73 - Demain

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Tout devint noir autour de moi. J'eus beau crier, personne ne me répondit. Jusqu'à ce que la sensation de flottement cesse et que je sente à nouveau le sol sous mes pieds. Une lumière éclaira alors l'obscurité impénétrable, révélant une créature assez petite en comparaison d'Odin. Elle avait l'allure d'une fée et ressemblait aux Elfes d'Alfheim. Cependant, elle n'avait pas leurs ailes. Ses cheveux blonds étaient deux fois plus longs qu'elle n'était grande, trainant par terre comme le voile d'une mariée. Quant à ses yeux, ils étaient verts et lumineux comme ceux d'Ilya.

Je me mis aussitôt à chercher mes amis du regard, espérant trouver un quelconque visage familier, mais j'étais visiblement seul, avec cette créature, au milieu de nulle part. Était-ce Emrys ? Même si c'était le cas et que cela signifiait la fin de notre aventure dans SE, elle demeurait un PNJ contrôlé par Valhalla. Je devais rester sur mes gardes, c'était une question de vie ou de mort.

— Approche, valeureux petit homme, m'appela-t-elle avec un sourire bienveillant en ouvrant les bras pour m'accueillir. C'est toi qui m'as délivrée, n'est-ce pas ? Il t'en a fallu du courage... Je te remercie.

J'avais la sensation de nager en plein délire. J'avais connu tant de violence et de chaos ces derniers temps que cette réaction accueillante me paraissait obscène et déplacée. Tout, en moi, me disait d'être sur mes gardes, de me méfier, de me révolter même contre cette bienveillance qui cachait nécessairement quelque chose de malsain. Forcément. Car c'était toujours Valhalla. C'était toujours Skyline Emrys.

Mes nerfs étaient sur le point de lâcher. Pourquoi jouait-il ainsi avec nous ?

— Qu'est-ce que tu veux ? articulai-je avec peine, d'une voix sèche.

Elle eut l'air surprise, ce qui me donna envie de la gifler, mais ce n'était pas à elle que je m'adressais vraiment, ni à elle que j'en voulais. Ce n'était qu'un avatar contrôlé par Valhalla parmi tant d'autres, mais c'était actuellement le seul que j'avais sous la main pour exprimer ma colère.

— Te remercier, répondit-elle simplement, d'une voix douce à me rendre malade. Tu peux me demander ce que tu veux.

— La Porte, répondis-je sans hésiter.

Elle fit mine de ne pas comprendre et prononça à nouveau les mêmes mots, comme un automate. Cette rengaine mécanique était la preuve qu'elle n'était qu'un pantin de Valhalla. Tout comme moi...

Je me pris la tête dans les mains en grimaçant. Mon mal de crâne revenait au galop, ce qui était mauvais signe. Or, je refusais de mourir maintenant. C'est alors que je me souvins de ces petits riens, anodins, qui, une fois rassemblés, formaient à présent un étrange tableau à interpréter.

Mon rêve incongru d'une autre réalité la nuit passée, les mots d'Odin – Valhalla – quelques heures plus tôt, et de ceux de Völva des mois auparavant.

La sorcière avait tenu des propos énigmatiques que nous n'avions pas compris alors :

« Tu cherches la Porte qui ne peut être trouvée. C'est la Porte qui se trouve là où tout a commencé et là où tout doit s'achever. Si vous voulez la franchir, vous allez devoir réfléchir. Elle obéit à celui qui commande, et a celui qui sait ce qu'il demande. Mais soyez rapides car à la fin du printemps, vous serez tous à court de temps. »

C'était une énigme laissée par Valhalla, et à présent j'avais l'espoir insensé d'avoir compris ce que la sorcière avait voulu dire, à la lumière des derniers événements.

Je voulais faire un pari fou, mais peut-être était-ce possible. Si j'y parvenais, je pourrais peut-être reconquérir ma liberté, mais aussi celle des autres.

Skyline EmrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant