Skyline Emrys

59 - Conséquences

8 Juin 2054
Le même jour

Loki était tombé, le donjon libéré, et les voyages jusqu'à Alfheim étaient dorénavant possibles. Naglafar était partiellement détruite et ne serait pas reconstruite ; la statue resterait en travers de la cité, telle une plaie béante comme sa muraille, comme pour rappeler les évènements meurtriers qui avaient menés à sa chute.

Après l'attaque, tous les joueurs avaient déserté Helheim pour panser leurs blessures et leur âme anéantie par les pertes en vies humaines. Et comme je l'avais prédis, Atlantis et l'Alliance nous étaient aussitôt tombés dessus à grands renforts d'exclamations courroucées, de murmures incrédules et de regards assassins. A présent, nous étions à Niflheim, marchant dans les couloirs de la citadelle de glace des Dragons du Ciel, convoqués à une réunion extraordinaire, exceptionnelle et urgente, sur le point d'être jugés sévèrement pour avoir tenu secret un don qui – Ilya venait de le prouver – pouvait faire toute la différence.

Notre Valkyrie, qui avait retiré son haume, était nerveuse, mais Shaïn paraissait tout à fait détendu et à son aise. Tous les Fils de la Lumière étaient convoqués et, visiblement, Atlantis était en colère – non, furieuse. Cela me rassurait un peu d'avoir Shaïn avec nous. Il représentait notre guilde au sein de l'Alliance, et pour cette raison il avait l'habitude de traiter avec ces chefs qui nous inondaient à présent de leur méfiance et de leur colère. J'avais l'impression de me rendre au tribunal.

En entrant dans la grande salle où se réunissaient les chefs de l'Alliance pour tenir régulièrement conseil, mon impression d'être sur le point d'être sévèrement jugé – coupable, assurément – se renforça. Ilya redressa fièrement le menton malgré tout, prête à encaisser de front le châtiment que ces gens au-dessus de tout lui réservaient.

— Shaïn, qu'est-ce que c'est que ça ? siffla Atlantis d'un ton acerbe, sans même nous saluer ou nous féliciter pour cette victoire inespérée.

Elle tapa du poing sur la table en marbre blanc, légèrement penchée en avant. Ce faisant, sa queue de cheval retenant ses longs cheveux couleur de neige sauta par-dessus son épaule et lui gifla le visage. Dans ce visage crispé de colère malgré notre victoire inespérée, je ne voyais que ces yeux de glace impassibles.

— Tu peux nous expliquer ce qui se passe ? poursuivit-elle à l'adresse de mon meilleur ami.

Tous les chefs de guilde étaient debout devant leur siège en marbre blanc à haut dossier ouvragé, nous fixant avec perplexité et méfiance, nous jugeant déjà sans connaître la triste histoire que cachait le statut de la Valkyrie – ni les dangers inhérents à ce don incertain. Personne ne pouvait comprendre ce qui venait de se passer à Naglafar. C'est à peine si nous comprenions nous-même.

Notre maître de guilde, habitué à la froideur d'Atlantis et à ses humeurs changeantes, à son franc parlé et son manque de délicatesse par moment, ne se laissa pas impressionner. Il se dirigea tranquillement vers le siège qu'il occupait en temps normal pendant le conseil, avec le blason de notre guilde incrusté dans le haut dossier. Prenant tout son temps, il s'assit tranquillement, avec une lenteur exagérée même, et l'esquisse d'un sourire provocateur sur les lèvres. Il poussa même la provocation jusqu'à croiser les pieds sur la table, sous le regard effaré de toute la salle.

— Baisse d'un ton, Atlantis. Nous avons gagné et sauvé des dizaines de vies, très certainement. Peut-être même plus d'une centaine. Sans Ilya, il y a fort à parier que nous serions tous morts à l'heure qu'il est. Ou prisonniers d'Helheim pour toujours.

Ces mots m'inspirèrent une grande fierté malgré la situation, et j'en tirai une profonde satisfaction personnelle. Nous étions la plus petite guilde de l'Alliance, et les autres membres avaient parfois tendance à nous prendre de haut. Il était bon de leur prouver que, par moment, nous aussi nous pouvions faire la différence et nous rendre indispensables.