66 - La fin de l'année

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24 Décembre 2054
Un mois après

— Ahhh ! s'écria Ilya, les yeux brillants d'étoiles, tandis que nos pieds s'enfonçaient profondément dans la neige. On n'a jamais fêté Noël à Damaa. Qui aurait cru qu'il neigeait par ici, à Noël ?

Je jetai un coup d'œil aux environs. C'était effectivement la première fois que je voyais notre zone résidentielle de Damaa sous la neige. Tous les arbres et pignons des maisons occupées avaient été décorés pour les fêtes, et notre lac était gelé. C'était vraiment Noël.

Nous marchions au bord de l'eau, sur la promenade en bois en direction de la maison de vacances de la guilde, afin de rejoindre les autres pour célébrer cette fête de fin d'année qui n'avait pas vraiment de sens, ici. Elle nous permettait surtout de nous retrouver tous ensemble pour passer un bon moment en laissant derrière nous tous nos fantômes et nos peurs quotidiennes.

— Il neige chez toi, à Noël ? m'enquis-je soudain, cette question s'imposant à moi pour la première fois.

— C'est assez rare, mais ça arrive parfois, admit-elle penchant la tête sur le côté pour exprimer sa curiosité. Et toi ?

— Pareil pour moi. C'est assez exceptionnel même, qu'il neige. Cela dépend de l'hiver.

— Alors on habite certainement le même hémisphère, compris Ilya, avec un sourire.

— Cela me rassure de savoir que je ne te marche pas sur la tête au quotidien, ricanai-je.

Elle éclata de rire ouvertement, ce son s'envolant dans l'air frais et silencieux.

— Tu n'as même pas demandé quel âge je fêtais, à mon anniversaire, fit-elle remarquer lorsqu'elle se fut calmée.

— Parce que cela ne me regarde pas, expliquai-je spontanément. Comme tout le reste. On évoquera ces choses là où elles auront un sens. Ici, ces informations ne servent à rien.

Elle fixa ses pieds bottés et la neige qui les recouvrait entièrement. Elle ne paraissait pas vexée de mon manque d'intérêt pour son âge. Non, c'était autre chose qui la rendait soucieuse en cet instant.

— Alors... qui je suis vraiment, ce à quoi je ressemble dans la réalité... ça t'est égal ? demanda-t-elle d'une toute petite voix, sans oser me regarder.

Je dissimulai mon trouble en évitant soigneusement de poser les yeux sur elle, moi aussi. Honnêtement, je n'y avais jamais songé. Si j'étais absolument certain qu'elle était bel et bien une fille, je ne pouvais avoir aucune certitude quant au reste. L'aimerais-je toujours là-bas ? L'aimerais-je autant ? Je voulais lui dire que oui pour l'apaiser, mais je n'en avais strictement aucune certitude, et lui mentir était la dernière de mes intentions.

— Qui tu es vraiment, je le sais déjà, depuis le temps, répondis-je enfin pour la rassurer. C'est aussi pour cela que je t'aime, parce que je te connais. Pour ce qui est de l'apparence... tu pourrais être déçue par la mienne aussi, tu sais ?

Elle me donna un coup de coude dans les côtes, l'air faussement outrée.

— Eh ! Je n'ai pas dit que je me trouvais moche ! Si ça se trouve, je suis handicapée physique, ou mentale...

— ... ou les deux, complétai-je avec un sourire amusé. Mais je pencherai plus pour l'handicapée mentale. Ça au moins, c'est clair, ça se voit d'ici !

Elle voulut me donner un nouveau coup, mais cette fois je l'esquivai sans faire le moindre effort.

— Arrête de poser des questions stupides, la prévins-je d'une voix plus sérieuse.

Skyline EmrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant