32 - Chantage

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J'allais replonger dans le doute du bien fondé de ma décision lorsqu'une voix de stentor se mit à gronder dans tout le ciel, accompagnée de terribles éclairs. En revanche, pas une goutte de pluie ne fit son apparition tandis que le ciel devenait noir d'orage.

— Vous autres humains, ici-bas, n'êtes que le fruit de ma création. Sans moi et les autres dieux d'Asgard, vous ne seriez rien.

Je fronçais les sourcils. Il s'agissait donc d'Odin, père de toute chose.

— Par de trop nombreuses reprises vous avez outrepassé ma clémence en tuant, pillant, saccageant nombre de personnes et de choses que moi et les miens avons créées. Vous avez tué Baldr le Courageux, Nídhögg le Féroce, Surtr le Noir, Thrym le Bruillant, ou encore Freyr le Seigneur. Je ne vous laisserai pas aller plus loin dans la destruction et la calomnie. Svartalfheim sera protégé comme il se doit. Vous n'atteindrez jamais Brokk le Forgeron ni Hel la Cachée. Pour m'en assurer, je vais ériger des statues au nom des dieux qui seront en mesure de vous surveiller et de vous arrêter.

Shaïn et moi échangeâmes un regard tendu.

— Une statue dans chacun des mondes surveillera vos agissements, poursuivit Odin. Tant que les statues seront actives, nul ne pourra atteindre Svarthalfeim, Helheim ou Alfheim.

Mon attention s'étiola doucement. C'était encore un évènement à la hauteur de celui de Malka, mis sur pieds uniquement pour massacrer encore plusieurs centaines de joueurs. Il ne fallait pas que nous entrions dans son jeu.

— Qui tomberait dans un panneau pareil ? demanda Shaïn, moqueur.

Lui non plus ne semblait pas vouloir accorder beaucoup d'importance à cet évènement.

— Si vous tentez quoi que ce soit contre ces statues, je vous briserai, acheva ensuite le père des dieux.

En langage jeu vidéo, il fallait donc comprendre le contraire. Autrement dit, ces statues qu'il ne fallait pas détruire, on nous invitait généreusement à les mettre en pièces. Quant aux foudres d'Odin si nous osions, cela voulait simplement dire que la récompense serait à la mesure de l'évènement.

C'était tout à fait le genre de situation dans laquelle Iriko avait tout à fait sa place, par exemple.

Mais si Odin cessa de parler, Valhalla prit le relais, faisant miroiter devant chacun d'entre nous les récompenses que nous avions à y gagner : des objets insolites, des armes inédites, des armures uniques, de la nourriture extrêmement rare... Bref, tout ce que nos différences faisaient que chacun convoitait quelque chose en particulier de différent des autres. Il y avait de la poussière d'étoile pour Iriko, une augmentation de réputation pour Shaïn qui voulait porter notre guilde toujours plus haut, ou encore de la soie vanaheimienne pour Ilya, les « Larmes de minuit » – des dagues – pour Aramise... Comme si Valhalla savait vraiment ce que chacun en ce jeu, en cet instant, convoitait le plus.

Peut-être le savait-il vraiment, après tout.

Arrivant à la fin de la liste des récompenses, je me figeais, les yeux écarquillés. Le serveur faisait miroiter tout cela pour tous nous inciter à y prendre part. C'était la preuve même que c'était un piège tordu et cruel. Pourtant... Je refusais de fermer les yeux sur ce que je venais de découvrir, à la fin de la liste.

Lorsque je parvins enfin à m'en détacher, je me tournais vers Shaïn avec une sensation floue de brouillard, comme si je n'étais pas tout à fait maître de moi-même. Néanmoins, je l'étais. Et mon meilleur ami fronçait les sourcils. J'étais certain qu'il avait déjà compris :

— Non. Non. Lyall, non et non. Tu n'y pense pas !

Je secouais la tête pour tenter d'échapper à mon hypnotisation :

Skyline EmrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant