Respire, Lucy, respire.

Chapitre 19

    Je sers.
    Natsu frappe un solide revers dans ma direction. Je mordille ma lèvre inférieur, pour mieux me concentrer. Je lui renvoie la balle et il fait un pas en arrière pour la frapper violemment. Je m'élance vers la droite, mais je manque mon coup. Elle me passe devant le visage à toute allure et atterrit dans un coin du sous-sol.
- Ouaaaaaais ! crie Natsu en prenant une pose à la Rocky. Et un autre point pour moi .
    Je murmure :
- Merde de merde.
    Natsu joue au ping-pong en se tenant parfaitement en équilibre sur une jambe, et il est tout de même en train de gagner. C'est ridicule. Sa blessure va s'aggraver. J'ai essayé de le convaincre de laisser tomber, mais, quand il a quelque chose en tête, il ne change pas d'avis.
    Je fouille sous une étagère poussiéreuse, ramasse la balle et la lui lance. Il la rattrape d'une seule main. Il penche la tête vers l'arrière et prend son élan pour servir, quand la porte du sous-sol s'ouvre en grinçant. On entend le bruit de pieds dévalant l'escalier. Natsu s'empresse de reposer sa raquette et saisit ses béquilles.
- Ne leur dis pas que nous étions en train de jouer ! me chuchote-t-il.
    Sa petite soeur apparaît, accompagnée d'une jeune fille très sophistiquée, dont le visage pâle est encadré par de long cheveux blonds vénitiens et bouclés. Elle porte des diamants aux oreilles, un short kaki très court et un débardeur ajusté. Elle est vraiment super jolie. Est-elle venue voir Natsu?
- Tu vois, je te l'avais bien dit, lance Wendy à la fille.
    Celle-ci me regarde en levant les sourcils, avant de se tourner vers Natsu. Je commence à m'inquiéter, craignant qu'elle soit fâchée de trouver avec lui, mais un sourire s'épanouit tout à coup sur son visage quand elle remarque la balle de ping-pong en train de rouler par terre.
- Pourquoi étais-tu en train de jouer au ping-pong, avec ta cheville blessée, Nat ? lui demande-t-elle d'un ton brusque. Assois-toi, tout de suite !
    Il déglutit avec difficulté.
- Natsu Dragneel ! crie une voix depuis le haut de l'escalier.
    C'est sa mère.
- Oh, génial, marmonne-t-il. Pourquoi toutes les femmes de ma vie se liguent-elle contre moi ?
- J'ai besoin que tu viennes aider madame Englewood à démarrer sa voiture, avec tes câbles ! lui déclare-t-elle.
- J'arrive, maman !
    Sans un mot de plus, il monte l'escalier en sautillant et en s'aidant de ses béquilles.
- Salut, je suis Mavis, m'annonce la belle jeune fille en s'avançant vers moi. Je suis la fiancée du frère de Nat.
    Je lui serre la main.
- Tu es la fiancée de Zelef ?
- Oui. Et toi, tu es...
- Mais je te l'ai déjà dit ! Elle s'appelle Lucy, lui lance Wendy en souriant.
- Voilà.
- Nous ne savions pas que Natsu sortait avec quelqu'un, ajoute Mavis.
    Mais où est-elle allée chercher cela ? Une fille ne peut-elle donc pas rendre visite à un gars sans se le taper ?
- Nous ne sortons pas ensemble.
    Mavis et Wendy s'échangent un regard lourd de sens.
- Avant, Nat ramenait souvent des filles à la maison, m'explique Wendy. Mais plus maintenant.
- Ah bon ?
    A-t-il lui aussi décrété un embargo, mais sur les filles ? Vu à quel point il est mignon, j'ai du mal à le croire.
- Wendy...l'avertit Mavis, mais c'est déjà trop tard, parce que la petite fille commence à me donner tous les détails croustillants.
- Il en invitait plein à la maison, mais il ne voulait pas de relation sérieuse avec elles. Maman et papa en ont eu assez et lui ont dit que, s'il leur présentait encore une seule fille avec laquelle il n'entrevoyait pas de relation sérieuse, maman ne cuisinerait plus jamais pour lui ! Et ça, c'est une lourde menace.
    Lentement, je commente :
- D'accord.
- Mais toi, il t'a ramenée à la maison ! ajoute Wendy en sautillant sur place.
    Je prends une grande inspiration. Je me sens dépassée par les évènements de la journée. En fait, je me sens dépassée par les événements de l'année.
    Mavis fait claquer sa langue à l'intention de Wendy.
- Ton frère ne sera pas content que tu aies vendu la mèche.
- Euh... On n'est pas obligées de le lui dire. Au moins, je n'ai pas raconté à Lucy que maman l'avait mis dehors.
    Mavis ferme les yeux.
- Oh, tu vas avoir des problèmes.
- Oups, dit Wendy d'un air penaud.
    Je lui demande d'une voix douce :
- Ta mère l'a mis dehors ?
- Oui, parce qu'il n'arrêtait pas de se faire mal dans des compétitions, et tout... Il est allé à l'hôpital trois fois en un mois ! Par exemple, il s'est cassé le bras en faisant du vélo de montagne, mais n'a prévenu personne. Alors son os s'est ressoudé tout de travers, et il a dû se faire opérer pour que son bras puisse de nouveau plier comme il faut...
- Wendy..., articule Mavis, essayant de l'interrompre, mais la petite continue sans se laisser démonter.
- Ensuite, il a faillit se trancher le cou en faisant du saut à l'élastique sur un pont, et il a eu besoin de dix points de suture.
    Voilà qui explique la cicatrice sur son cou.
- Maman a dit qu'il ne pouvait pas continuer de la terrifier comme ça, en rentrant dans cet état, continue Wendy. Alors, il a finit par lui promettre de ne plus faire ce genre de choses, parce qu'il m'aime trop et que je lui manquais.
- Pendant combien de temps l'a-t-elle mis dehors ?
- Je ne l'ai pas vu pendant presque toute une année ! s'exclame Wendy. Il a manqué ma fête d'anniversaire au Pizza Hut. Et pourtant, on avait commandé un gâteau aux framboises à deux étages !
    Mon coeur cogne dans ma poitrine. À quel point tout cela l'a-t-il traumatisé ? Je pose ma main sur ma gorge, je déglutis difficilement et combats mes larmes. Je suis excitée d'aller à l'université, mais je redoute aussi mon départ, parce que je ne pourrai plus voir Nick chaque jour. Et Natsu, lui, n'a pas vu sa soeur pendant toute une année ?
    J'imagine que Mavis perçoit mon désespoir, parce qu'elle me chuchote à l'oreille :
- Écoute, avant, il donnait dans les sports extrêmes et se blessait très souvent. Sa mère ne voulait pas que ses soeurs le voient sans cesse amoché, sans raison valable. Mais Zelef fait tout pour l'aider à se remettre en selle.
    Est-ce pour cela que Natsu travaille avec Zelef ? Et que Zelef lui est si rapidement      venu en aide, tout à l'heure, sous le porche ?
    Je suis contente que Mavis change enfin de sujet.
- Alors, Lucy, comment as-tu rencontré Nat ?
- En m'entraînant. Dis-moi, quand Zelef et toi vous marriez-vous ?
- L'été prochain.
- Je vais être demoiselle d'honneur ! s'exclame timidement Wendy. Et je vais même pouvoir choisir ma robe moi-même. Elle devra être d'un rouge foncé bien précis, mais je peux opter pour le style que je veux.
    Je la complimente :
- Ce sera sûrement superbe. Cette couleur t'ira très bien. As-tu des photos des photos de robes qui te plaisent ?
    Elle hoche la tête et fonce à l'étage, probablement pour aller les chercher, et je pousse un grand soupir, ravie du répit.
- Je suis vraiment heureuse de te rencontrer, me dit Mavis en me tirant vers le canapé pour que je m'y assoie avec elle. Tu es à quelle université ?
- J'entre à la Middle Tennessee State University à l'automne.
- Tu as décidé dans quel domaine ?
- Non, je ne sais pas encore... Et toi, tu vas à l'université ?
    Elle n'a pas l'air beaucoup plus vielle que moi.
- Je suis diplômée de Belmont depuis l'année dernière. Maintenant, je suis conceptrice graphique dans une société d'experts-conseils. Genre, je conçois des logos et du matériel visuel.
    Je raconte à Mavis comment j'ai rencontré Zelef et lui explique qu'il m'entraîne pour un marathon. C'est très agréable de discuter avec elle : elle pose beaucoup de questions, mais celles-ci ne sont jamais indiscrètes. Elle me rappelle son fiancé.
    Wendy redescend d'un pas léger et s'assoit à ma droite, avant de me placer sur les genoux une pile de magazines de mariage.
    Je tapote du bout du doigt une photo représentant une jolie robe à dos nu.
- Je crois que celle-ci t'irait vraiment bien, Wendy.
- Moi aussi je l'aime ! Au fait, tu savais que je suis la tante d'un petit garçon, maintenant ? Je suis la première de ma classe à devenir tante.
    Je lui réponds en souriant :
- J'ai entendu parler de ça, oui. C'est vraiment génial.
- Mavis, Mavis, lance Wendy en tournant frénétiquement les pages d'un magazine. Montre ta robe à Lucy.
    Une fille d'environ le même âge que Wendy nous rejoint à ce moment : c'eet Cherria, une autre soeur de Zelef, Natsu et Wendy. Mavis repère sa robe dans le magazine, et nous nous extasions toutes à son sujet. Natsu redescend l'escalier cahin-caha et nous trouve en train de rire et plaisanter.
- Nat, est-ce que Lucy est ta petite-amie ? J'espère vraiment que oui, parce que, sinon, maman ne va plus vouloir te nourrir, lui lance Wendy, et Mavis et Cherria se mettent à pouffer.
- Oh toi, ma cocotte, tu vas avoir des problèmes.
    Et Natsu se met à la poursuivre en clopinant sur ses béquilles. Il la coince dans un coin, l'attrape et la retourne. Tête en bas, elle pousse de petits cris perçants.
    Toutes les filles de la pièce, moi y comprise, s'exclament en même temps :
- Natsu, ne t'appuie pas sur ton pied !