La Prophétie des Surnaturels ~ 1. Maudite

10. Trop exceptionnelle pour l'exceptionnalité

[Chapitre corrigé]

Une de ses mains se posa dans mon cou, l'autre sur mes hanches. Sa langue s'insinua dans ma bouche pour prolonger le baiser, et je sentis, comme possédée, mes mains aller fourrager dans ses cheveux. Daniel rompit quelques secondes le contact entre nos lèvres pour tracer le contour de mon menton avec de tous petits baisers doux et prudents. Il nous fit pivoter pour que ce soit moi qui me retrouve acculée contre la rambarde, et m'embrassa de nouveau, sa main droite remontant le long de mon corps. Un gémissement s'échappa de mes lèvres – quelle honte –, mais le sourire que je sentis contre mes lèvres me rassura.

Je m'embrasais, je dansais dans les nuages, comme si je venais de retrouver mon autre moitié, mon alter ego, mon âme sœur – appelez ça comme vous le souhaitez. Le front contre le sien, les lèvres courbées en un sourire, je me sentais apaisée. J'ouvris les yeux, les sens décuplés – l'eau plus bleue, les sons plus clairs et le monde plus beau. Seuls nos souffles saccadés brisaient le silence.

Puis Daniel se jeta presque loin de moi, stupéfait.

- Qu'est-ce que... ? Un problème ? demandai-je en fronçant les sourcils.

- Toi, souffla-t-il ébahi. Tu es mon Problème, avec un P majuscule. Qu'est-ce que tu fais encore là, par les Astres ?

- Merci, ironisai-je, quelque peu blessée. Je peux m'en aller, si tu veux, mais je n'avais aucune chance de disparaître.

- Non, tu ne comprends pas.

Il se mit à faire les cents pas rapidement, tout en regardant le ciel, et je le revis, dans mon rêve, faire de même alors que celui-ci était noir, recouvert d'Ombres curieuses. Et je me revis, mon autre moi, partir en cendres – enfin, en petites tâches de lumières – alors je compris. Il avait peur.

- Elles ne vont pas venir, lâchai-je sans même y réfléchir.

Il se tourna vers moi, à l'arrêt, m'observant enfin, et fronça les sourcils.

- Les Ombres, ajoutai-je bêtement. Elles ne m'emporteront pas.

- Tu vois les Ombres ?

Une surprise qui me sembla exagérée teinta ses yeux et figea son visage, avant qu'il ne fonce vers moi. Son regard était troublé d'incompréhension, et ses magnifiques iris violets n'en semblaient que plus intenses. Il m'attrapa la main, sembla savourer mon contact –je virai au cramoisi.

- Je les vois depuis bien longtemps. Toujours là pendant des catastrophes, à ne jamais bouger le moindre petit doigt.

- Les ombres que l'on voit flotter ne sont que des observateurs, Ariana. Elles ne pourront jamais rien faire pour t'aider – il en existe d'autres, plus agressives, mais elles sont sous bon contrôle. Disons que les Ombres mémorisent le passé pour ne pas qu'on l'oublie.

Je m'accoudai à la rambarde et détournai le regard, tentant de ne pas trop m'attarder sur la façon dont il prononçait mon prénom – si sensuel.

- Ce n'est pas comme si j'étais exceptionnelle, grommelai-je.

- Absolument pas, rit-il. Tu es bien trop exceptionnelle pour l'exceptionnalité, Ariana.

S'en fut trop – de la fumée pouvait quasiment sortir de mes oreilles tant j'étais en surchauffe. Daniel rit et me tira vers la voiture, un poids en moins sur ses épaules.

Le lendemain, je séchai les cours – du moins, pour la matinée. Les professeurs ne m'attendaient probablement pas, de toute manière. Enfilant des chaussures et un manteau, je me glissai dehors. La directrice, pour je ne sais quelle raison, avait abandonné l'idée des vigiles, me facilitant grandement la chose.