Chapitre 37

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    Le dimanche midi, à la cafétéria, Mira veut tout savoir (et ça fait peur).
- Je connais une fille qui n'est pas rentrée chez elle cette nuit, chantonne-t-elle.
    Jubia pointe sa fourchette vers moi.
- À la fête, ça ne t'a pas pris bien du temps pour disparaître à l'étage.
     Pour changer de sujet, je lui demande :
- Est-ce que Gray et toi vous êtes bien amusés ?
    Jubia secoue la tête.
- Je me suis mise à parler avec un gars d'un devoir que je dois rendre en science économique. C'est l'assistant de mon prof. Mais Gray n'a pas voulu que je fasse les présentations, probablement parce qu'il pensait que le mec m'intéressait...
    Elle prend une grande inspiration.
- Alors Gray est parti de la fête avec une fille.
- Je suis désolée, Ju, dis-je, ébahie.
    Mira lui donne une petite accolade de côté, et je me demande s'il n'aurait pas seulement fait semblant de s'intéresser à cette autre fille. Gray ne remarquerait jamais qui que ce soit d'autre que Jubia, pas même une mannequin de Victoria's Secret.
    Jubia hausse les épaules.
- Bon, alors, qu'est-ce qui s'est passé, avec Natsu ?
    Je promène ma salade dans mon assiette du bout de ma fourchette.
- Nous nous sommes embrassés.
- Et puis vous avez passé la nuit ensemble ? me demande Mira d'un ton pressant.
- Il n'y a rien à raconter de plus. Nous nous sommes juste embrassés.
- Et vous êtes ensemble, maintenant, alors ? veut savoir Jubia.
    Je secoue la tête.
- Il m'a dit qu'il attendrait que je sois prête.
- Et, pourtant, tu es prête à dormir dans son lit et à l'embrasser ? surenchérit Jubia, qui semble contrariée.
- C'est quoi, ton problème ?
- Mon problème, c'est que tu le fais marcher.
- Je ne le fais pas marcher. Je suis honnête avec lui depuis le début. S'il y a bien quelqu'un qui fait marcher un gars, c'est toi !
    Elle se renfrogne en me regardant d'un air mauvais, et je ne serais pas surprise si de la fumée se mettait tout à coup à lui sortir des oreilles.
- Je sais que tu aimes beaucoup Natsu. Je ne vois pas pourquoi tu refuses de l'admettre.
- Et moi, je ne vois pas pourquoi tu ne donnes pas une chance à Gray.
    Les personnes assises aux tables avoisinantes ont cessé de parler. Un petit groupe s'est formé près de nous et nous écoute.
- Du crêpage de chignon ! lance un gars en tapant dans la main de son ami.
- Pff ! s'exclame Jubia.
    Mira disperse les curieux, puis se lève en prenant son plateau.
- Les filles, je pense que vous avez besoin de parler. Et moi, je dois rencontrer mon groupe d'étude en politique mondiale.
    Et elle nous laisse seules. Je dis à Jubia :
- Écoute, je suis désolée si je suis allée trop loin en parlant de Gray. Je ne devrais pas faire de suppositions au sujet de ce que tu ressens.
- Tu as raison. Tu ne devrais pas. Ça fait des années qu'on n'est plus amies.
    J'arrache la croûte de mon sandwich. Ça fait mal. J'avais vraiment espéré que nous étions en train de redevenir ce que nous avions été autrefois. Avant le secondaire. Avant que la vie ne nous balaie.
    Je voulait seulement retrouvé ma meilleure amie.
- Je suis désolée si j'ai arrêté d'aller chez toi, à l'époque, mais j'aimerais bien être ton amie maintenant, soufflé-je.
- Et pourquoi ? Comment se fait-il que je vaille tout à coup la peine que tu m'accordes de l'attention ? C'est parce que ton copain n'est plus là ? C'est ça ?
    Je n'en reviens pas qu'elle ait dit ça.
- Non, Ju...
    Ma colère fait trembler ma respiration.
-... C'est parce que tu me manques depuis longtemps. Depuis notre première année de secondaire, quand tu es devenue plus amie avec Mira que moi. Et tu as continué à me manquer, même après que tu as raconté à tout le monde que j'avais commencé à sortir avec Sting alors que tu l'aimais. Tu sais très bien que je n'aurais jamais fait ça, Jubia. Pourquoi as-tu attendu que ça fasse des mois que Sting et moi soyons ensemble pour finalement parler de ton faible pour lui ? À ce moment-là, nous étions tombés amoureux l'un de l'autre, et je n'allais pas le quitter sans raison, pour une ancienne amie qui ne m'avais pas parlé depuis une éternité.
- J'ai fait ça parce que... parce que je voulais te blesser, me répond-t-elle doucement. Ta vie était tellement parfaite... et tu m'as laissée derrière pour un garçon.
- Moi, j'ai plutôt eu l'impression que c'était toi qui me laissais derrière, quand ta mère s'est mariée et que tu as déménagé dans une nouvelle maison, alors que je restais encore dans ma maison mobile miteuse. Je ne me sentais plus assez bien pour toi.
    Nous restons assises en silence, à pousser nos feuilles de laitue dans nos assiettes. Je prends une grande inspirations. J'aurais dû fournir davantage d'efforts pour préserver notre amitié, à cette époque.
- Je veux qu'on redevienne amies. Là, maintenant. Tu comptes, à mes yeux. Je ne sais pas comment je vais pouvoir survivre dans la vie sans ton soutien.
- Toi aussi, tu m'as manqué. Tu me manques encore.
- Repartons à zéro, alors !
    Elle marque une longue pause, puis prend une bouchée de riz.
- Alors, comme ça, tu as passé la nuit avec Natsu ?
- Oui.
- Moi, j'ai dormi dans la chambre de Gray vendredi. C'est pour ça que ça l'a mis tellement en colère de me voir parler avec l'autre gars - gars dont je ne me souviens plus du nom...
    Je donne une tape sur la table.
- Quoi ? Et on n'était pas au courant ? Comment est-ce possible que Meldy n'ait pas vendu la mèche ?
- Je lui ai dit que colporter des ragots allait à l'encontre des valeurs du béhaïsme. 
     Je pouffe de rire.
- C'est vrai ?
- Pas la moindre idée.
    Jubia éclate de rire et boit une gorgée de jus.
- Donc, tu as dormi chez Gray... Mais vous n'êtes pas ensemble ?
    Elle secoue la tête.
- Est-ce que vous vous embrassés ?
     Encore un non de la tête.
- Je ne veux pas le perdre comme ami... comme j'ai pu te perdre, toi.
- Je ne crois pas que ça va arriver, lui dis-je d'une voix douce.
- Mais c'est un gros risque.
- Je vois ce que tu veux dire. Je ne pensais pas que notre temps était compté...
- Avec Sting ?
    Je hoche la tête lentement.
- Mais je suis heureuse d'avoir vécu tous ces moments en sa compagnie. Si j'avais craint qu'il ne disparaisse, je ne serais peut-être pas sortie avec lui. Et je n'aurais jamais accumulé tous ces souvenirs.
    Tandis que je prends conscience de ce que je suis en train de dire, mon corps semble s'alléger et je me sens plus forte, comme prête à aller courir un marathon sur-le-champ.
- Mais pourquoi n'es-tu pas avec Natsu, alors ? me demande Jubia. Je vois bien que tu l'aimes beaucoup.
- C'est vrai... Mais il participe à des raids multisports, il saute à l'élastique, il fait toutes sortes d'activités complètement farfelues. J'ai peur qu'il lui arrive quelque chose.
- Donc, tu me dis de prendre des risques et de sortir avec Gray, même s'il est possible que ça gâche notre amitié, mais tu refuses de donner une chance à Natsu ? Pourquoi ne pas laisser les choses aller, et en profiter.
- Wow. Stop. Ça se voit comme le nez en plein milieu de la figure que tu es tombé sous le charme de notre imbécile de Gray.
     Nous nous mettons à rire en choeur. Puis Jubia déclare :
- Je crois que tu as raison, Lulu. Et... Je suis désolée... Je n'aurais jamais dû lancer cette rumeur sur Sting et moi.
- N'y pense plus. On repart vraiment à zéro.

Respire, Lucy, respire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant