J'ai à peine le temps d'atteindre les toilettes avant de vomir de nouveau.
J'ai dû m'arrêter deux fois en chemin pour vomir sur le côté de la route. Je m'agenouille et m'accroche au siège des toilettes, respirant profondément. Ça continue. Et encore. Mais pourquoi mon estomac est-il si dérangé? Ces sprints que j'ai faits aujourd'hui m'ont rendue encore plus malade que mes premiers tours de piste, à l'école, quand madame EverGreen m'a surprise en train de courir comme un babouin. Une chance que j'ai pris deux comprimés d'ibuprofène. Comment me sentirais-je sinon?
La porte de la salle de bain grince en s'ouvrant, et j'aperçois maman dans l'entrebâillement, une serviette à la main. Elle s'accroupis près de moi et me tapote le dos pendant que je vomis. Je ressens des picotements désagréables à cause de l'acide lactique qui s'est accumulé sous ma peau. Si je ne peux même pas courir dix km sans me sentir aussi mal, comment vais-je bien pouvoir en courir vingt-six?
- Tu as réussi à terminer ta course? me demande-t-elle doucement en me tapotant le visage avec la serviette.
- Oui, dix km.
- Waouh! Il aurait été fier de toi.
- Non, maman. Ne commence pas.
Je la sens se raidir à côté de moi, et nous détournons toutes les deux les yeux. Je l'entends renifler. Je me sens mal de lui avoir répondu brusquement, vraiment mal, mais étais-ce bien le moment de parler de Sting?
- Je n'y peux rien, me répond-elle. Je sais qu'il aurait été émerveillé, c'est tout. Ce n'est pas sain de ne jamais parler de lui, ma puce. Tu ne dois pas garder tout cela en dedans de toi.
Je m'appuie contre la toilette et pose ma tête sur mon bras.
- Je vais appeler Aquarius, me dit maman d'une voix douce en repoussant les cheveux qui me tombent sur le visage. Pour la prévenir que tu n'iras pas travailler ce soir.
Je lâche :
- Non !
Et je suis de nouveau malade. Je me cramponne aux toilettes et maudis mon estomac en silence. Je le maudis et je le hais.
- J'ai besoin de cet argent.
- Mais ça n'a aucun sens. Tu sais, les gens aiment bien que leur serveuse soit en bonne santé...
Elle avait raison. De toute façon, si je me présente au restaurant couverte de transpiration, le visage tout rouge, et que je vomis toutes les deux minutes, Aquarius ne me laissera pas travailler. Mais, si je n'y vais pas, je vais perdre au moins soixante-quinze dollars de pourboire. C'est le soir ou je gagne le plus d'argent !
- Mais, maman, lui dis-je en pleurant, je ne pourrai plus me payer mon entraînement. Et encore moins économiser pour l'université. Il me reste à peine trois cents dollars, en ce moment.
Elle me serre dans ses bras.
- Oh, ma chérie. Tu ne vas pas aller travailler dans cette état. Je regrette tellement que tu aies à t'imposer toute cette pression... J'aimerais tant être capable de payer pour tout cela - tu sais que je le ferais, si je pouvais.
Bien sûr que je le sais.Mon réveil se met à sonner, strident comme une alarme d'incendie.
Je tends les bras et assène un coup violent sur le bouton snooze. Il est cinq heures du matin. J'ai fini de travailler à minuit, et il faudrait maintenant que je me rende à Nashville pour courir sept km? C'est-à-dire pour profiter d'un " jour de repos ", comme disent Zelef et Natsu?
L'alarme se déclenche de nouveau. Je n'arrive pas à croire qu'il s'est déjà écoulé cinq minutes depuis la dernière sonnerie! Je gémis dans mon oreiller.
Le contrecoup de la course de samedi dernier a été tel que j'ai été malade pendant quatre heures d'affilée, pour finalement manquer le travail. Je n'ai donc pas effectué mes trois petites courses et je n'ai pas non plus fait de vélo en guise d'entraînement croisé, comme je l'aurais dû.
Si je cours ces sept km ce matin, est-ce que je ne risque pas d'être malade de nouveau et de devoir encore une fois manquer le travail? Il ne faudrait pas que ça se reproduise... Sinon, je ne pourrai plus payer ni mon entraînement ni mon essence pour m'y rendre. Et ne parlons même pas de tout ce qu'il me faut pour commencer l'université, comme des draps, des serviettes de bain, des livres et des ustensiles à cuisine.
J'avais tellement mal à l'estomac, la semaine dernière... Je ne veux vraiment pas avoir à ressentir cette douleur encore.
Quand mon réveil sonne pour la troisième fois, je l'éteins complètement avant de me renfoncer dans mon lit.
C'est mon téléphone qui me tire du sommeil. Mon radio-réveil m'apprend qu'il est sept heures cinq. Le nom de Zelef s'affiche à l'écran. Merde. J'aurais dû l'avertir.
- Allo ? lui dis-je d'une voix endormie, en me frottant les yeux.
- Où es-tu? me demande-t-il d'un ton pressé. Tu vas bien?
- Hmm... Je suis désolée, je me suis rendormie.
- Es-tu malade?
- Non...
- Es-tu blessée?
- Non.
- Alors, que fais-tu? Tous les autres sont là...
Tout à coup, je me sens honteuse.
- Écoute, je suis vraiment désolée. Quand je me suis réveillée, je ne me sentais pas assez en forme pour aller courir.
- Tu aurais dû m'appeler.
Je bâille en me couvrant la bouche de la main.
- C'est vrai. La prochaine fois, je t'appelle.
- Il n'y aura pas de prochaine fois si tu ne prends pas ton entraînement au sérieux, Lucy.
- Quoi?
- Si tu ne viens pas à mes entraînements, je ne veux plus t'entraîner, c'est tout.
- Et pourquoi donc? Après tout, je te paie, quand même.
Un long silence s'installe.
- Lucy, tu cours dans mon équipe, tu représente mon nom. Absolument tous ceux que j'ai entraînés et qui se sont accrochés jusqu'au jour de la course l'ont terminée. J'ai aidé plus de deux cents personnes de la sorte. Si un client ne me prend pas au sérieux, je ne l'entraîne pas. Je veux maintenir mon taux de réussite de cent pour cent.
- Je comprends...
- Maintenant, veux-tu bien me dire ce qui ne va pas? S'il y a un problème avec l'entraînement, on peut le modifier. Si tu ne te sens pas bien, on fais des ajustements. Mais il faut que tu m'en parles, d'accord?
Je prends une grande respiration et serre un coussin contre ma poitrine.
- Je m'inquiète pour mon estomac. J'ai eu tellement mal au ventre, la semaine dernière... J'ai été vraiment malade après avoir fait ces sprints avec toi. Je pense que j'ai vomi au moins huit fois.
Une autre pause.
- On va changer ton alimentation, alors. Je vais te faire essayer des rôties et des muffin anglais à la place des céréales et du gruau. Je pense qu'on va aussi arrêter de te donner du Gatorade. C'est peut-être le sucre qui te rend malade.
- Non! J'adore mes petits verres de Gatorade au citron. Je vais plutôt laisser tomber les sprints.
Il rit.
- Certainement pas. Bon, as-tu quelque chose de prévu, demain? Tu as une course de sept km à rattraper.
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Respire, Lucy, respire.
FanfictionLucy déteste la course à pied. Et pourtant, la voilà qui se met à courir, plusieurs fois par semaine. Courir pour lui. Peu importe la distance parcourue, elle n'arrive pas à effacer la culpabilité qu'elle ressent... Ce jour-là, si Sting n'était pas...