LES SEPT BULLES (partie 7)

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Dans la sixième bulle, le soleil crève la grisaille et me perce les pupilles.

Dans la sixième bulle, je suis assise sur une plage ensoleillée qui s'étend à perte de vue, de chaque côté, face à une mer turquoise et limpide, au remous apaisant. Allongé à l'ombre d'un palmier, pas très loin de moi, le magicien déguisé en petite fille (mais je le reconnais !) rit en regardant les nuages, et m'en montre un qui te ressemble. Il a l'air naïf et serein, mais dans le fond il sait bien que je ne lui fais pas confiance. Comme je me lève et marche vers lui, il me dit qu'il va me donner encore une chance de te retrouver, si je suis assez vive pour la saisir.

Et le magicien déguisé en petite fille ouvre la bouche, et brusquement souffle des bulles par centaines. Elles dansent et virevoltent au-dessus de la plage, planent au ras du sable, vont se perdre dans les vagues molles de la marée montante, cristallines, légères, entraînantes. Tout en continuant à souffler des bulles aussi régulièrement qu'une cheminée, le magicien me dit que dans l'une d'elles tu es enfermé. Il me dit que si je trouve cette bulle et la saisis avant qu'elle n'éclate, je te retrouverai et tu seras à moi pour toujours.

Et dans la sixième bulle je cours sur le sable chaud, mes pieds s'enfoncent et je tombe plus d'une fois, mais toujours je me relève, car tu es là quelque part, et il suffirait de quelques pas. Déjà essoufflée, je poursuis les bulles qui s'évadent de mes mains, je les poursuis mais il y en a trop, et dans certaines remuent de petites silhouettes qui te ressemblent, mais ce n'est jamais toi. Je tombe encore et la marée montante vient baigner mes chevilles, je suis fatiguée mais je me relève encore, car je sais que quelque part sur cette plage flotte la bulle qui te contient, qui nous contient, et qui risque d'éclater à tout moment. Dans les airs, au-dessus de moi, des milliers de soleils ténus se reflètent à la surface des bulles qui me tentent et m'aveuglent. Par milliers maintenant, elles éclatent, s'évaporent sur la toile d'azur qu'on dirait peinte sur carton-pâte, et le vent léger que souffle le magicien fait dériver les dernières vers la mer qui monte encore.

Je me jette dans les vagues à la poursuite des quelques bulles qu'il me reste, mais le courant est fort et me freine, et elles continuent d'éclater, l'une après l'autre. Epuisée, furieuse, je crie et je m'avance encore dans l'eau sourde, tandis que derrière moi le magicien rit toujours, et que devant moi les dernières bulles disparaissent une à une. Bientôt il n'en reste plus que deux ou trois, et je nage vers elle de toutes mes forces, car je n'ai plus pied, mais je n'arrive pas à les rattraper. Les vagues, soudain plus fortes, me jettent de l'eau salée dans le nez et dans la gorge. Le courant m'entraîne vers le large. Je sais que je vais me noyer, et je pleure, et je regrette de t'avoir tué. Loin derrière moi, à l'ombre d'un palmier, le magicien déguisé en petite fille rit et dit que ce n'est pas grave, qu'il nous reste encore une bulle. Et tandis que je disparais sous les flots, il bâille et dessine des ronds idiots dans le sable.

Puis il ouvre la bouche en silence et, lentement, souffle la septième bulle.

Petits Démons et Fantômes FamiliersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant