39. Un retour possible...?

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J'ouvris les yeux dans un tunnel sombre, qui avait l'air de continuer à l'infini. Qu'est-ce que je faisais là ?

J'étais allongée, comme quelques secondes plus tôt, mais la terre était dure et froide. Je me levai.

Des voix lointaines raisonnaient à mes oreilles.

- N'oublies pas qui tu es, me dit une voix. N'oublies pas pourquoi tu vis.

Je n'entendis plus rien après.

- Je suis Ariana Baker, racontai-je pour moi-même en me mettant à courir. J'ai seize ans. Je suis dans une école de magie...

Je courus plus vite, demandant de l'aide. Ma mémoire m'échappait. Plus j'avançais, plus j'avais l'impression que les voix s'éloignaient. Je me recroquevillai dans un coin. Où étais-je ? Qui étais-je ?

Le temps passa. Tellement de temps que je perdis toute ma mémoire. Je ne savais pas qui j'étais, ni le pourquoi du comment j'étais ici. Au bout d'un moment, un vieil homme arriva, se déplaçant lentement. Il avait la moitié du crâne dégarni. Des cheveux très long pendaient de l'autre partie, noirs comme du charbon. Il avait les yeux noirs, entièrement noirs – même là où se trouvait habituellement le blanc –, et une barbe de la même couleur.

Son teint était d'un blanc cadavérique, presque gris.

Il portait une tunique ample et noire, tachetée de sang et de terre, attachée à la taille par une ceinture. Il marchait à l'aide d'une canne sculpté en serpent, aussi foncée que lui. Il s'approcha de moi.

- Que... Que me voulez-vous ? demandai-je.

Il arqua un sourcil.

- Je suis venu te chercher, pardi !

- Pour... aller où ?

- A la Mort. Où d'autre veux-tu aller ?

J'écarquillai les yeux.

- Alors... Je suis en train de mourir ?

Il hocha calmement la tête.

- Viens avec moi.

Je secouai négativement la tête.

- Viens avec moi, répéta-t-il plus méchamment.

Je refusai une nouvelle fois.

- Je ne veux pas mourir...

L'espèce de vieillard ricana.

- Mais si tu le veux !

- Je...

Je luttai. Il utilisait une force pour me forcer à abandonner. Je me pinçai les lèvres. Il reprit son air sérieux.

- Si tu es ici, c'est que tu va mourir. Tu es plus proche de la mort que de la vie.

- Je suis plus...

Une voix me coupa.

- Ariana ! Ariana je t'en supplie, reste !

Une vague de souvenirs me submergea.

Une petite fille à la chevelure blonde qui me sautait dans les bras.

- Ariana ! Je t'en supplie reste !

Puis un garçon de quatorze ans, qui me serrait dans ses bras.

- Ne part pas, Aria. Reste, je t'en supplie !

Enfin, un garçon de dix-huit ans, blond aux yeux violets, dans mon lit, un grand sourire apaisé aux lèvres.

- Oh, Ariana... Reste ici...

Une infirmière qui m'examinait, qui désignait mon ventre.

- Restez là, Ariana. Nous devons les regardez.

Un ventre rond.

Le vieillard pesta.

- Tu es encore trop consciente.

Je me repris, posai les mains sur mon ventre plat.

- Pourquoi... ?

Il me dévisagea avec un air amusé.

- Parce que si tu ne survis pas, ils ne survivront pas non plus.

- Vous avez dit si. J'ai donc une chance.

J'observai les alentours, mais je ne distinguai que les murs infinis de la grotte. Impossible de s'enfuir.

- Qui êtes-vous ? demandai-je.

Il ne broncha pas.

- Je répète : Qui êtes-vous ?

J'articulai chaque mot lentement. Il prit peur.

- Vous êtes un serviteur qui fait le sal boulot, c'est ça ?

Il devint rouge écarlate.

- Ferme-la ! s'emporta-t-il. Tu ne sais pas Ô combien mon travail est important ! je suis l'entre mort, la créature chargée d'amener les morts à bon port... Dans les enfers.

Je déglutis, frissonnai. Il s'approcha de moi, quand...

- Bien le bonjour, gente Damoiselle ! s'écria une voix du ciel.

Je levai les yeux vers la voix, pour voir quelqu'un se poser lentement sur le sol. Ou plutôt, flotter à quelques centimètres du sol.

Son teint était soyeux, légèrement hâlé.

Il portait une longue tunique blanche nouée d'une corde tressée, avec des sandales en cuir.

Ses cheveux et sa barbe immense étaient blancs et démêlés, coiffés. Ses yeux bleus, d'un clair délavé, reflétaient sa sagesse.

- Bienvenue, commença-t-il en s'inclinant. Je suis l'entre vie.

- L'entre...

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda le vieillard en noir.

Le sage lui fit un clin d'œil, puis, comme s'il suivait le fil de mes pensées, déclara :

- Le fait que tu vois l'entre mort signifie que tu es du mauvais côté. Du côté de la mort.

Je hochai la tête.

- Comme pour le verre. Celui qui le voit à moitié vide voit négatif, alors que celui qui voit le verre à moitié plein voit positif.

L'entre vie sourit.

- Exactement. Le fait que tu me voies signifie que tu te rapproches de la vie.

Le décor changea. Je me retrouvai dans un champ de blé, avant de réapparaître dans le tunnel noir.

L'entre mort commença à disparaître.

- Qu'est-ce que... soufflai-je.

Dans la cohue dans ma tête, je réussis à entendre le vieillard blanc :

- Quelle belle force d'esprit ! J'ai encore gagné, Entre Mort !

J'arrivai alors dans le champ de blé, où une petite brise légère sifflait à mes oreilles.

Une légère douleur s'insinua dans ma tête, avant d'augmenter à en être douloureux. Je gémis.

- Je reviens à la vie... grognai-je. Les douleurs reviennent.

- Zoé pourra t'aider. Elle sait le faire.

Ravie de l'apprendre. Le vent tourna autour de moi en sifflant, et la douleur devint horrible.

Je fermai les yeux en jurant et gémissant.

Lorsque mes paupières se rouvrirent, j'étais de nouveau dans le monde réel.

J'avais beau voir flou, je le sentais. L'odeur d'humain, de l'air. Les mouvements légers de mon ventre, les souffles réguliers. Je respirai de nouveau.

J'étais vivante.


La Prophétie des Surnaturels  ~ 1. MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant