Chapitre 9 : En Territoire Ennemi (partie 2)

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Ils aperçurent les portes d'Asnault bien avant de les atteindre. Talleck leur avait fourni de précieux conseils afin de se fondre dans la masse : pas de bijoux trop visibles ni de vêtements colorés. Nara et Esra avaient aussi dû se teindre les cheveux, et Lucanos s'était débarrassée de son masque et dissimulait son visage sous un capuchon.

Lorsqu'ils abordèrent la route pavée qui menait de Froidelune à Asnault, ils tentèrent de prendre un air naturel, mais tous bouillonnaient d'angoisse. L'ancien garde encore plus que les autres. La punition pour trahison consistait en une flagellation mortelle. Il ignorait combien de coups de fouet permettaient de tuer un homme et préférait ne jamais l'apprendre.

Lorsqu'ils approchèrent enfin des murailles de la capitale humaine, il comprit que ses conseils seraient à double tranchant : il n'avait pas pris en compte les différentes modes qui régnaient à Asnault et à Froidelune. Les Asnalliens, même les plus modestes, se vêtaient de tenues ornées de symboles bigarrés. Talleck les considéra avec aversion : la sobriété froidelunienne lui paraissait soudain du meilleur goût. S'il ne détonnait pas, leur petit groupe risquait d'attirer l'attention des curieux désirant en apprendre plus sur les récents événements de sa ville natale.

Malgré leur anxiété, les Sorcières ne semblaient pas gênées par ce qu'elles découvraient. Talleck ne comprenait pas leur réaction. S'il se sentait dépaysé, que dire d'elles ? Tant de choses lui échappaient.

Leur attitude changea cependant lorsqu'elles constatèrent que des cristaux, les plus gigantesques qu'ils aient jamais vus, dominaient la ville et empêchaient l'usage de la magie à toute Sorcière aux alentours.

— C'est un cauchemar, c'est ça ? déglutit Luan.

— J'ai oublié de vous en parler..., répondit Talleck.

— Oublié, ou omis de nous le préciser ? gronda Lucanos, suspicieuse.

Talleck tenta un geste d'apaisement.

— Je ne m'étais jamais rendu à Asnault avant aujourd'hui. Un collègue qui venait de la capitale m'avait glissé une ou deux fois que sa ville était sûre grâce à ses nombreux cristaux. Je n'imaginais pas qu'il y en aurait une telle quantité...

L'explication, bien que sincère, ne contenta pas Lucanos, mais tant qu'elle suffisait à Nara, il ne risquait rien. Pour une raison qui lui échappait, la Sorcière paludonienne se pliait encore à la volonté de l'élémentaliste. Nara sortait de l'ordinaire, il fallait l'avouer. Talleck se souvenait de la détresse dans son regard lorsqu'il l'avait escortée jusqu'à Hution Rerus. Elle refusait de l'admettre, de se laisser abattre, mais cela lui crevait les yeux : la terreur la tenaillait toujours. La brutalité du monde des Hommes lui explosait au nez et personne ne semblait s'en rendre compte. Le soutien que d'autres Sorcières apportaient à sa cause ne changeait rien au mal-être qu'elle éprouvait.

— De toute façon, c'est pas non plus une surprise, murmura Luan. On devra être très prudents. Où est-ce qu'on va trouver Arlam ?

Malgré le côté oppressant de la ville, Luan tâchait de conserver son calme. Talleck était impressionné par son sang-froid, en dépit de son jeune âge.

— Il doit y avoir une grand-place, dit Esra. Ça sera déjà un bon départ.

Ils avancèrent à pas mesurés parmi la foule. Talleck nota que les Sorcières blêmissaient tandis qu'ils approchaient la cité. Il pensa tout d'abord que la seule présence de gardes armés jusqu'aux dents les effrayait. Mais lorsqu'ils passèrent les lourdes portes d'acier qui menaient au centre de la ville et que Nara fut saisie d'un haut-le-cœur, il découvrit qu'il s'agissait de l'action des cristaux.

— Ça va aller ?

Tous acquiescèrent d'un sourire crispé. À plusieurs reprises, ils baissèrent les yeux lorsqu'ils croisaient des passants d'un peu trop près. Talleck craignait que leur attitude n'éveille la suspicion des soldats de la capitale.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant