CHAPITRE 6 : Inquiétude.

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Le soleil jouait à cache cache avec les nuages en ce matin du  troisième jour de septembre de l'année 1996, lorsque Hermione Granger ouvrit laborieusement les yeux, les paupières papillonnantes. Elle avait passé la nuit sur le canapé du séjour des appartements de son Professeur de Potions. Alors qu'elle se  redressait doucement, elle réalisa avec stupeur qu'elle était couverte. En y regardant de plus près, elle comprit qu'il s'agissait de l'épaisse cape noire appartenant à Rogue. Ainsi donc il était rentré dans la nuit pensa-t-elle avec soulagement en se levant, un petit sourire accroché aux lèvres. Et il avait de surcroît pris le temps de la couvrir.  Il ne pouvait être alors qu'en bonne santé sans quoi il se serait certainement économisé cette attention qu'il avait eu avant d'enfin rejoindre sa chambre.

Le coeur plus léger que la veille au soir, elle alla prendre une douche rapide avant de s'habiller aussi vite. Elle n'était pas en avance et si elle voulait avoir le temps de manger avant le début des cours, il ne fallait pas qu'elle traîne. Mais avant de sortir, la jeune femme prit le temps de replier soigneusement la cape de son protecteur, et la déposa avec une grande délicatesse sur un bras du fauteuil. Puis, elle tira un morceau de parchemin de sa sacoche et griffonna à la hâte un : "Merci pour tout Monsieur... À plus tard."  de son écriture fine. Merci pour la couverture mais également pour tout le reste : pour toutes ces années années de sacrifice à son rôle d'espion mais également à s'assurer de leur sécurité, pour tous ces cours, même s'il ne comprendrait pas avant qu'elle ne lui dise explicitement un jour prochain. Elle se l'était promis la veille au soir. Elle posa donc le morceau de papier sur l'habit replié, puis s'en alla rejoindre la grande salle.

Severus se réveilla non moins d'une heure plus tard, baillant à s'en décrocher la mâchoire. Il avait dormi d'un sommeil lourd et sans rêve, mais régénérateur. Après s'être étiré, c'est avec la  grâce et la légèreté qui le caractérisait que l'homme se dirigea dans la salle de bain attenante à sa chambre, pour venir s'affaler, plus qu'il ne prit appui, sur le rebord de la commode qui se trouvait accolée  à la cabine de douche qui se dressait à côté. Un miroir fixé au mur surmontait le meuble. Après quelques secondes d'absence, il finit par prendre son courage à deux mains et se secoua avant de se redresser. Il observa son reflet dans la glace et poussa un soupir, affligé, avisant ses traits tirés, gageant de la journée riche en émotions qui s'était jouée  la veille.

Ne s'attardant pas plus que nécessaire devant son image, il se dévêtit rapidement avant de se faufiler sous la douche, pour en ressortir quelques minutes plus tard totalement réveillé. Il  s'enroula dans une épaisse serviette blanche et se sécha énergiquement, puis enfila un pantalon noir après avoir passé un caleçon et quitta la pièce.

Il fit soigneusement son lit, attrapa sa baguette, qu'il avait déposé la veille sur sa table de nuit, puis la glissa dans une de  ses poches, par automatisme, avant de se rendre dans le salon. Dans la pièce il remarqua sa cape, que Miss Granger avait manifestement repliée avec soin ainsi que le petit mot dessus, qu'il relut plusieurs fois, troublé. Il fronça les sourcils  avant d'aller s'asseoir à sa table de travail, le papier dans la main.  Il prit soin de le plier avant de le ranger dans un tiroir de son bureau.

Il voulait profiter de sa matinée de libre pour peaufiner ses plans de cours pour le restant de la semaine. Il essaya de focaliser  son attention sur sa besogne mais en vain... Il avait l'esprit ailleurs, absorbé par son rôle d'espion pour le compte de l'Ordre du  Phénix et tout ce que cela impliquait.

Severus se demanda comment il avait pu s'enfermer dans une telle situation. Il n'avait plus aucun  pouvoir sur sa vie ! En reconsidérant les choses, il se souvint qu'au début, assoiffé par une soif de pouvoir intarissable, et dévoré par un désir de reconnaissance démusuré, aveuglé par une rage sans nom qu'il devait à son père et à tous ceux qui l'avaient malmené et humilié au cours de sa jeune existence, il s'était laissé embobiner par Lucius Malefoy, de deux ans son aîné, qui lui avait fait miroiter la gloire et la reconnaissance de la communauté sorcière s'il se ralliait aux rangs du Seigneur Noir, alors tout juste à l'aube de son ascension. Et, naïvement, assoiffé par l'ambition, il l'avait cru, et n'avait pas hésité une seule seconde. Puis, peu à peu, il avait réalisé qu'il s'était laissé berner. Mais quand il s'était rendu compte de son erreur grossière,  il était déjà trop tard. Ses choix avaient irrémédiablement conduit à la mort de sa meilleure, et seule véritable amie, Lily Evans : seule femme qu'il n'ait  jamais aimé en dehors de sa mère.

Ce fut donc ainsi que, rongé par le remord, Severus était venu trouver Dumbledore, qui, en échange de son total dévouement  lui avait promis la rédemption. Mais il n'était pas dupe cette fois-ci, et savait qu'il ne pourrait pas se racheter une conscience comme cela... Il était trop tard, et ce, quoi qu'il puisse faire. Il était  responsable de la mort de l'être le plus cher à son coeur et ne pouvait pas revenir en arrière. Ce qui était fait était fait, à son grand dam.

C'est ainsi qu'à sacrifier sa vie aux deux plus grands sorciers de son temps, il avait progressivement fini par la perdre. Elle ne lui appartenait plus vraiment depuis des lustres. Malheureusement... En effet, à constamment jongler avec le mal pour mieux se prouver à lui-même et montrer aux autres qu'il en haïssait les rituels et les officiants ainsi que les charmes et les pouvoirs, aussi séduisants soient-ils, il s'était laissé corrompre. Il s'était laissé corrompre et pervertir. Il était devenu ce qu'il abhorrait par delà toutes les limites. Un monstre froid et sans coeur, détesté de  tous, à commencer par lui-même, à l'image de son paternel... Ainsi que ses élèves, qu'il prenait un malin plaisir à tourmenter dans la seule et unique optique de se défouler et de déverser toute la colère qui grondait en lui depuis près de seize ans maintenant... Ses collègues de travail aussi, qui n'arrivaient pas à le voir autrement que comme un  partisan des forces obscures, qui s'attachait à duper son monde et  n'aurait aucun scrupule à retourner sa veste au dernier moment pour se retrouver dans le camp des vainqueurs... Et enfin, ses pairs mangemorts, qui jalousaient la confiance que lui accordait Voldemort pour le  récompenser de sa dévotion... Maudite dévotion qu'il était contraint de prouver régulièrement en accomplissant des missions dont il préférait  enterrer, reléguer le souvenir dans un coin bien enfoui de sa mémoire tant il réprouvait les actes qu'il s'était autorisé à commettre au cours de chacune d'elle dans le but de ne pas se compromettre... Et même en sachant  que tout ce qu'il avait pu faire était vital et nécessaire, autant pour lui que pour l'Ordre et le monde sorcier, il n'arrivait pas à se trouver  d'excuses...

Il pensait toutefois s'être guéri de la culpabilité qui le rongeait par rapport à Lily mais tout était remonté d'un coup, sans raisons particulières... Mais, se ressaisit-il en se levant et en commençant à faire les cents pas dans la pièce, par les temps qui  courraient, il n'était pas question pour lui de se laisser aller à de futiles états d'âme. Il fallait plus que jamais qu'il reste maître de lui-même.

Il devait remplir sa mission de protection et continuer à jouer double jeu pour essayer mettre à jour les plans de Voldemort. Pour l'heure, une de ses priorités était de découvrir le lieutenant du Lord Noir infiltré à Poudlard. Il avait bien une petite idée mais il fallait qu'il ait plus qu'une "petite idée". À ce stade des hostilités, il avait besoin de certitudes. Aussi allait-il mener sa  petite enquête, décida-t-il.

Rogue, perdu dans ses pensées, ne put retenir un sursaut quand des coups brefs frappés à la porte le tirèrent de ses pensées. Il s'empressa d'aller ouvrir pour découvrir un Dumbledore à l'air soucieux dans l'entrée. Il s'écarta pour le laisser entrer avant de refermer la porte, attendant que celui-ci ne prenne la parole, ce qu'il ne tarda pas à faire.

- Severus, je passais vous voir pour vous annoncer que je rassemblerai l'Ordre ce soir dans mon bureau, après le dîner. Il faudrait que vous préveniez Miss Granger dans la journée pour qu'elle vienne avec vous. Au vue de ce que vous m'avez dit hier, il faudra que vous redoubliez de vigilance dans les heures  creuses de la journée en ce qui concerne sa protection... J'ai réfléchi assez longuement cette nuit et je n'ai pu arriver qu'à une seule  conclusion... Le seul moyen "de toucher le survivant en plein  coeur et d'affaiblir l'Ordre définitivement" serait de s'en prendre mortellement à l'un de ses membres ou apparenté... Et je ne peux  m'empêcher de penser que Miss Granger et Monsieur Weasley représentent des cibles privilégiés... Dit-il d'une traite.

Le Maître en Potions acquiesça.

- Vous pouvez compter sur moi Albus. En dehors des heures de cours, je tâcherai de ne pas lâcher Miss Granger d'une semelle.

Le Directeur qui parut satisfait, salua Severus avant de quitter la pièce.  Ce dernier considérant les propos de Dumbledore, estima, au vue de  l'heure qui allait bientôt sonner midi et donc la pause déjeuner, qu'il ferait bien d'aller retrouver sa protégée à la sortie de son dernier cours de la matinée pour la mettre au courant de la situation et la garder à l'oeil avant les cours de l'après-midi.

UN AMOUR À TAIREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant