Chapitre 12 : L'Accueil de la Reine (partie 3)

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Pour la première fois de sa vie, Nara se retrouvait dans une cellule de prison du cercle, une cabine de métal aux dimensions réduites dans laquelle un enfant assis n'aurait pu étendre les jambes, et où une Sorcière un peu plus grande qu'elle ne parviendrait pas à tenir debout.

Accroupie, la tête posée contre le fer rouillé, la jeune femme s'intéressa aux sons qui l'entouraient : son cœur qui cognait lourdement dans sa poitrine, les gouttes d'eau qui s'immisçaient entre les parois puis s'écrasaient contre sa peau, et, de temps en temps, les fines pattes des lézards se collaient et se décollaient du plafond.

La cellule comportait une mince ouverture barrée à travers laquelle Nara pouvait voir le crâne de son geôlier, un Mage. Sa présence la mettait mal à l'aise ; le souvenir du Prêtre-Chasseur qui l'avait capturée restait marqué au fer rouge dans sa mémoire, et si ce métis-ci avait reçu une éducation sorcière, elle n'en possédait pas moins les mêmes effrayantes capacités. Impossible pour Nara de pratiquer l'élémentalisme : la cage entravait ses mouvements, mais surtout, le Mage déjouerait sur le champ toute tentative de maîtriser l'eau, la terre ou les plantes.

— J'aurais dû apprendre le bellicisme, marmonna-t-elle.

Le Mage se retourna un bref instant, puis revint à sa position initiale quand il comprit que Nara ne parlait que pour elle-même.

Même en se doutant que la Reine ne serait pas ravie de la revoir, elle devait reconnaître que la violence d'Izor l'avait surprise. Elle massa son bras douloureux, sa gorge, puis tâta la bosse sur son front.

— Dis, je pourrais avoir de l'onguent ?

Le Mage l'ignora superbement.

— Et d'abord, pourquoi je suis enfermée ? s'irrita-t-elle.

— Parce que tu es inconsciente et que tu cherches les ennuis partout où tu vas.

Nara sentit son estomac bondir : la voix d'Izor, froide et tranchante, venait de s'élever de l'autre côté de la porte.

— Je n'aurais jamais pensé que tu oserais une chose pareille. Les Sorcières qui sont revenues de Froidelune nous ont tout raconté... Tu t'es sentie héroïque en les libérant, n'est-ce pas ?

Nara déglutit avec peine ; elle avait l'impression d'être une enfant en train de se faire gronder.

— C'était stupide, poursuivit Izor avec dureté. Tellement stupide que je me suis même demandé si tu avais vraiment pu aller jusque-là.

La voix de la souveraine montait crescendo à mesure qu'elle la réprimandait. Des nuances plus aiguës s'en emparaient parfois, quand elle insistait sur les i.

— Nous sommes exposées. Tu devrais le savoir, toi, mieux que quiconque ! Et toute action que nous entreprenons envers les Hommes engendre forcément une réaction, cent fois, mille fois pire ! Pour le moment ils sont trop secoués pour réagir, mais je peux t'assurer que pour chaque Sorcière que tu as libérée, dix autres seront capturées et massacrées !

Cette fois-ci, Nara se releva et se jeta contre la porte, le visage presque plaqué contre l'ouverture rectangulaire. La tête lui tourna et ses jambes manquèrent de se dérober sous son poids, mais elle vrilla ses yeux dans ceux de la Reine.

— Alors quoi ? s'écria-t-elle, surprise par son propre aplomb. On doit attendre de se faire cueillir une par une ? Un Chasseur m'a attrapée, et il m'a vendue comme un vulgaire objet à ce Seigneur humain. Son passe-temps favori ? Collectionner et violer des Sorcières jusqu'à ce qu'elles soient trop vieilles, ou trop laides. Et j'ose même pas imaginer ce qui leur arrivait quand elles tombaient enceintes. J'aurais pu y passer, comme beaucoup d'autres avant moi, sans personne pour m'aider. Si on oublie nos sœurs, qu'elles soient mortes qu'elles subissent ça jour après jour, alors crois-moi, nous ne méritons pas de survivre aux Hommes !

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant