Skyline Emrys

27 - L'Alliance

27 Mars 2051
Le même jour

Ce qui nous attendait à notre sortie du donjon de Niflheim était au-delà de l'imaginable et du concevable. Envisager que les plus grandes guildes de SE échoueraient à chasser l'élémentaire de feu de Malka et se regrouperaient à Hvergelmir n'entrait dans aucun tableau de prévisions ou de paris. Cela ne faisait pas partie de l'équation, ni d'aucun algorithme, car c'était tout simplement impossible.

Atlantis venait de nous emmener au QG des Dragons du Ciel, à Hvergelmir. C'était un immense château en pierres grises, aussi triste que le reste de Niflheim. Je n'avais qu'une hâte : quitter ce monde pour retourner à Midgard. Néanmoins, pour égailler un peu leur place forte, les habitants du château avaient installé des étendards blancs et bleus qui flottaient çà et là, avec en leur centre une tête de dragon, leur emblème.

Fafnír, le petit dragon d'Aramise, avait été renvoyé au néant numérique d'où il était venu, et nous étions à présent tous réunis – tous ceux qui avaient participés à la conquête du donjon – dans une grande salle de conseil, aussi accueillante que l'étaient à leur époque les châteaux médiévaux. A mon avis, c'était le monde en lui-même qui empêchait toute source de chaleur ou de gaieté d'y apparaitre.

Kallaan résuma rapidement la situation après qu'Atlantis nous eut tout expliqué en détails.

— Tu veux dire qu'avec tout ce que vous étiez, aussi expérimentés, nombreux, forts et organisés, vous n'êtes pas parvenus à éradiquer l'élémentaire et vous avez choisi de battre en retraite ?

A l'entendre parler, c'était comme si Atlantis essayait de lui faire croire qu'elle avait été incapable de terrasser un monstre de niveau 2 à elle seule. Et en effet, cela paraissait impossible à croire.

Cependant, Atlantis opina sèchement, confirmant ses propos.

— Nous n'étions pas assez nombreux, Kallaan. J'ai orgueilleusement cru que nous y arriverions, avec les autres grandes guildes. Mais ça n'a pas été suffisant. Les grands de ce monde ne suffisent pas.

— Quelles sont les pertes ? s'enquit le capitaine en évitant de s'attarder trop sur ce que sa supérieure venait de lui dire.

— Trente-huit joueurs, toutes guildes confondues.

— Trente-huit ?! s'écria Iriko en bondissant de son siège comme si on venait de lui tisonner les fesses, les yeux écarquillés de stupéfaction.

Il se rassit lourdement, abasourdit, puis porta une main à ses yeux comme si la lumière lui était insupportable.

— Combien de Dragons du Ciel ? demanda Mira.

— Sept. Je suis bien contente que tu n'aies pas été là, Mira. Tu aurais pu être tuée.

Le regard qu'Atlantis posait sur sa coéquipière était étrangement doux et familier, presque intime. Je soupçonnais qu'il y avait plus entre elles qu'une simple relation de chef à subordonnée.

Comme si l'intéressée avait lu mes pensées, elle s'expliqua devant nous.

— Mira est l'une de mes meilleurs officiers, mais aussi ma sœur, dans la vie réelle.

D'où cette familiarité et cette attention entre elles.

Shaïn n'avait toujours pas prononcé un mot depuis que nous étions sortis du donjon. Me tournant vers lui, je remarquais qu'il fixait l'Icarus posé devant lui comme s'il venait de trouver la clé de sortie du jeu.

— Shaïn ?

Il secoua la tête et se tourna vers les quatre filles de notre guilde assises côte à côte. Les sentiments qu'elles éprouvaient étaient clairs sur leur visage : joie, colère, soulagement, et une furieuse envie d'en découdre.