51 - Disparitions

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Nous avions tous été assignés auprès des nouvelles guildes de l'Alliance qui avaient manifesté le besoin d'être un peu chapotées et encouragées pour passer au niveau supérieur. Chacune de ces guildes était plus grande que la nôtre mais aucune n'avait dépassé Muspelheim ou Jötunheim, comme l'avait prédit Shaïn. Il fallait donc leur faire suivre un entrainement intensif pour qu'elles passent ensuite Vanaheim et atteignent Svartalheim.

Quant à moi, l'Alliance m'avait réservé une surprise dont Shaïn ne m'avait tenu informé qu'au dernier moment : ils avaient l'intention de former des forgerons de ma « trempe » pour reprendre les morts d'Odin II. C'est-à-dire qu'ils m'avaient refourgué des apprentis, un de chaque nouvelle guilde, pour qu'ils puissent apprendre de mes méthodes et devenir d'excellents forgerons – car l'Alliance ne recherchait rien de moins que l'excellence. En effet, les forgerons de l'Alliance n'étaient plus capables de suivre la cadence avec autant de membres à présent, et nous ne pouvions pas réitérer la prouesse de Malka. Chaque guilde devait elle-même compter sur un excellent forgeron pour alléger notre travail. Ainsi, je battais la campagne en compagnie de Guilan, avec notre « couvée de canetons » comme il les appelait, et nous passions le reste du temps à leur enseigner des astuces et à les encourager à progresser.


28 Mars 2054
Un an et deux mois plus tard

Plus d'un an après la décision de l'Alliance de recruter plus de membres et de les former pour qu'ils puissent aider à la progression du jeu, nous y étions presque. J'avais gagné en niveaux de quoi aborder Svartalfheim sans trop d'appréhensions, mais les autres aussi avaient considérablement progressé. J'avais atteint le rang de Forgeron Légendaire, tout comme Guilan, et nous étions assez fiers de nos protégés approchant du niveau de Forgeron Mystique. Les Fils de la Lumière venaient de compléter le donjon de Svartalfheim et nous avions réussi le pari fou de l'Alliance : former suffisamment de joueurs pour aller sur Helheim et botter le cul de tout ce qui entravait notre progression vers les deux mondes restant. Nous n'y étions pas encore tout à fait, mais nous y étions presque. Presque.

Cela faisait quatre ans à présent que nous étions coincés dans Skyline Emrys et, en ce qui me concernait, la réalité que j'avais laissée derrière moi avait fané comme un souvenir s'efface dans les méandres du temps. Elle était devenue pâle, fade, intangible. Elle ne représentait plus rien. Les noms et les images commençaient à m'échapper, et ce n'étaient d'ailleurs pas les seuls...

Sentant quelque chose d'étrange, je portais ma main à mon nez. Comme très longtemps auparavant, je constatais que je saignais alors que je n'aurais pas dû. Le sang n'existait pas dans cet environnement. C'était pourtant la deuxième fois de la semaine que cela se produisait.

Shaïn et Iriko me dévisagèrent avec inquiétude. Nous étions partis chasser ensemble une dernière fois avant de passer à Helheim, ce monde que nous redoutions tant. Je m'essuyais rapidement le nez. J'avais de plus en plus de mal à leur cacher mon état de santé qui s'aggravait d'année en année de façon significative. Mais si j'étais le cas le plus alarmant dans notre entourage, eux non plus n'allaient pas bien. Personne n'allait bien.

— On y retourne ? lançais-je, l'air de rien.

Personne n'avait encore trouvé la Porte, et si nous nous demandions à présent à quoi cela servait de la chercher, nous espérions encore pouvoir la trouver.

Je m'attendais à ce que Shaïn me fasse une remarque, mais cette fois-ci elle vint d'Iriko lui-même, à notre plus grande surprise :

— Non, ce sera tout pour aujourd'hui. Nous rentrons à Argoat nous reposer.

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