Arlam ne sentait pas les larmes couler sur ses joues. Il ne sanglotait pas, la peine et l'effroi d'un tel spectacle l'écrasaient. Il oubliait la douleur encore présente des coups qu'il avait reçus, l'humiliation d'être attaché et maltraité, l'angoisse de ces dernières semaines. L'odeur de la chair brûlée planait autour de lui, s'infiltrait dans ses vêtements. Bientôt, ce serait son tour.
Le hurlement de sa cousine le tira de sa peine ; il darda vers elle des yeux ahuris. Sa bouche devenait un trou béant dans son visage et sa main se crispait sur le bras de Nara.
L'élémentaliste la secoua et elle cessa de crier. Déjà les Asnalliens se tournaient vers eux, choqués que cette exécution se voie perturbée ainsi. Un petit garçon comprit à qui ils avaient affaire lorsqu'il découvrit le visage marqué de Lucanos et s'exclama, presque trop loin pour qu'Arlam l'entende :
— Sorcières !
La rumeur se propagea, s'amplifia, devint une clameur effrayante :
— Sorcières ! Sorcières !
Une telle distraction s'avérait une véritable aubaine pour l'illusionniste, même s'il ne pouvait utiliser ses pouvoirs. Il réprima la terreur irrésistible qui se frayait un chemin sous sa peau et analysa la situation. Chaque garde, chaque Prêtre prêtait attention à ces intrus sans se soucier de leurs prisonniers. Les liens qui l'enserraient avaient été enlevés pour qu'il puisse se déplacer plus aisément. La logique se tenait : tenter de fuir une exécution dans une telle ville reviendrait à précipiter la mort plutôt que d'y échapper. Arlam regarda ses consœurs à droite, puis à gauche. Puis il rugit :
— Courez !
***
Nara s'avança d'un pas et les Asnalliens les plus proches reculèrent, effrayés.
— On doit se tirer d'ici, maintenant ! s'écria Lucanos.
— Pas sans Arlam !
Du coin de l'œil, l'élémentaliste repéra des soldats qui accouraient dans leur direction, mais elle cherchait son ami qui ne se trouvait plus au pied de l'estrade. Il entendit dans son dos la voix du Haut-Prêtre tonner :
— Attrapez-les ! Ils périront pour leurs crimes !
Esra prit la main de sa sœur, mais celle-ci se dégagea tout en continuant de scruter la foule. Soudain, boitant un peu parmi les Hommes qui s'attroupaient autour du petit groupe, la silhouette apeurée d'Arlam surgit. Par ses gestes désordonnés, il bousculait les badauds qui refusaient de le laisser passer. Il sonna un des gardes d'un coup de coude et attrapa la main de Nara tendue vers lui.
— Allez, on file d'ici !
Chacun prit ses jambes à son cou dans le but unique de distancer les Asnalliens enragés. Les autres Sorcières s'éparpillèrent, créant une confusion générale chez les gardes.
Arlam accéléra l'allure, obsédé par une seule idée : courir toujours plus vite. Un coup d'œil en arrière lui révéla Luan, dont la respiration devenait anarchique dans la panique. Elle voulut s'arrêter pour retrouver son souffle, mais Talleck la prit par l'épaule et la poussa à continuer sa fuite.
Le groupe de Sorcières atteignit l'avenue principale par laquelle il était arrivé. Les soldats Asnalliens les attendaient, lances brandies ou lames au clair.
— Par la Grande Tortue ! jura Esra.
Il se tourna vers sa sœur et prit sa main. Arlam, médusé, ne posa pas de question quand elle l'imita et s'empara de la sienne.
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L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]
FantasyNote importante : ceci n'est pas la version définitive du texte. Si vous souhaitez la consulter, c'est par ici : https://www.cafecobalt.fr/histoire/arbre-de-feu-1/ Sur le continent comme dans les îles, Hommes et Sorcières se vouent une haine milléna...