69 - Dissidences

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Nous étions tellement hors de toute réalité que, lorsque trois Ases nous débusquèrent et furent éradiquées dans la foulée, personne ne réagit. C'est à peine si je m'y intéressai. Jusqu'à ce qu'apparaissent Atlantis, Odin II, Lya, Torkill, Kai et Zelpher, ainsi que, je le devinais, bon nombre de membres de l'Alliance.

Sans remarquer notre abattement et notre douleur pourtant évidente, Atlantis marcha droit sur Ilya, lui parlant sans détour avec une détermination qui devait à elle seule excuser son manque de tact et de jugeote :

— Nous avons besoin de toi, Ilya. Nous avons besoin de la Valkyrie pour entrer dans le Valhalla.

Sans trop comprendre ce que l'on attendait d'elle, sinon qu'il fallait qu'elle suive Atlantis, sans un mot et sans vouloir réfléchir à quoi que ce soit, Ilya se leva et se laissa guider. Sans réfléchir, je lui emboitai immédiatement le pas et notre guilde avec nous. C'était plus simple pour le moment, dans notre douleur, de se laisser porter par les autres, de s'en remettre à eux le temps que nous soyons capables de nous reprendre en main.

Absorbés et concentrés sur quelque chose de visiblement très important et qui nous dépassait de loin, nous et notre peine, les maîtres de guilde venus nous chercher parlaient sans cesse de Valhalla, de stratégies et de portes, toujours aveugles à notre douleur, sans voir que nous étions anéantis et que nous ne réagissions pas, s'obstinant dans un mutisme profond.

Je ne regardais même pas où je mettais les pieds, je suivais bêtement le mouvement, les yeux fixés sur le dos de celui où celle qui me précédait. Il y avait tellement de monde autour de nous que nous n'avions pas à nous préoccuper de ceux qui nous attaquaient. Je ne compris donc qu'au dernier moment où nous allions, au moment où nous arrivâmes à destination. Lorsque nous fûmes arrivés au pont suspendu qui menait tout droit à une montagne flottant dans le vide, le Valhalla accroché à ses pieds.

Soudain, je me figeai et attrapai Ilya par la main pour la retenir et l'empêcher d'aller plus loin, tentant de chasser la brume qui engourdissait encore ma conscience. Si nous n'avions pas perdu Azril juste avant, je l'aurais su. Je l'aurais compris. J'aurais compris depuis longtemps où l'Alliance voulait emmener la personne à laquelle je tenais le plus pour la sacrifier.

— Ilya..., la suppliai-je pitoyablement d'une voix que je ne reconnus même pas.

Mon intervention sembla la tirer de sa propre torpeur et, un à un, les membres de notre guilde s'arrêtèrent autour de nous, détaillant enfin les alentours, nageant en pleine confusion. Mais la vérité se fit pour eux aussi et, à leur tour, ils fixèrent la montagne et le palais d'Odin avec angoisse et terreur.

Ceux qui nous accompagnaient s'arrêtèrent à leur tour et Atlantis revint vers nous en constatant que nous ne suivions plus, surprise :

— Qu'y a-t-il ?

Odin II fronça les sourcils, remarquant enfin que quelque chose n'allait pas chez nous, que nous n'étions pas dans notre état normal.

— Ce qu'il y a ? répétai-je, perplexe qu'elle ne comprenne pas. Vous nous conduisez chez Odin !

— Oui, évidemment. Nous y allons pour lui faire la peau.

Plusieurs pensées se bousculèrent dans ma tête, trop vite pour que ma bouche ne formule les mots de façon cohérente et intelligible.

— Ce n'était pas prévu, articula Shaïn à ma place avec une grimace entre la peur et la colère sur le visage.

Lya, la maîtresse de la guilde des Dieux du Chaos, mit les poings sur les hanches, mécontente, et le regarda avec dédain.

Skyline EmrysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant