Chapitre 3 : L'Odalisque (partie 3)

216 42 10
                                    

Lucanos l'observait. Nara le sentait, même si elle peinait à capter le regard de l'arcaniste.

— Il faut que je lui parle, déclara-t-elle avec fébrilité.

— Bonne chance dans ce cas, rétorqua Auléna. Le problème n'est pas de pouvoir lui poser une question, mais plutôt d'obtenir une réponse.

Nara esquissa un mouvement pour se lever, mais sa consœur lui prit le bras et l'obligea à se rasseoir. Surprise, l'élémentaliste lui jeta un regard confus.

— Tu serais pas un peu idiote, quand même ? Cesse donc de t'agiter dans tous les sens, expliqua la belliciste, agacée. Déjà parce que tu m'as l'air épuisée, ensuite parce qu'ils vont finir par trouver ça suspect.

— Ils ? demanda stupidement Nara.

— Tu ne les as pas remarqués ? Tu es encore plus fatiguée que je ne le pensais ! se moqua Auléna avant de désigner des gardes postés dans l'obscurité.

Nara admit bien malgré elle qu'ils avaient échappé à sa vigilance, à l'évidence mise à mal par son périple dans les filets de Carsis.

— Tu pourras essayer de parler à Lucanos lorsque nous irons manger. À ce propos, ne sois pas trop familière avec elle. Son statut d'Odalisque lui donne droit à un certain respect, alors vouvoie-la. En attendant, fais profil bas.

Nara reconnut qu'elle avait raison. Elle contempla les différentes esclaves, Rohe, Lucanos, Auléna, ainsi que les petits groupes qui les entoureraient, et constata à quel point il serait difficile de s'évader. Difficile, mais pas impossible. Toutes les Sorcières présentes restaient unies face à un ennemi commun : Hution Rerus. Si les informations d'Auléna se vérifiaient, il y avait là assez de bellicistes pour tenter de se frayer un chemin vers la liberté si elles pouvaient combiner leur magie. Et une arcaniste... voilà qui s'avérait presque inespéré.

Auléna laissa Nara quelques instants et les pensées de cette dernière se tournèrent vers Arlam et Mezina. L'illusionniste devait avoir récupéré de sa blessure. Restait à savoir s'il accompagnerait Mezina jusqu'à la ville...

Un garde s'avança pour annoncer l'heure du dîner. Les Sorcières se dirigèrent alors toutes d'un même mouvement vers la porte principale, qui menait au couloir ceinturant l'amphithéâtre. Elles tournèrent à gauche jusqu'à atteindre, comme le soupçonnait Nara, un escalier qui débouchait sur l'étage. À nouveau, elles se retrouvèrent dans un corridor aux couleurs chatoyantes, mais elles s'engouffrèrent cette fois-ci dans la première pièce sur leur droite. Elle était spacieuse et comportait deux grandes tables en bois verni, mises bout à bout, ainsi que des bancs sans dossiers où l'on avait disposé de petits coussins. Trois fenêtres rondes offraient une vue sur les jardins de la demeure, lesquels semblaient un peu à l'abandon en comparaison avec le splendide intérieur qu'ils entouraient. Entre les barreaux qui rayaient les lucarnes, Nara aperçut des touffes d'herbe séchée par le soleil d'été.

Sur la table se trouvaient trois piles d'assiettes en porcelaine, des gobelets en bois et des cuillères argentées. Une par une, les Sorcières prirent leur couvert et s'assirent. Nara et Auléna firent de même et se placèrent l'une en face de l'autre. La jeune guerrière indiqua à l'Aïckoise qu'on attendait que toutes les captives soient installées avant d'apporter les plats à table. Nara accueillit cette annonce par un haussement d'épaules, mais remarqua :

— Pas de couteaux, pas de fourchettes...

— Ils ne sont pas idiots, si c'est ce à quoi tu pensais. Ils ont subi de nombreuses tentatives de fuite à coup d'ustensiles de cuisine. Rohe m'avait raconté qu'un jour, une dizaine de femmes s'était révoltées et avait attaqué les gardes avec des éclats de verre. Elles ont fait quelques morts, mais elles ne faisaient pas le poids. On les a arrêtées et exécutées. La gorge tranchée.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant