4. Si j'avais ce genre de pouvoirs, la Terre serait submergée depuis longtemps

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[Chapitre corrigé]

Je passai une bonne minute à observer le tsunami se former au loin, toujours plus haut, ne comprenant pas comment il avait pu arriver là – nous n'avions pas la moindre mer ou le moindre océan à des centaines de kilomètres à la ronde.

- OK, dis-je posément – alors que dans ma tête, c'était loin d'être posé. Qu'est-ce qu'on peut faire ?

- Comme tu l'as si bien dit, c'est toi qui provoque ces choses. (Je grimaçai.) Alors il faut que tu les arrêtes.

- Evidemment ! me moquai-je. Je fais ça tous les jours en sortant du lit – ma passion !

- Je ne plaisante pas, Aria, grogna-t-elle.

Voyant que j'hésitais, elle tenta de me convaincre.

- Oh, par les Astres, faisons quelque chose ! De toute manière, qu'on sorte ou qu'on reste, quelle différence ça fera ? Si cette vague nous touche, nous allons mourir, qu'on soit à l'intérieur ou à l'extérieur, alors autant essayer de changer les choses.

J'ouvris la bouche pour lui rétorquer quelque chose, mais rien ne vint – elle avait raison, bon sang. Nous sortîmes donc de la chambre, moi après avoir enfilé un sweat-shirt remonté sur le haut de mon crâne – malheureusement pour moi, je fus stoppée par les deux vigiles, qui me découvrirent la tête et m'observèrent.

- Accord de la directrice ? demanda l'un avec lassitude.

Je me mordis la lèvre, non pas que je fus prise au dépourvue – mais je n'avais pas d'idée, maintenant tout de suite. Heureusement pour moi, la voix de notre Majesté la directrice se fit entendre juste derrière. Elle était accompagnée de Laura, qui me fit un clin d'œil – bien sûr que j'avais remarqué qu'elle ne me suivait pas, je n'étais pas si concentrée que ça sur mes problèmes.

La directrice ne m'accorda pas un regard, passant devant moi et m'ordonnant presque de venir à sa suite. Will était dehors, la bouche entrouverte d'ébahissement.

- Par les Astres, souffla-t-il. C'est Aria qui a fait ça ?

Ce que je pris d'abord pour de la peur se révéla n'être rien d'autre que de l'excitation – il n'avait absolument pas peur. Laura lui chuchota quelques mots, et il parut se renfrogner, sortant une bordée de jurons les uns plus originaux que les autres – j'aurais ri, si, par exemple, nous n'étions pas sur le point d'être anéantis par un tsunami.

- Bon sang, Cam, Laura, j'avais interdit toute forme de magie ici ! Vous étiez prévenus, non ? pesta la directrice.

- Si j'avais ce genre de pouvoir, ricana Will, la Terre serait déjà submergée depuis belle lurette.

Ce fut à peine si j'entendis le changement de prénom – Will était soi-disant devenu Cam en quelques semaines, et je ne pouvais pas réfuter l'hypothèse, puisqu'il arrivait qu'on nous demande de changer d'identité. Pour une adoption, pas un transfert.

Si naïve.

Dans mes pensées depuis trop longtemps, je relevai les yeux pour découvrir avec horreur qu'une petite vingtaine de mètres nous séparait de l'immense vague – un monstre. Une sorte de pulsation se fit ressentir dans mon cœur, s'amplifiant au fur et à mesure qu'elle se rapprochait. Parce que nous ne formions qu'un.

Laura m'observa.

- Aria... ?

Je ne répondis pas et m'avançai – encore et encore, jusqu'à me retrouver à peine à quinze mètres du tsunami, et j'arrivai au bout de la cour, au bout de tout. On voyait juste des champs, ensuite, et cette petite rivière gelée qui nous permettait d'avoir des douches. Puis la vague, surgie de nulle part, de la taille d'un sacré immeuble.

- Aria, reviens ! C'est trop dangereux, même pour toi ! s'inquiéta Laura.

Je me retournai l'espace de quelques secondes.

- Je n'ai rien à perdre, argumentai-je. Ni ma vie, ni mes amis. Si je ne le fais pas, qui le fera ? Qui vous sauvera ? Je ne suis pas débile – personne.

Je souris une dernière fois, et fis face au monstre, ne sachant pas vraiment quoi faire. Une petite boule s'installa au creux de mon ventre, quand je vis qu'il restait dix mètres entre la vague et moi.

J'allais me faire balayer.

Le compte à rebours était lancé.

Dix mètres...

Neuf mètres...

Huit mètres...

Mon souffle s'accéléra.

Sept mètres...

Je levai une main, inconsciente de ce que je faisais.

Six mètres...

Cinq mètres...

Je frissonnai, sentant ma fin proche – et pourtant, je ne pouvais pas l'accepter.

Quatre mètres...

Je m'entendis hurler :

- Stop !

La vague ne s'arrêta malheureusement pas – bien, Ariana, si tu comptes sauver le monde comme ça, tu es encore loin.

Trois mètres...

Laura hurla. La vague commença à casser.

Deux mètres...

Je sentis la boule au creux de mon ventre se libérer, cette pulsation se synchroniser avec celle de l'univers. Un voile gris m'entoura, mon souffle s'arrêta. Mes yeux se modifièrent, devenant d'un bleu profond, se fixant sur l'eau – et croyez-moi, on sent un changement pareil en nous quand il s'opère.

- N'avance plus, ordonna ma voix avec un timbre qui semblait maléfique.

Un mètre.

Le temps sembla se suspendre. Je fermai les yeux, attendant que la vague se referme sur moi, qu'elle m'engloutisse et signe la fin de cet institut. J'attendis, une seconde, puis deux, ouvrit les yeux avec appréhension. A mon grand soulagement – enfin, tout était relatif – la vague ne bougeait plus, semblant trembler comme si elle ne tenait pas en place.

Je remarquai alors ma main toujours levée, mon corps irradiant d'une force surnaturelle, entouré de cette vive lumière bleutée... et je sus que je n'étais plus vraiment maîtresse de moi-même. J'assistais à la scène, légèrement en retrait, observatrice de ce monstre que j'étais devenu.

J'entendis à peine Laura murmurer mon nom et Will s'émerveiller devant mon pouvoir magique, que mon Moi-maléfique parlait à nouveau :

- Retire-toi, laisse-moi et mes amis tranquilles. Retourne d'où tu viens.

A ce moment-là, je jure que j'aurais pu sentir la déception du tsunami – attendez, il était si proche du but – mais, malgré qu'il ait été si immense par rapport à moi, il recula en tremblotant légèrement, lâchant quelques gouttes sur la tête de mon autre Moi pour montrer son mécontentement, puis s'en alla doucement pour s'aplatir et disparaître – littéralement, il n'en restait plus aucune trace nulle part.

Je sentis mon âme rallier mon corps – pour faire simple – et me surpris, en me retournant, à capter les émotions des autres : le soulagement de Laura, la panique de la directrice, la fascination d'enfant de Will. Arrêtant de m'illuminer comme une luciole, j'avançai vers eux, sentant mes forces décliner brusquement. La vision floue, je plissai les yeux.

- Je pense... que j'aurais bien besoin de dormir un peu.

La bouche entrouverte, les yeux ébahis, tous me regardaient comme si c'était anormal que je sois là – encore là, comme ça. Leurs visages idiots furent la dernière chose que j'aperçus avant que tout ne devienne complètement noir. 

La Prophétie des Surnaturels  ~ 1. MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant