70 - Le Valhalla

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20 Août 2055
Quatre jours après

Je fixais avec appréhension la porte démesurée du palais d'Odin. Je ne pus m'empêcher de déglutir et de me retourner. D'ici, on pouvait voir tout Asgard, avec la plaine d'Idavoll au centre et la ville qui formait comme un anneau tout autour. Au fond, au loin, nous pouvions voir l'univers, l'infini noir et silencieux, parsemé d'étoiles et de nébuleuses multicolores et brillantes comme je n'en avais jamais vues. Après tout, un univers comme celui-ci n'existait nulle part ailleurs qu'ici.

Lentement, très lentement, je me détournai. Nous étions sur le point de franchir l'étape finale de Skyline Emrys, et nous étions toujours vivants. Pour le moment. Néanmoins, nous nous apprêtions à franchir la ligne de non-retour. Si nous survivions à ce qui se trouvait derrière ces portes, nous allions rentrer chez nous.

Chez nous ? Où était-ce, chez moi ? Je ne savais plus.

Odin II s'effaça pour laisser passer Ilya. Tous les regards se braquèrent sur elle, dans l'attente douloureuse que la guerrière élue par notre geôlier fasse le premier pas. Elle prit une profonde inspiration et fit mine d'ouvrir la porte en tendant la main vers l'anneau qui reposait dans la gueule d'un loup de laiton. Un écran s'afficha aussitôt devant elle : « Seuls ceux qui ont été choisis par la Valkyrie peuvent entrer au Valhalla. Voulez-vous entrer ? »

— Allez, s'encouragea-t-elle elle-même.

Et elle confirma la requête.

« La Valkyrie doit entrer la première pour valider l'ouverture des portes. Vous avez trois minutes pour les franchir. »

Soudain, les portes s'ouvrirent... sur le néant absolu. C'était là que les autres avaient bloqué pratiquement six mois plus tôt, sans même pouvoir ouvrir cette fichue porte qui s'apprêtait à nous avaler sans perspective de retour. Mes mains se mirent à trembler, et je les serrai en poings pour contenir leur frémissement qui aurait pu me faire passer pour un lâche auprès de certains. Du moins un trouillard. Et ces gens n'auraient pas tort de le penser.

Aussitôt, je me pressai derrière Ilya pour être le premier à franchir la porte après elle. Elle se tourna vers moi, m'offrit un sourire d'encouragement, puis disparut dans l'ouverture sans une hésitation ni un regard en arrière. Je la suivis immédiatement, autant par peur de me voir renoncer que par peur d'être séparé d'elle.

Au-dessus de la porte, le compte à rebours avait commencé.

— Par tous les tonnerres de Zeus, jura Shaïn lorsqu'il arriva de l'autre côté, estomaqué.

Il y avait de quoi. Le Valhalla était un monde architectural à part entière et que nous étions les premiers à découvrir.

Tout, ici, était démesuré comme si nous nous trouvions dans la demeure de géants. Le plafond était haut comme une maison de quatre ou cinq étages, couverts de rondaches multicolores ; les boucliers de tous les guerriers qu'Odin avait fait venir au Valhalla pour les mener au combat le jour du Ragnarök. Quant aux murs, ils se confondaient tous les uns avec les autres, entre statues de bois géantes et portes monumentales. De grands feux brûlaient dans des braseros et des foyers où des sangliers géants rôtissaient pour l'éternité.

Malgré la prestance des lieux et notre taille ridicule face à ce décor immense, c'est une remarque tout à fait à part que Wayann nous livra, le cou dévissé pour détailler les boucliers du plafond :

— Vous croyez que c'est comme si on marchait dans le cerveau de Valhalla ?

Iriko l'obligea à remettre sa nuque droite et à regarder devant lui.

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