8 Juin 2054
Deux mois aprèsJ'achevais la dernière pièce d'armure qu'il me manquait pour être paré au mieux pour Helheim : de l'essence spectrale solidifiée.
Je n'aimais pas Helheim. Je le haïssais. Comme tout le monde. C'était une vérité unanime. Car Helheim était un monde sombre éclairé d'une lumière sanglante et saupoudré d'une pluie de cendres récurrente qui formait un tapis au sol, absorbant tous les bruits alentours. Helheim c'était le silence, l'absence, la perte. C'était le chagrin et le désespoir. C'était aussi un monde déroutant et sordide car nous devions nous battre contre des mobs qui avaient l'apparence et la voix de nos compagnons. Certains étaient forts, d'autres beaucoup moins, ce qui rendait la chasse à l'XP très aléatoire et difficile.
De plus, nous n'avions pas la moindre idée de ce que renfermait le donjon de ce monde. Personne n'était encore assez fort pour s'y aventurer quand Valhalla avait lancé son évènement sordide avec les statues, trois ans auparavant. Depuis, le donjon était fermé, et la statue de Loki plantée au cœur d'Helheim et aux abords de sa plus grande cité, projetait son ombre maléfique jusque dans le cœur des joueurs.
Mais l'attente et l'angoisse allaient prendre fin. L'Alliance avait formé suffisamment de joueurs de haut niveau pour prendre d'assaut la statue, se rendre dans le donjon et en ressortir victorieuse pour enfin atteindre Alfheim, le monde ou aucun joueur n'avait encore jamais mis les pieds. Plus que jamais, il le fallait. Plus que jamais notre temps était compté. Le mien, en particulier, me faisant craindre le pire. J'avais toujours eu un corps fragile.
Cet après-midi, nous marcherions ensemble sur la statue de Loki, dressée à l'entrée de Naglafar, la capitale d'Helheim. Cette cité était protégée par des murailles tellement hautes et épaisses que même un titan géant semblait incapable de pouvoir les détruire. Malgré cela, même si la ville était censée être une zone sûre, elle subissait de plein fouet l'aura malfaisante de la statue. De fait, personne n'habitait Helheim. C'était sordide et de très mauvais goût. Habiter dans un cimetière, en comparaison, aurait eu plus de charme.
D'ici une semaine, l'Alliance entrerait dans le donjon pour vaincre Hel la Cachée. Et plus que jamais j'avais besoin de tenir quelqu'un pour responsable de tous nos malheurs. Quelqu'un ou quelque chose sur qui ou sur lequel je pourrais déverser le poison brûlant de ma colère.
— Tu as fini ? demanda Ilya, me tirant de mes pensées.
Je levais la tête vers elle. Comme a son habitude, elle avait installé sa table de couture dans ma forge pour être à mes côtés, ce qui n'était pas pour me déplaire.
J'opinais :
— Et toi ?
Elle se leva et me tendit une cape noire comme une nuit sans lune.
— Voilà, je crois que tu es prêt, maintenant.
Depuis que nous avions découvert Helheim nous avions dû changer de tactique face à l'intelligence exceptionnelle des avatars. Toutes les pièces de métal – armes et armures – avaient été remplacées par de l'essence spectrale solidifiée ; et tous nos vêtements et tissus avaient été remplacés par de nouvelles confections particulières et noires. Cela nous aidait à nous fondre dans le décor et évitait d'attirer l'attention sur nous. Effectivement, le nombre d'embuscades avait nettement chuté depuis ces quelques changements.
J'enfilais ma nouvelle tenue, renouvelée au complet, et hochais la tête avec satisfaction.
— Oui, fin prêt.
Je n'aimais pas voir Ilya en noir, cela ne lui allait vraiment pas. Mais dans le cas présent, c'était une question de vie ou de mort.
Si elle donnait l'impression d'aller à un enterrement dans cet accoutrement et qu'Iriko avait une classe exponentielle avec ses nouveaux vêtements, j'étais convaincu qu'Aramise aurait ressemblé à un ninja, elle. Sa gaieté et sa joie de vivre me manquaient terriblement à moi, le plus taciturne et le plus blasé de la vie de notre guilde. Car c'était effectivement l'entrain des autres qui me permettait d'aller encore de l'avant tous les jours.
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Skyline Emrys
Science Fiction"- Combien de temps crois-tu que nous ayons encore à vivre ? demandai-je. Je le voyais dans ses yeux, elle s'était déjà posé la question. - Je l'ignore, Lyall. Peut-être une semaine, un mois, un an... Je sais juste que nous touchons à la fin. La fin...