Natsu tapote le siège près de lui. Je m'assois et fais aller la balançoire d'avant en arrière, écoutant les invitées s'affairer dans la cour.
Le moustiquaire s'ouvre de nouveau et une femme aux cheveux de la même couleurs que ceux de Wendy s'avance sous le porche.
- Natsu, ta soeur vient de me dire...
Elle nous fixe tour à tour et se frotte les yeux. Natsu soutient son regard.
- Maman, je te présente mon amie Lucy.
Oh, nous sommes donc amis, maintenant ?
Puis, Zelef apparaît également et me jette un coup d'oeil inquiet.
- Maman, il faut que je te parle. Maintenant.
Elle rentre aussitôt dans la maison. Zelef hoche la tête dans notre direction, puis suit sa mère. Qu'est-il arrivé à la célèbre hospitalité du Sud ? La mère de Sting m'aurait offert un verre de limonade et se serait mise à discuter avec moi de mes plans pour l'université et de mon travail au restaurant. Celle de Natsu ne m'a même pas dit bonjour. Je demande à ce dernier :
- Qu'est-ce qui vient de ce passer ?
Il joue avec les coutures de son t-shirt, et hésite un moment.
- Les vacances d'été ont commencé il y a quelques semaines, alors je suis rentré de l'université et je suis revenu vivre ici. Ma mère ne le voulait pas...mais Zelef a réussi à la convaincre que je n'allais pas la contrarier.
Je ne peux pas me figurer ma propre mère refusant de m'accueillir chez elle.
- Mais qu'est-ce que tu pourrais bien faire pour la contrarier ?
- Elle tenait à ce que je règle mes problèmes avant de côtoyer mes petites soeurs à nouveau... Mais, franchement, ma famille est trop importante à mes yeux pour que je foute tout en l'air à nouveau...
Je ne suis pas sûre de vouloir savoir précisément ce qui se passe. J'ai déjà bien assez de choses à résoudre moi-même. Mais de quoi peut-il bien parler ? De problèmes de drogue ? Non, il est trop athlétique. Prend-il des stéroïdes ? Il n'a pas l'air assez musclé pour ça...
Quand le moustiquaire s'ouvre de nouveau, madame Dragneel pose les yeux sur la cheville blessée de Natsu, puis s'avance vers moi en me tendant la main.
- Bonjour, ma chère Lucy. Je suis vraiment ravie de te rencontrer.
- Moi aussi, madame.
- J'aimerais vraiment discuter un peu, mais j'ai des invitées, reprend-elle en agitant la main vers l'arrière de la maison.
- Bien sûr, je comprends.
Et elle repart aussi vite qu'elle est arrivée. Qu'est-ce que Zelef a bien pu lui dire ? Et pourquoi était-elle si distante et quasiment malpolie, la première fois qu'elle m'a vue ?
Wendy sort sous le porche en tenant en équilibre deux assiettes débordant de cuisses de poulet, de macaronis au fromage et de petits pains. Natsu remercie sa soeur d'un nouveau baiser sur le front et elle repart en courant.
- Elle est mignonne, remarqué-je.
Il prend une bouchée de pain.
- Si elle est gentille avec moi, c'est uniquement parce que je la conduis à son cours de ballet.
Je souris de voir à quel point il l'aime, puis plante mes dents dans ma cuisse de poulet. Je grogne de bonheur en sentant la viande fondre dans ma bouche.
- C'est bon, hein ? dit-il.
Je hoche la tête. Nous mangeons en silence. Au loin, un train de marchandises avance en haletant. Quand le bruit s'évanouit, j'entend Natsu s'éclaircir la voix.
- Je ne t'ai pas invitée uniquement pour te remercier de ton aide d'hier, me dit-il doucement.
- Je sais bien. Tu voulais me faire goûter le poulet frit de ta mère.
Il me regarde et, d'un petit coup de tête, repousse la mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux. Il avale sa bouchée, puis prend une grande inspiration. Eh bien ! Eh bien ! Je ne pensais pas qu'il pouvait lui arriver d'être nerveux, parfois.
- Je voulais aussi te dire que ce qui s'est passé entre nous sur le sentier, le mois dernier, me chagrine.
- C'est correct...
- Non, ça ne l'est pas. J'ai perdu le contrôle...
Depuis quand les gars font-ils tout un plat d'une liaison sans lendemain ? Cela signifie-t-il qu'il n'avait pas vraiment envie de coucher avec moi ? L'idée me soulage...et me déçoit un peu en même temps.
Il se passe la main dans les cheveux.
- Après ce qui est arrivé entre nous, j'étais un peu paniqué, mais en même temps heureux, alors j'ai questionné Zelef à ton sujet. Je sais bien qu'il ne veut pas que je sorte avec ses clientes, mais j'avais tout de même envie de t'inviter. Tu en valais vraiment la peine. C'est alors qu'il m'a expliqué pourquoi tu voulais courir ce marathon.
Je ne veux pas qu'il gâche la paix que je ressens dans cette maison vierge de Sting.
- Nat, tais-toi. C'était ma faute. S'il te plaît, n'en parlons plus.
Il lève la main.
- Laisse-moi juste te dire ce que j'ai sur le coeur. Je suis vraiment désolé, Lucy. Je me sens minable depuis ce matin-là. J'ai l'impression de t'avoir utilisée, ou quelque chose comme ça.
- Tu ne m'as pas utilisée, tout va bien, affirmé-je, bien que tout n'aille pas réellement bien.
Il étend sa jambe et plie sa cheville. Puis il reprend d'une voix douce :
- J'ai beaucoup pensé à toi depuis qu'on s'est embrassés. Pour être franc, je pense souvent à toi depuis qu'on s'est rencontrés.
Je l'interromps sans ménagement :
- Tu ne m'as jamais rappelée.
Il hoche la tête d'un air penaud.
- Je rêvais de t'inviter à sortir avec moi... Tu ne peux pas savoir combien de fois je t'ai rédigé des messages textes, sans jamais les envoyer... J'ai bien pensé que tu risquerais d'être furieuse que je ne t'appelle pas, mais mon frère m'a dit que j'étais la dernière chose dont tu avais besoin en ce moment... C'est vraiment merdique, ce qui est arrivé à ton copain.
Je lève les yeux vers lui. En général, tout ce que les gens savent dire, c'est : " Je suis tout à fait désolé, je suis si désolé, je suis tellement désolé ", et j'en ai assez. Cela me fait du bien d'entendre Natsu dire la vérité : c'est merdique. C'est tout ce qu'il y a à en dire. Vivre avec un vide dans ma vie, c'est merdique.
Nous terminons de manger, puis il pose nos assiettes près de son verre de thé glacé et de son journal. Il me regarde du coin de l'oeil et commence :
- Donc, si je t'appelais...
- Tu m'as déjà appelée, tu te rappelles ? Tu m'as réveillée aux aurores et tu as réussi à me convaincre de venir vérifier comment vous vous portez, toi et ta cheville.
Il sourit.
- Mais, si je t'appelais pour vrai...
Je me cramponne à la balançoire. Je repense à ce qui est s'est passé sur la berge de la rivière Little Duck, aux lèvres et aux mains de Natsu qui m'enflamment. Mais il a attendu tout un mois avant de me faire son petit discours. Et s'il attendait encore un mois avant de me rappeler ? Sans oublier qu'il aime les sensations fortes et qu'il a cette longue cicatrice sur la mâchoire. Il représente effectivement la dernière chose dont j'ai besoin en ce moment. J'ai besoin de guimauve. J'ai besoin de douceur. Je n'ai pas besoin d'un gars qui se fait souffrir en courant sur une cheville blessée.
Parlant de sensations fortes, je dois rappeler que j'ai vu Natsu nu, mais que ce n'est que la cinquième fois qu'on se parle, lui et moi. C'est même la première fois qu'on discute réellement. C'est le garçon le plus étrange que j'ai jamais rencontré.
Natsu se rapproche de moi sur la balançoire et, la saisissant entre son pouce et son index, porte ma natte blonde à ses lèvres. Mes cheveux sentent-ils l'oignon, à cause du restaurant ? Timidement, il pose son front contre le mien et son haleine tiède me donne des frissons dans le cou. Bon sang qu'il sent bon ! Il sent l'eau de Cologne, le garçon, le soleil...
Voyons... Il s'apprête à m'embrasser. Je ne suis pas prête à faire cela avec qui que ce soit. Et nous ne sommes même pas seuls. Sa petite soeur et son chat vont et viennent, et il y a toute une troupe de dames qui fréquentent la même église. Je pose la main sur sa poitrine pour l'arrêter.
- Je ne peux pas, là, maintenant.
- Je ne devrais pas t'appeler, alors, c'est ça ?
- C'est déjà fait, petit malin.
- Tu vois ce que je veux dire...
Je ne sais rien de lui. Je ne sais même pas si j'aurais un jour de nouveau envie de partager l'intimité de quelqu'un d'autre.
- Peut-être. Mais on ne se connaît même pas. J'ai besoin de temps...
Il scrute mes yeux, puis hoche la tête.
- Très bien.
Il se lève en vacillant et attrape les béquilles appuyées contre la maison.
- Allez, viens. On va jouer au ping-pong.
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Respire, Lucy, respire.
FanfictionLucy déteste la course à pied. Et pourtant, la voilà qui se met à courir, plusieurs fois par semaine. Courir pour lui. Peu importe la distance parcourue, elle n'arrive pas à effacer la culpabilité qu'elle ressent... Ce jour-là, si Sting n'était pas...