Chapitre 4 : Caméléons (partie 1)

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Chaque Sorcière possède un « potentiel magique » qui lui donne sa puissance. Elle se doit de l'accepter et vivre avec. Il faut imaginer la magie comme un muscle qui peut se développer avec plus ou moins de facilité. Mais n'oubliez jamais que, comme le muscle, la magie ne détient pas de ressources illimitées et l'épuisement vous guette si vous en abusez.

- Extrait d'un cours oral de l'école d'élémentalisme du cercle d'Aïcko


Sluncet 1151, ville de Froidelune


La lune avait disparu ; l'obscurité et le silence régnaient entre les quatre murs de terre.

Son artefact de vol coincé en dehors, Mezina avait abandonné l'idée de sortir seule de leur protection d'élémentalisme, qui avait vite pris des allures de prison. Elle tournait encore et encore, prête à imploser sous l'inquiétude et la nervosité. Aucune réponse ne lui était parvenue de la part de Nara, et les bruits captés de l'autre côté des pans de terre s'étaient atténués peu après. Il fallait se rendre à l'évidence : le Chasseur avait neutralisé et enlevé Nara. Et elle n'avait rien pu faire pour l'éviter.

Le sang avait cessé de couler de la plaie dans l'abdomen d'Arlam, mais Mezina préférait ne pas courir le moindre risque. Ils sortiraient à la levée du jour, et surtout dès que l'illusionniste serait en état d'utiliser la magie pour se déplacer. Même si l'onguent avait agi assez vite, Mezina lisait sur son visage la faiblesse causée par la perte de sang. Il plongea toutefois la main dans sa poche pour en extraire une unique carte, différente de celles qu'il utilisait pour ses illusions : une carte-fée. Celle-ci se pliait à sa volonté, et adoptait la forme et la dimension qu'il désirait ; il s'en servait donc pour voler, il en avait fait la démonstration à plusieurs reprises depuis leur rencontre. Il fit mine de se redresser en la brandissant.

— On doit aller la chercher, articula-t-il avec difficulté.

— Oui, mais pas tout de suite.

Arlam voulut protester, mais étouffa plutôt une exclamation de douleur.

— Je dois insister ou tu as compris tout seul ? rétorqua Mezina, la voix tendue.

Ses propos semblaient durs, mais ils ne pouvaient négliger leur santé s'ils souhaitaient secourir Nara. Arlam ne serait pas capable de voler avant plusieurs heures, le Chasseur devait certainement se déplacer à cheval et ils ignoraient quelle direction il avait empruntée. Ils s'étaient rapprochés de Froidelune, aucun doute là-dessus : cela impliquait le risque de croiser davantage de Chasseurs, s'ils rejoignaient la route des Hommes. Au moins les murs les protégeraient-ils pendant cette nuit-ci.

— Il faudra qu'on aille directement à Froidelune. On fera des pauses régulières pour que je te mette de l'onguent, mais on ne devrait pas arriver à la ville longtemps après eux.

Les lèvres pincées, tant par la résignation que par la souffrance, Arlam s'allongea et cala sa tête contre son sac.

— Je sais que ça va paraître étrange, mais j'espère que ce Hution Rerus va l'acheter.

La gorge de Mezina se noua à cette pensée, mais elle ne pouvait qu'approuver : tout sauf les Prêtres de la capitale humaine.

Arlam s'endormit bientôt, éreinté par sa blessure. La belliciste s'assit à ses côtés et s'assura que sa respiration demeurait normale et régulière. Le saignement s'était résorbé, mais elle se méfiait des armes des Chasseurs, qui contenaient parfois des poisons pernicieux.

La tête lourde, Mezina lutta de nombreuses heures pour ne pas tomber de fatigue. Au milieu de la nuit, incapable de tenir plus longtemps, elle se plaça près d'Arlam et sombra à son tour.

L'Arbre de Feu - Livre 1 [V2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant