Chapitre 9

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    Pendant l'heure du dîner, je ramasse mon chapeau et ma toge pour la remise des diplômes. Ceux des garçons sont noirs; ceux des filles, rouges. Avec les cheveux que j'ai, je suis contente de ne pas avoir à porter du jaune moutarde.
    Jetant un coup d'oeil autours de moi, j'ai du mal à croire que, dans moins d'une semaine, ce sera sans doute la dernière fois que je verrai certains des autres élèves. Nous ne reviendrons pas ici après avoir passé l'été autour de la piscine municipale ou à nous promener en ville. Freed s'enrôle dans l'armée. Minerva,  la meilleure violoniste que notre école ait jamais accueillie, s'en va étudier la musique à Brevard, en Caroline-du-Nord.
    Bientôt, je n'aurai des nouvelles des gens qu'en ligne.
    Je passe devant la table où Jubia, Mirajane et Lévy sont en train de discuter avec les garçons. Si je décide de ne pas partager la chambre de Mirajane, est-ce que je les reverrai, elle et Jubia ? Parce que l'université où nous allons compte, genre, trente milles étudiants. C'est une vraie fourmilière.  Ici, à Hundred Oaks, nous ne sommes que cinq cents élèves environ.
    Lévy dit quelque chose, et la tablée éclate de rire. Moi, je me sens seule.
    Je me suis souvent demandé si j'aurais fait partie de ce groupe d'amis, advenant le cas où Jubia et moi ne nous serions pas éloignées l'une de l'autre quand elle a déménagé. En dehors de Mirajane et Lévy, on la voit généralement avec Gray Fullbuster,  le petit-fils du maire, Luxus Drear, l'un des garçons les plus mignon de l'école et Gajeel Redfox, l'héritier du plus grand élevage de chevaux de Franklin, où travaille Lévy. Il sort d'ailleurs avec elle. Avec les tapis orange miteux qui ornent ma maison mobile et la tache marron infecte sur le comptoir de ma cuisine, comment aurais-je pu inviter des gars comme eux à venir manger de la pizza ou regarder un film chez moi ? Les gens pour lesquels Jubia m'a laissée tomber éveillent en moi un sentiment d'infériorité pour toutes sortes de raison.
     Avant, je passais l'heure du dîner avec Sting, Rogue, son meilleur ami, et sa petite-copine Yukino. Cependant, je n'ai pas mangé avec ces derniers depuis la mort de Sting. J'ai entendu dire que Rogue a réagi à la perte de mon copain à peu près de la même façon que moi : il ne veut jouer aux jeux vidéo avec personne d'autre, et il s'entraîne tout seul à faire des paniers.
    Au moment où je passe devant leur table, Rogue m'adresse un petit signe de tête. Bien qu'il sache que Sting et moi nous étions réconciliés avant sa mort et nous étions remis ensemble, Rogue ne semble pas avoir l'intention de m'inviter à m'asseoir avec eux.
    Au moins, on est mercredi, ce qui signifie que c'est ce soir qu'a lieu mon entraînement personnel avec Zelef. Je n'aurais jamais cru devenir la fille qui adore faire du sport, qui a besoin de son entraînement comme un le flic d'un beigne. Mais je ne sais pas encore si j'aime être active, ou si c'est le fait de travailler pour atteindre un but qui me plaît vraiment. En tout cas, je n'ai pas encore participé à la course, mais je sens déjà que la rigueur de ce programme qui structure ma vie va me manquer.
    Tout en ouvrant ma canette de Coke Diète, je jette de nouveau un coup d'oeil autour de moi dans la cafétéria. Un peu partout sont accrochées des affiches fabriquées par les élèves de première année pour nous souhaiter bonne chance. Le secondaire est fini. Je bois une petite gorgée. Plus j'y pense, plus je crois que ce que j'aime le plus dans la course et l'exercice physique est le contrôle que cela me procure. Le total contrôle de moi-même, de mon corps, et de mon futur. C'est quelque chose que je n'ai pas ressenti depuis sa mort.
    Et je veux continuer de le ressentir.
    Je me rends tout à coup compte que je suis en train de foncer vers Jubia et Mirajane, de l'autre côté de la cafétéria. En me voyant approcher, leurs amis se regardent les uns les autres. Jubia penche la tête et se met à chuchoter avec Gray, m'ignorant complètement. Gajeel, toujours aussi galant, se lève immédiatement, sous le regard amoureux de sa petite-amie, et me propose sa chaise.
- Merci, lui dis-je.
    Il sourit et attrape une chaise près d'une autre table. Je prends une grande inspiration et me penche vers Mirajane :
- J'ai bien réfléchi, au sujet de l'université. Si tu n'as pas encore trouvé de colocataire pour partager ta chambre et que tu veux toujours de moi...je suis partante.

Respire, Lucy, respire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant