Skyline Emrys

30 - Un et tous

10 Avril 2051
Deux jours plus tard

— REVEILLE-TOI ! s'époumona Aramise à mon oreille, comme si cela pouvait me tirer d'un sommeil numérique ou ce genre de nuisance de pouvait pas m'atteindre.

Je clignais des yeux tandis que mon cerveau se reconnectait avec mon environnement.

— Ah bah enfin, c'est pas trop tôt ! Tu bug quand tu dors, ou quoi ? On dirait que ça recommence comme l'autre fois.

J'ouvris mon menu sans un mot et consultais l'heure et la date, la première chose que je faisais toujours à mon réveil. Mais au lieu de m'inquiéter du fait que, une fois de plus j'avais beaucoup dormi, ce qui était mauvais signe, je butais principalement sur la date.

Un an.

Je revoyais parfaitement la panique et le chaos, les bugs, les cris et les morts. Il y avait ceux qui n'avaient même pas comprit ce qui leur était arrivé, et ceux qui avaient délibérément mit fin à leurs jours.

Je m'assis dans le lit, constatant qu'Aramise et moi étions seuls dans la pièce :

— Allons-y, soufflais-je.

— Ouais, c'est ce que je disais. Le rendez-vous est dans un quart d'heure. Les autres y sont déjà.

Vérifiant une dernière fois mon équipement et mon inventaire, je suivi Aramise dans les rues de la capitale.

Argoat était méconnaissable. Non pas structurellement parlant, mais par rapport au nombre de joueurs présents au même moment. C'était tout simplement... hallucinant. On aurait dit que tout Skyline Emrys était là, concentré au cœur de la ville, comme cela avait été le cas à Bellal au tout début. Il y avait tellement de monde que les noms, les guildes et les niveaux se confondaient, se superposant les uns avec les autres, devenant illisibles.

— Quand sont-ils arrivés ? murmurais-je, impressionné par ce rassemblement.

Fendant la foule avec assurance, l'air de savoir où elle allait, Aramise me répondit sans se retourner.

— Depuis une heure ça n'arrête pas. Et crois-moi, il y a de tout.

Je n'avais aucun mal à la croire puisque je le voyais de mes propres yeux.

Nous marchions en direction des portails inter-mondes, grimpant les marches dans une marre de gens venus du monde entier – venus des mondes entiers. Et il y avait, en effet, de tout. Du novice au vétéran, du pêcheur du dimanche au player killer, en passant par les saints et les diables. C'était un million – ou deux, ou trois, peut-être même – de cultures, de couleurs, de préférences et de différences, et pourtant... nous étions tous là, rassemblés, plus proches et plus identiques que jamais.

Une fois en haut des marches, arrivés à la place principale où se dressaient les portails, nous découvrîmes un spectacle des plus stupéfiants. Car sur le muret du massif floral qui trônait au centre de la place, servant d'estrade, se tenaient fièrement les maîtres de guilde de l'Alliance à l'origine de cet évènement sans précédent.

Shaïn était parmi eux, fier comme un paon. Atlantis, quant à elle, dans son armure de glace éclatante, la tête découverte, sondait la populace massée à ses pieds d'un regard impassible. Soit dans sa vie elle avait eu l'habitude de gérer de grandes équipes, soit, comme Shaïn, elle avait appris en autodidacte durant l'année de jeu écoulée, et elle y était devenu excellente.

Aramise me désigna notre petite guilde, hétéroclite et rapiécée, stationnée aux côtés de l'imposante armée des Dragons du Ciel. Non loin de là étaient également regroupées les autres guildes de l'Alliance. Quant au reste des joueurs, venant d'un peu partout, ils se frayaient un chemin et se trouvaient une place comme ils le pouvaient.