La Prophétie des Surnaturels ~ 1. Maudite

62. Retrouvailles familiales

J'ouvris la porte, le souffle court. La pièce que je découvris était majestueuse, digne d'appartenir au roi.

Les murs étaient gris, couverts de symboles étranges qui m'étaient inconnue. Au sol, du parquet assez foncé, donnant presque un côté obscur. Au fond, il y avait un bureau en bois avec une chaise de la même matière, elle rembourrée avec un coussin rouge. Les rideaux noirs voletèrent quand le vent se mit à souffler, la fenêtre étant ouverte. Sur le mur de gauche, une armoire aux couleurs sombres trônait fièrement, haute et fermée à clé. Et enfin, près de moi, un grand canapé rouge mat, comme abîmé par les années, en face d'un fauteuil gris. Les deux étaient séparés par une petite table semblable au bureau, en plus bas et plus petit.

Enzo était posé sur le canapé rouge, le visage de marbre, quoique légèrement agacé.

En face, debout derrière le fauteuil, se trouvait le roi des Ombres.

Brun aux yeux noirs, il faisait les cents pas en longeant la pièce. Il portait une tenue totalement noire, qui allait assez bien avec sa carrure : imposante, sombre et mystérieuse. Une tenue de guerrier, de roi.

Je refermai la porte derrière moi, et il leva enfin son regard, pour le poser sur moi. C'est à ce moment, vraiment, que je compris qu'il était mon père – le notre, à Enzo et moi. Que je réalisais tout ça. Cette ressemblance qu'il avait avec Enzo était très flagrante, surtout à ce moment là. La mâchoire carrée, le nez droit, les yeux légèrement enfoncés et arrondis, foncés, les cheveux ébouriffés – quoique ceux du roi paraissaient plus dressés, lui donnant un air stricte – et bien sûr, le visage impassible.

- Ariana, souffla le roi Xanora.

Je ne sus pas quoi répondre. Papa ? Monsieur ? Ou Votre Altesse ? Je choisis de ne rien dire – efficace, non ?

Je m'assis à côté de mon jumeau et lui pris la main.

- Ça va ? me demanda-t-il. Et les... (Il jeta un coup d'œil à l'homme qui nous observait.) Les bébés ?

Je souris.

- On est tous en bonne santé, c'est le principal.

Il exerça une petite pression sur ma main.

- Tu as fait une entrée... fracassante, continua le roi des Ombres.

Un grand silence gênant s'installa. C'était vrai. Arriver pour accoucher, c'était... original.

- Je suis désolée, réussis-je à articuler.

Une boule se forma dans ma gorge.

- Tu n'as pas à l'être, dit-il en secouant la tête. Ça serait arrivé à un moment ou un autre.

Nouveau silence. Sa voix était calme et imposante, sans la moindre émotion.

- Pourquoi êtes-vous venus ici ? soupira Lucien Xanora.

- Parce que vous nous l'avez ordonné, lança sèchement Enzo. Et on ne refuse pas la proposition d'un roi.

Il cracha la fin comme si c'était les pires mots qu'il prononçait. Le roi encaissa sans rien en laisser paraître, si bien qu'on pouvait penser que ça ne lui faisait rien – et c'était sans doute le cas.

- C'est normal d'être en colère. Après tout, vie n'a pas été très juste avec vous. J'ai dû vous abandonner.

- Et vous avez effacé nos souvenirs, soufflai-je douloureusement.

Mes yeux s'embuèrent. Mais maintenant que j'avais démarré, je ne pouvais plus m'arrêter.

- Vous savez quoi ? Moi, j'aurais préféré me raccrocher à un souvenir, quitte à en souffrir un peu. Car la souffrance était bien plus forte, plus présente. Oh oui, j'essayais désespérément de me souvenir de ses quatre années qu'on m'avait enlevées. Mais rien.