Chapitre 10 : De Jade et d'Émeraude (partie 2)

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Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le cercle, Luan donnait quelques anecdotes sur tel ou tel lieu. Ils passèrent certains quartiers qu'elle ne connaissait que vaguement avant d'atteindre ceux qui abritaient son école, et les lieux de vie qui avaient bercé son enfance.

— C'est ici que vivaient les parents d'Arlam avant de partir pour Itera avec les miens ! s'exclama-t-elle lorsqu'ils passèrent non loin d'un chêne décoré de peinture violette et bleue.

— Et depuis combien de temps est-ce qu'il s'occupe de toi maintenant ? demanda Talleck en toute innocence.

Le visage de Luan s'assombrit lorsqu'elle répondit :

— Un peu plus de quatre ans... J'avais onze ans quand il a commencé à m'amener à l'académie de bellicisme. Ma sœur était déjà partie depuis plus d'un an.

Un silence surpris accueillit cette déclaration, accompagné d'un raclement de gorge peu discret de la part d'Arlam. Ce fut Esra qui osa poser la fâcheuse question :

— Tu as une sœur ?

La petite Sorcière la balaya d'un geste de la main et se précipita entre les grands chênes avec gaieté, avant de s'écrier à tue-tête :

— Nous allons bientôt arriver chez Arlam, dépêchez-vous, son habitarbre est assez particulier, vous allez voir !

Son cousin haussa les épaules et lui emboîta le pas avec assurance. Son aînée, Marstyn, n'avait pas jugé bon d'accepter ses responsabilités d'héritière, comme de sœur. Elle connaissait la rancœur qu'Arlam lui portait et s'en voulait de l'avoir mentionnée sans faire attention. D'une certaine façon, elle savait que sa propre animosité envers Nara venait aussi de l'abandon de Marstyn : sans le savoir, l'élémentaliste l'avait privée de son dernier repère familial.

Javeet trébucha sur une racine et poussa un juron qui la sortit de ses pensées et tira des éclats de rire de la part de ses compagnons, même du Gardien qui les accompagnait toujours.

Luan observa les nombreuses Sorcières qu'ils croisaient. Jamais elle n'avait imaginé que l'action de Nara à Froidelune aurait de telles répercussions. Partout où elle se rendait, à l'exception de quelques attitudes suspicieuses, on lui offrait un salut des plus respectueux et de nombreuses Sylvestres essayaient de lui remettre en main propre des cadeaux de toutes sortes. Chaque fois, Nara les refusait avec gêne. La rencontre avec les parents de Mezina l'avait ébranlée.

— La plupart des Sorcières que tu as libérées de la demeure de Hution Rerus venaient du Bois Refuge, rappela Luan.

— Oui, j'en ai vu certaines, tout à l'heure, mais...

L'élémentaliste afficha une grimace dubitative, aussi la belliciste poursuivit :

— Elles ont dû raconter tout ce qu'il s'est passé là-bas, et crois-le ou non, ça a fait sensation. Les Reines veulent te rencontrer, ça n'est pas rien.

— Les Reines ? demanda alors Talleck. Je croyais que chaque cercle était gouverné par une seule Sorcière et que tous les cercles étaient sous la direction de l'Impératrice.

— Je suis surpris que tu saches cela, releva Arlam. Le Bois Refuge est un cas particulier. Il s'agit du plus grand cercle au monde, plus grand encore que l'Archipel de Pzerion, notre capitale, si on peut appeler ça comme ça. Ici, nous prêtons serment à deux Reines qui proviennent de la même famille. La première est une illusionniste, Mireth, la seconde est belliciste et se nomme Caronn. Et je crois qu'il n'y a pas deux Sorcières plus différentes l'une de l'autre.

— J'ai tellement hâte de rencontrer la Reine Caronn ! lança Luan avec engouement. Son style de bellicisme novateur est enseigné par nos professeurs. C'est si fluide, je n'avais jamais vu ça. Et on dit qu'elle le maîtrise avec une adresse ahurissante !

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant