Chapitre 12 : L'Accueil de la Reine (partie 1)

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Chaque cercle possède un fonctionnement qui lui est propre. Mais tous ont en commun une certaine dévalorisation de l'homme qu'il nous est parfois difficile à comprendre : il y a par exemple de fortes chances pour qu'un homme qui manque de respect à une femme en subisse de graves conséquences, quand les Sorcières semblent à peine remarquer le cas inverse. Ces comportements se trouvent ainsi en miroir de ce que nous observons au sein de notre Royaume.

— Extrait des « Voyages en Terres Sorcières » d'Aldon Varret, an 903


Vitrembre 1151, cercle du Bois Refuge


— Talleck, pourquoi les Hommes nous détestent-ils ?

Surpris par la petite voix qui venait de s'élever derrière son épaule, l'ancien garde se retourna pour découvrir le visage ensommeillé de Luan. La jeune belliciste passa une main dans sa chevelure blonde avant de s'asseoir à côté de lui.

La branche sur laquelle ils reposaient se trouvait au-dessus de l'entrée de l'habitarbre d'Arlam ; Talleck s'y était hissé à la force des bras. Il n'avait pu que constater comme le manque d'exercice trahissait ses muscles engourdis. Peu habitué à l'environnement forestier, il peinait à trouver ses repères lorsqu'il se déplaçait dans le cercle. À l'inverse, Luan l'avait rejoint avec une souplesse et une aisance déroutante.

Troublé par sa question, il contempla le visage juvénile de la Sorcière. Il s'accorda quelques secondes de réflexion avant de répondre :

— Honnêtement, je ne suis pas le mieux placé pour te donner des détails. On ne peut pas dire que j'aie reçu une éducation assez solide pour ça.

— Mais... tu nous as détestées, n'est-ce pas ? Pourquoi ?

Talleck demeura silencieux quelques instants. Le cercle dormait autour d'eux, et quelques coins de ciel étoilé apparaissaient à travers les feuilles des immenses chênes. De temps à autres, une sentinelle munie d'une lanterne s'aventurait entre les arbres. À sa grande surprise, la communauté sylvestre avait accepté sa présence sans difficulté. Arlam lui avait raconté que ce cercle avait accueilli de nombreux Hommes à travers les siècles : espions ou érudits, à l'instar du célèbre Aldon Varret. Seuls les alliés des Sorcières survivaient. Les autres finissaient entre les racines des habitarbres, plusieurs mètres sous terre.

— Mes parents m'ont toujours dit que les Sorcières étaient un fléau, confessa Talleck à mi-voix. Jusqu'à ce que j'obtienne ce poste de garde chez Hution Rerus, j'ai toujours cru que vous étiez la source de nos malheurs. Et là, j'ai découvert...

— ... qu'on était pas si différents ?

Un peu gêné, il acquiesça. Il avait parfois voulu poser une main réconfortante sur l'épaule d'une Sorcière en pleurs lorsqu'il travaillait pour le Seigneur. Il avait rencontré là-bas des femmes sensibles, blessées, aimables parfois. Des femmes qui possédaient une âme tout autant que lui.

— Luan, je ne comprends pas pourquoi tu me demandes ça.

La belliciste haussa des épaules avec désinvolture, mais face au mutisme du garde elle répliqua :

— Notre Histoire dit que vous nous haïssez par jalousie. L'Arbre de Feu nous aurait choisies nous, les Sorcières, et vous aurait délaissés. Vous vous êtes sentis méprisés par un dieu qui n'était pas le vôtre.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant