Arrivée à la maison, je me dirige dans la salle de bain.
Je me débarrasse de mes vêtements trempés de sueur et les laisse tomber sur le carrelage. Ma culotte les rejoint.
J'entends la voix rieuse de Sting résonner dans mon esprit. Je me fiche complètement du genre sous-vêtements que tu portes, tant que je peux te les enlever!
Malgré cela, je revêtais toujours de jolis sous-vêtements assortis en dentelle quand je savais que nous allions nous retrouver. Je voulais me sentir belle pour lui.
Je baisse les yeux vers ma culotte blanche classique d'aujourd'hui. Elle convient bien à la course - elle ne rentre pas dans les fesses-, mais elle ne me fait pas sentir belle. Quand je les porte, j'ai l'impression d'être moche. Je suis moche. Ce que j'ai fait aujourd'hui était dégoutant, je me suis conduite de façon égoïste.
J'avais envie de ressentir quelque chose, quelque chose de nouveau, de me rapprocher de quelqu'un, mais cela n'a fait que me troubler. Et m'effrayer. Et me fatiguer. Me voilà plus seule encore que lorsque je vais au cinéparc.
Je fais couler de l'eau glacée et entre dans la douche. L'eau dégouline sur moi et je prie qu'elle me nettoie, qu'elle me lave de mon erreur. Je chuchote :
- Pardonne-moi.
La culpabilité qu'on ressent change de nature quand on vieillit. À l'âge de huit ans, j'ai triché à une dictée, et je m'en suis terriblement voulu pendant des mois. Peu importe à quel point je frottais en me lavant les mains, je continuais d'avoir l'impression que les réponses étaient encore inscrites à l'encre noire sur mes paumes. Et puis, en neuvième année, Sting m'a touchée " là " pour la première fois, dans le bus, alors que nous revenions d'un voyage scolaire au Cumberland Science Museum. Il a étalé sa veste sur mes genoux, a détaché mon pantalon et m'a donné l'impression d'être une fille complètement différente. C'était excitant, jusqu'à ce que je descende du bus et me mette à paniquer intérieurement. Est-ce que Jubia me regardait d'un drôle d'air? Et si quelqu'un nous avait vus ? Si la rumeur se répandait et que tout le monde, à l'école, se mettent à se moquer de moi? Si Nick en entendait parler ? Et s'il le racontait à maman? Qu'est-ce que cela révélait sur moi, que j'ai laissé mon copain me toucher dans un endroit public? Étais-je une petite vicieuse?
Il y a des niveaux de culpabilité, et je viens d'entrer dans la catégorie des pros.
Je pose ma tête contre le mur carrelé de la douche et laisse l'eau me marteler le dos.
Jusque-là, même si je ne pensais pas rester célibataire toute ma vie ( je veux des enfants, un jour), je ne me serais jamais crue capable de presque coucher avec un inconnu, particulièrement pas sur le bord d'un sentier le long duquel je m'entraînais en l'honneur de mon copain décédé.
Je tourne le robinet d'eau chaude au maximum, et ma peau devient écarlate.
La course de ce matin m'avait libéré l'esprit, mais mes pensées réapparaissent maintenant en force. Natsu. Sting. Si seulement je pouvais revenir en arrière, jusqu'à ce fameux dimanche soir. Des sanglots silencieux me secouent peu à peu le corps.
Juste après avoir appris la nouvelle, j'ai été incapable de tenir en place. J'ai lavé la vaisselle. J'ai versé des bonbons d'Halloween dans un saladier. Et puis, une heure plus tard, le sentiment de choc s'est estompé et je me suis mise à pleurer hystériquement. Maman et Nick se sont relayés pour me bercer dans leurs bras, afin de m'endormir. Mais le sommeil a refusé de venir.
Pour m'aider à supporter les funérailles, Nick m'a donné une minuscule pilule blanche. Cela m'a calmée suffisamment pour que je reste assise pendant la durée de la messe, serrant dans la mienne la main de madame Eucliff tandis qu'ils projetaient des photos de Sting sur le mur. Je n'oublierais jamais le moment où Lector, le petit frère de six ans de Sting, a demandé à leur père pourquoi je pleurais si fort, et que ce dernier lui a répondu d'une voix étranglée : " C'est parce qu'elle ne reverra plus jamais Sting. " Il était trop jeune pour comprendre ce qui se produisait et plus j'y pense, plus je me rends compte que je ne le comprenais pas vraiment non plus.
Nick ne m'a jamais dit ce qu'étais cette pilule, ni où il l'avait obtenue. Au moment de l'Action de grâce, je l'ai supplié de m'en donner une autre, parce que je n'en pouvais plus de pleurer. Mais il m'a prévenue que cela n'arriverait plus jamais. Cet hiver-là, après m'être montées aux yeux, mes larmes finissaient par s'écouler dans ma gorge, et j'attrapais un rhume. J'ai été malade de novembre à janvier. C'est alors que j'ai décidé de ne plus pleurer. J'étais trop en colère. J'étais fâchée contre Sting de m'avoir abandonnée, de ne pas m'avoir emmenée. J'étais fâcher contre l'Univers, qui refusait de répondre à mes prières : Prenez-moi, mais pas lui. Ou bien : Si vous me le rendez, je dirais oui cette fois. Oui, je veux bien t'épouser.
Fâcher de ne pas avoir pu lui dire au revoir.
Aujourd'hui, c'est la première fois que je pleure vraiment depuis son décès. Je me sens coupable d'avoir ressenti des frissons quand Natsu m'a souri. J'ai aimé la façon dont il s'est occupé de mon ampoule. Dont il m'a fait rire. Mais, surtout, j'ai adoré cette étincelle d'espoir qui m'a traversé le coeur l'espace d'une seconde.
Cette seconde qui a précédé l'instant où je me suis rappelé que Sting serait probablement toujours là si je n'avais pas refusé de l'épouser.
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Respire, Lucy, respire.
FanficLucy déteste la course à pied. Et pourtant, la voilà qui se met à courir, plusieurs fois par semaine. Courir pour lui. Peu importe la distance parcourue, elle n'arrive pas à effacer la culpabilité qu'elle ressent... Ce jour-là, si Sting n'était pas...