Chapitre 3 : L'Odalisque (partie 1)

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Les élémentalistes possèdent d'incroyables capacités liées à la nature. Ils peuvent, grâce à leur magie, contrôler l'eau, la terre et les plantes. L'académie où ils sont formés se trouve au cercle du fleuve Aïcko, où le terrain est très favorable à la pratique de cet art.

Il est malheureux de voir que de telles mœurs sont perçues comme un danger par mes pairs. Les élémentalistes pourraient tant nous aider, si seulement nous leur laissions une chance...

- Extrait des « Voyages en Terres Sorcières » d'Aldon Varret, an 903


Sluncet 1151, ville de Froidelune


Les liens qui enserraient les poignets de Nara attaquaient sa chair ; irritée, sa peau commençait à perdre sa pâleur et à virer au rouge vif. Les jambes engourdies par l'absence d'exercice, la Sorcière parvenait à peine à tenir debout. La douleur dans ses chevilles nourrissait ses grimaces. Plusieurs fois déjà, elle avait manqué de s'écrouler, mais elle ne comptait pas perdre la face devant l'assemblée méprisante. Avec le bruit et les mouvements qui l'animaient, elle ne parvenait à fixer son attention sur les individus qui la constituaient. Il pouvait s'agir d'hommes ou de femmes, de marchands ou de mendiants, cela lui importait peu. Ils ne méritaient pas qu'elle leur accorde la moindre considération.

Nara avait toujours imaginé qu'en sa qualité de plus grande ville de l'est du Royaume de Pressiac, Froidelune l'impressionnerait la première fois qu'elle y mettrait les pieds. Elle s'était attendue à une cité austère, immense, sombre. Elle avait découvert de petites rues pavées de pierres aux tons clairs, des bâtisses sobres aux murs presque blancs et aux tuiles orangées. Son port abritait à peine quelques navires marchands et des dunes de sable terne encerclaient cette bourgade, aux dimensions qu'elle supposait modestes.

Cependant, son marché aux esclaves sidéra la jeune élémentaliste. D'après ce qu'elle avait pu lire, l'esclavage des Hommes consistait en une période de travaux forcés qui dépendait du crime commis. Une fois leur dette payée, souvent après de longues années, leurs maîtres les libéraient. Bien entendu, la durée de cette sentence n'expirait jamais pour les Sorcières.

Des dizaines de prisonniers se tenaient sur une immense estrade : des Sorcières, mais aussi des criminels en tous genres, attendaient d'être vendus sous le soleil de plomb du mois de sluncet. Et Nara se trouvait à présent parmi eux. Ses cheveux sales se plaquaient sur son front avec la sueur, et la faim tiraillait son ventre, vide depuis plusieurs jours. L'astre quittait son zénith, mais ses rayons lui matraquaient le crâne.

Lorsque vint son tour, Carsis Bramin détacha ses chevilles et la poussa vers l'avant de la tribune, mais elle perdit l'équilibre et tomba sur les genoux. Au milieu des rires de la foule, toujours floue et indistincte, une voix s'éleva, haute et claire :

— Une élémentaliste qui nous arrive du Fleuve Aïcko ! Ses pouvoirs sont impressionnants et son tempérament explosif !

Carsis la prit par le bras et l'obligea à se relever afin de mieux l'exhiber.

— Cinq cents ! s'exclama quelqu'un dans la foule.

— Huit cents ! reprit un autre.

— Mille deux cents !

Nara fut secouée de colère : on allait l'acheter comme un vulgaire objet. Elle laissa échapper un grognement, auquel Carsis répondit avec un rictus :

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant