertolomaï et Arlam Nessem ne se ressemblaient pas le moins du monde. De petite taille, blonde, elle devait ses yeux bleus et un teint plus clair à un grand-père Aïckois, du côté de sa mère. Mais plus encore, alors qu'Arlam possédait un naturel doux et calme, Luan se transformait souvent en véritable volcan. Mezina se tint davantage en retrait. Arlam rétorqua cependant :

— Ne serais-tu pas en train de dramatiser, là ? Évidemment que... Attends, c'est moi qui te fais la leçon, et non l'inverse !

Luan croisa les bras et leva le menton d'un air de défi. Arlam était trop préoccupé et énervé pour trouver une pique à lui lancer. Il reprit de plus belle :

— Comment aurais-tu fait si je n'avais pas été là ?

— J'aurais sauté sur les toits des maisons et volé jusqu'à atteindre le fleuve.

— Et si par malheur il y avait eu des cristaux ?

Cette fois-ci, Luan baissa les yeux, embarrassée. L'illusionniste croisa le regard de Mezina, qui secoua la tête pour l'inciter à faire preuve de clémence.

— J'étais toute seule au cercle... souffla Luan.

Sa cousine tentait de le faire culpabiliser. Et elle y parvenait. Leurs familles respectives étaient parties des années plus tôt afin d'aider les Sorcières du cercle d'Itera, qu'une chaîne de montagnes séparait des Hommes. Luan avait quinze ans à présent, mais elle allait toujours à l'école. Arlam était devenu son tuteur légal après maints efforts administratifs. Il soupira et répondit :

— Tu n'étais pas si seule que ça. Et tu es assez grande pour te prendre en main. Mais tu as raison, j'aurais dû te prévenir que mon absence allait être plus longue que prévu. D'ailleurs, comment m'as-tu retrouvé ?

— J'ai utilisé le Lien, évidemment. Ça n'a pas été facile, j'ai cru que cette espèce de boussole faisait n'importe quoi quand j'ai senti ta présence au sud-est, vers une ville pleine de Chasseurs.

Un peu coupable, Arlam pinça les lèvres. Faire appel au Lien à son âge était en général révélateur d'une absence gênante dans la famille.

— Maintenant, explique-moi ! reprit Luan. Tu devais aller à Aïcko pour deux semaines ! Et... t'es qui, toi ?

Peu impressionnée par la hargne de l'adolescente, Mezina arqua un sourcil et répondit :

— Mezina Meroaï, belliciste.

— Contente pour toi.

— Quelque chose me dit que tu pratiques la même spécialité que moi...

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant