Chapitre 32

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Je ne sais pas trop comment, mais je réussis à convaincre Jubia et Mira que je ne suis pas prête à aller faire la fête au pavillon de DTK.
- Mes muscles me font affreusement souffrir, à cause de mon entraînement de ce matin.
Cela n'a d'ailleurs rien d'un mensonge. Les filles échangent de longs regards, mais finissent par céder. Après tout, Mira m'a bien retrouvée sans connaissance, étalée dans une flaque d'eau, un peu plus tôt dans l'après-midi. Elle vérifie son bikini dans le miroir pour la millième fois en me disant :
- Si tu changes d'avis, envoie-nous un texto.
Je lui demande :
- Est-ce que Luxus va piquer une crise quand il va apprendre que tu es allée à une fête sans lui ?
- Oh non, me répond Mira d'un air confiant. Je viens de lui envoyer une photo de moi dans ce maillot de bain. À l'heure actuelle, il est très content.
- Berk, je ne veux même pas savoir ce que ça peut bien vouloir dire, renchérit Jubia.
- Hé, essaie donc de vivre une relation à distance. C'est dur, de m'installer à deux heures de route de mon copain.
Après un dernier coup d'oeil dans le miroir - Jubia ajuste les bretelles de son haut bleu à gros pois et Mira rajoute une dernière couche de brillant à lèvre -, elles passent enfin la porte. Et moi, je laisse échapper un gros soupir.
Je décide de me plonger dans un des livres de maman que j'ai trouvés sur la table basse, à la maison (un roman à suspense dans lequel un agent gouvernemental solitaire s'allie avec une médecin sexy pour enrayer une épidémie mondiale), avant de me laver le visage et de me préparer pour la nuit. Je roule mes épaules et tends les bras en l'air. La course de ce matin a vraiment causé des ravages dans mon corps. Je me change et enfile un short de pyjama rose et le débardeur assorti, puis je m'assois par terre et essaie de m'étirer les jambes. Les longues courses les rendent dures comme de l'acier. Je me penche vers le sol, posant mon nez sur la moquette. Et c'est là que j'entends quelqu'un frapper à la porte.
- Qui est là ?
- C'est Nat.
Est-il venu me traîner jusqu'à sa fête ?
- Tu peux entrer.
Il pénètre dans la chambre et me trouve en train de me coller le visage au sol.
- Est-ce ta façon de me dire que tu veux que je t'aide à faire des étirements ?
Je me redresse et son allure dissipe d'un coup mon air renfrogné. Il porte de longs bermudas rouges, un affreux débardeur vert néon et des gougoune. Des lunettes de soleil son perchées sur son crâne. Je ne sais pas si cette tenue me donne envie de rire ou bien de m'éventrer. Elle est ridicule, mais il est tout aussi ridiculement attirant dedans. Je lui demande :
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je suis venu te battre à une nouvelle activité. Je sais bien que tu voudrais devenir infirmière, mais je crois que je sais me défendre.
     Avec un sourire malicieux, il lève devant lui la boîte du jeu Opération.
- Oh-oh ! J'accepte le défi !
     Nous nous étalons par terre en installant le jeu entre nous. Je commence, retirant délicatement le papillon de l'estomac du personnage. Ensuite, Natsu sort le coeur brisé, et c'est à mon tour de récupérer la fourchette.
- Pourquoi n'es-tu pas venue à la fête ? me demande-t-il d'une voix douce.
     Je lève les yeux vers lui. Parce que tu m'impressionnes.
- La course de ce matin a été dure. Je voulais simplement me détendre et ne pas contracter d'obligation sociales.
     Il ouvre un paquet de craquelins en forme de poisons qu'il a apporté et me le tends. J'en choisis un orange.
- C'est dommage que tu ne sois pas venue. Je voulais te faire visiter le pavillon... Mais ce qu'on fait là, c'est sympa aussi.
- Mais bien sûr. La plupart des garçons que je connais a-do-rent jouer à Opération, le samedi soir.
    Il pouffe de rire.
- Allez, tu vois ce que je veux dire. J'ai passer du temps avec toi, ma chère amie.
- Moi aussi, j'aime passer du temps avec toi, mon cher ami.
    La compétition devient vite serrée. Si je réussis à extraire la clé de la cheville foulée sans rien toucher, je gagne. Je me mordille la lèvre et ma main tremble en s'approchant doucement de la clé. Je l'attrape et commence à la soulever doucement quand la pince frôle le rebord métallique du trou. Le bourdonnement me fait m'écrier :
- Putain !
    Avant même que j'aie eu le temps de faire la moue, Natsu referme adroitement la pince sur la clé et soulève celle-ci, gagnant par le fait même la partie.
- Aaaaaaahhhh !
    Je donne des coups de poing sur le plancher et il éclate de rire.
    Maintenant que le jeu est fini, nous décidons de regarder quelque chose. Il fait défiler ma liste de films sur iTunes pendant que j'éteint le plafonnier fluorescent et allume ma lampe de bureau.
- Mais c'est quoi, ces merdes ? me demande-t-il. Danse lascive ? Les pages de notre amour ? Blonde et légale ? Twilight ?
- Hé, oh ! Ce sont de bons films !
- Oh, bon Dieu : Quatre filles et un jean ?
- Natsu Dragneel !
- Une promenade inoubliable ?
- Si tu ne sais pas bien te tenir, je te renvoie chez toi immédiatement.
- Hum, c'est la pire menace de tous les temps. Tu me renvoies dans une fête où tout le monde est en maillot de bain.
- Mais je sais que tu préfère rester ici avec moi.
     Merde. Mais d'où est-ce que j'ai sorti ça ?
- Très bien, me répond-il avec un petit sourire narquois. Regardons donc Méchantes ados, peu importe de quoi ça parle.
     Il installe mon ordinateur portable de manière à ce que nous puissions tous les deux le voir, puis s'allonge sur mon lit. Je m'assois en tailleur et me penche vers l'avant, les coudes sur les genoux. Rien ne trouble le calme de la pièce, mis à part le film, nos respirations et nos rires.
    Natsu entrelace ses doigts derrière sa tête.
- Ces filles sont vraiment des saletés.
- Eh oui, c'est d'ailleurs pour ça que le film s'appelle Méchante ados. T'es trop fort !
    Sans le moindre avertissement, il me tire brusquement vers l'arrière, contre sa poitrine. Il me chuchote :
- Regarde le film avec moi.
- Mais c'est ce que je fais depuis le début.
     Évidemment, je sais ce qu'il veut réellement dire, et mon coeur s'accélère,mais je n'arrive pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Mes pensés s'affolent et mon sang bat contre mes tempes.
    Il m'enveloppe bien dans son bras, et je glisse ma main tremblante contre son ventre, me pelotonnant contre lui. Il fait chaud, mais je tremble comme s'il était en train de neiger. J'ai du mal à contrôler ma respiration. Nous restons allongés là pendant ce qui me paraît des heures, à regarder le film, jusqu'à ce que je sente le bout de ses doigts remonter et descendre le long de mon bras. Puis le long de ma colonne vertébrale. Sa main tremble elle aussi.
     Est-ce à cela que ressemblent les relations des adultes ? On peut simplement se toucher, sans même commencer par fixer les limites ? Il est vrai que je n'ai jamais eu d'autre relation qu'avec Sting, et celle-ci a progressé lentement et était ponctuée d'étapes à franchir. La première fois qu'on s'est tenu la main, le premier baiser, la première séance de câlin un peu plus audacieux, la première fois qu'il m'a enlevé mon t-shirt. Alors, avec Natsu, je me sens perdue. C'est angoissant de ne pas savoir ce qui va se produire.
    Je ne suis pas prête à me lancer dans une nouvelle relation. Je ne sais même pas si je vais vouloir m'engager de nouveau un jour. Je n'ai pas envie d'avoir avec Natsu. Mais je n'ai pas non plus envie qu'il arrête de passer les doigts sur mon bras. C'est doux et régulier et cela me donne des frissons. De plus, être collée contre lui, c'est torride.
    Tout à coup, la porte s'ouvre et révèle Meldy, une mandoline à la main.
- Jubia, tu es là ? Est-ce que tu m'as piquer mon soutien-gorge à motif léopard... Oups ! Lucy, je ne savais pas que tu avais un invité. Pourquoi n'as-tu pas attaché la corde à sauter à la porte ?
- La corde à sauter ? répète Natsu en soulevant légèrement la tête pour jeter un coup d'oeil à Meldy.
- Quelqu'un l'a volée ? demande-t-elle. Je vous avais bien dit que ça arriverait. J'ai hâte de raconter ça à Jubia.
    Réprimant un grand éclat de rire, je dis à Meldy :
- Meldy, tu nous excuseras, mais on est en train de regarder un film.
    Sa bouche forme un grand O.
- J'ai compris. Je vais attacher la corde à sauter sur la poignée de porte.
- Non !
- Comme tu veux.
    Et elle claque la porte. Natsu lève un sourcil.
- La corde à sauter, c'est votre code pour dire "ne pas déranger, sexe en cours" ?
    Je déglutis.
- Ouais.
- Loki et moi avons un code, nous aussi, m'explique Natsu. On doit frapper cinq coups à la porte. Si l'autre est avec une fille, il crie : "Dégage, gros nul !"
- Pourquoi n'accrochez-vous pas quelque chose à la porte ? Jubia affirme que c'est ce que les gens font, d'habitude.
- C'est ta colocataire Meldy qui a raison. Un jour, Loki avait accroché une chaussette à la poignée de la porte, mais quelqu'un l'a volée... Je suis entré et je suis tombé sur lui et une fille, tous les deux à poil.
- Euuuuuuh....
- En effet.
    Natsu enlève son bonnet , le lance par terre et, évitant mon regard, passe la main dans la masse désordonnée de ses cheveux. Sa pomme d'Adam monte et descend quand il déglutit.
- Tu es sûre que tu veux regarder le film jusqu'à la fin ?
- Hum, oui, je suis sûre.
     Nous nous rallongeons. Et mon coeur se met à bondir dans ma poitrine, comme pour atteindre la lune. Ma respiration devient difficile. Sans lâcher l'écran des yeux, il m'attire sur sa poitrine et me serre l'épaule. J'ai tellement envie de lui que je ressens mon désir au plus profond de mes os. Je le sens dans le bout de mes orteils, dans la paumes de mes mains et dans toutes sortes d'autres endroits qui frissonnent. Il me caresse le dos. Entre mes cuisses, je deviens humide. Je pourrais facilement me servir et prendre ce dont j'ai besoin, mais, s'il veut davantage qu'une relation physique, ce ne serait pas juste pour lui.
     Honnêtement, je ne devrais même pas le laisser me toucher. Je vais forcément finir par le blesser.
    Je le repousse doucement.
- Ma coloc va bientôt arriver.
   Nous nous rassoyons, la tension flottant dans la pièce comme de la brume, et, précisément à ce moment, Mirajane entre. Quand elle nous voit, un sourire radieux éclaire rapidement son visage.
- Oups !  Désolée de vous avoir dérangés.
    Et elle fait instantanément demi-tour en refermant la porte. Natsu se retourne vers moi, me sourit et se passe la main sur la tête. Il sort son téléphone de la poche de son bermudas rouge vif et jette un coup d'oeil à l'écran.
- Je devrais sans doute y aller. Je me lève tôt demain matin, pour aller courir.
- Mais tu as participé à une course aujourd'hui !
    Il hausse les épaules.
- Je dois m'entraîner dur, si je veux continuer à gagner.
- Je ne sais pas vraiment comment tu réussis à faire ça.
- Quoi donc ? Courir ?
- Non, participer à toutes sortes de courses complètement folles. Après chaque longues course, je souffre tellement ! Et toi, tu n'arrêtes jamais.
- C'est mon travail.
     Je secoue la tête d'un air incrédule.
- Tu vas courir quelle distance, demain matin ?
- Dix km, mais ensuite, je vais faire quelques heures de vélo. Je pense participer à une course de motos, bientôt.
     J'ai déjà entendu Nick en Evan parler de motocross, parce qu'ils réparent des motos, au garage. Parfois, les gens chutent et se cassent une jambe. Parfois, ils se font rouler dessus par d'autres participants. Parfois, ils tombent d'une hauteur de trente pieds. Parfois, ils meurent.
    Je m'assois, le dos raide, rigide comme un mur de brique.
- Natsu, pourquoi faire une chose pareille ?
- Il faut que je me trouve de nouvelle activités.
    Il repousse une mèche de mes cheveux et la coince derrière mon oreille, sa main effleurant en même temps mon cou. Je le contredis d'une voix douce :
- Il ne faut rien du tout. Pourquoi ne pas simplement continuer à participer à tes courses habituelles ?
    Il commence à taper nerveusement du pied.
- Parce que cela ne m'amuse plus. J'ai besoin de plus. Même les marathons ne représentent plus un défi, pour moi.
    Je serre les poings.
- Es-tu en train de me dire que participer au Country Music Marathon ne vaut rien ?
- Je n'ai absolument jamais dit ça, me répond-il avec douceur. Peu de gens ont les qualités nécessaires pour participer à un marathon. Et toi, tu es une dure à cuire. Tu cours de plus en plus vite et je vois bien à quel point tu es puissante. Le Country Music Marathon, tu vas lui botter les fesses les doigts dans le nez.
- Hmm...
    J'articule en silence "botter les fesses les doigts dans le nez", et Natsu se met à rire doucement. Je lui dis :
- Ce n'est pas très clair... Les fesses, les doigts, le nez...
- Mouais, je sais.
    Je me pince l'arrête du nez. Respire, Lucy, respire. Je m'inquiète pour mon ami. Il compte beaucoup pour moi. Je ne veux pas le voir se blesser. Je ne peux pas perdre un autre de mes proches.
- J'aimerais vraiment que tu ne te lances pas dans cette histoire de motocross. S'il te plaît, Nat.
    Il ramasse son bonnet, par terre, et l'enfile.
- C'est vraiment nul que tu essaies de me dire quoi faire.
    En entendant ça, je me sens super mal. Mais il a raison. Je suis bien la dernière personne sur terre qui ait le droit de lui dire de changer. Ce n'est pas comme si on sortait ensemble.
- Mais je vais le faire pour toi, ajoute-t-il avec sincérité.
    Il rapporte son regard sur moi, sur mes lèvres, et je sais bien ce qu'il est en train de ce dire. Le fait que je lui demande ce sacrifice va rendre les choses entre nous bien plus sérieuses. Est-ce qu'on change qui on est intrinsèquement juste pour faire plaisir à un ami ? Ce ne serait pas sain. Mais le motocross ne l'es pas moins...
- Tu ne dois pas abandonner à cause de moi. Je veux juste que tu prennes soin de toi, Natsu.
- C'est ce que je vais faire.
    Il me tapote la main et commence à ranger le jeu.
- J'ai passé un bon moment. Tu veux qu'on se retrouve, demain après-midi, quand je rentrerai ?
- OK.
- Je t'enverrai un message texte.
    Je le raccompagne à la porte, où il me serre rapidement dans ses bras pour me dire au revoir. Quand je me mets au lit, son odeur de feu de camp flotte encore dans ma chambre. 

Respire, Lucy, respire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant