Chapitre 13

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Sa réponse fut immédiate. Il lâcha un joli juron, en retirant son pauvre petit doigt meurtri qui avait été marqué par mes canines.

–Je n'aime pas quand on me donne à manger, Esteban, répliquais-je.

– Je vais dire à tes parents que leur très chère princesse est une enfant désinvolte et indisciplinée, pesta-t-il pendant que j'haussais mes épaules.

– Depuis mes quatre ans ils le savent, donc bon, continuais-je en faisant une grimace.

Une soupe au potiron. Brrr...

– Mes très chers parents auraient-ils laissé au babysitteur de l'année une feuille indiquant mes goûts et mes dégoûts culinaires ? Repris-je en grimaçant encore.

– Non. Je connais juste tes goûts depuis déjà un long moment, répondit-il l'air nonchalant.

Il l'a donc fait exprès, c'est certain ; le fourbe.

Je ne relevais pas le sens plutôt étrange de cette phrase, et secouais directement la tête.

– Ma langue me pique ! Je déteste cela et je suis sûre que tu l'as fait exprès ! M'exclamais-je aussitôt, alors que monsieur laissait soudainement éclater un magnifique rire.

– Les potirons sont pourtant très bons pour la santé...

– Pas pour moi ! Moi je veux manger de la bonne viande avec des pommes de terres ! Répliquais-je telle une enfant capricieuse.

– Mais quelle petite fille capricieuse avons-nous à faire, dites-moi, ajouta Esteban, en me tendant encore cette cuillère.

– Je vais dans la cuisine, au revoir, rétorquais-je, en me levant par la suite.

Je commençais à me diriger vers la porte, quand je fus soudainement attrapée par la taille, que je me sentis voler, puis reposais à terre. La porte en bois claqua pour la troisième fois, avant que je n'entende un bruit de clé.

Il m'avait enfermé comme à son habitude, on dirait.

Je ne répliquais rien, ne criais même pas ; je me décidais simplement de déplacer le plateau. Mais... Effectivement, avec deux poignets il était assez difficile de ne rien renverser. Et donc par pure inadvertance tout tomba à terre, tandis que je soupirais, assez dépitée. L'assiette s'était légèrement fissurée et le liquide orange s'était renversé.

– Les enfants ne doivent pas jouer avec les bouts de verres, ah non non non, Ruby... Le babysitteur s'en occupera donc, me murmurais-je, un sourire en coin.

J'évitais soigneusement toute ma bêtise, puis me rallongeais sur le lit, le ventre gargouillant. Je commençais à fermer les yeux, quand la porte s'ouvrît de nouveau. Cette douce odeur masculine se propagea soudainement dans l'air, tandis que je sentais également une nouvelle odeur.

– Tu m'as ramené du bœuf et du riz ! Oh que je t'aime toi ! Cria mon impulsivité, avant que je ne me relève d'un mouvement.

Le rire d'Esteban embauma la pièce et déjà je tendais les bras, comme une enfant réclamant ceux de sa mère. J'étais évidement à la recherche de la nourriture qui saurait calmer mon ventre. Voyant bien que j'étais à deux doigts de commettre un meurtre dû à ma faim, Esteban s'empressa de déposer le nouveau plateau sur le lit.

Enfin, il s'apercevait aussi du carnage que j'avais commis tantôt. Oups.

– C'est le chien. Il a tout renversé, me dépêchais-je d'avouer, avant de m'avancer pour attraper le succulent platea...

Esteban reprit d'un mouvement fluide le plateau, puis le leva dans les airs.

– Dis-moi Ruby, où se trouve donc le chien? " Me demanda-t-il, alors que je levais les yeux au ciel.

–Sous le lit. Peux-tu me donner le plateau maintenant ? J'ai faim.

Esteban poussa un soupir, puis reposa le plateau sur le lit. Il fit ensuite le contour, puis vint se placer à côté de moi. Je le regardais faire, suspicieuse, avant de constater qu'il découpait la viande. Il planta la fourchette dedans, puis comme si tout était normal, me la porta à mes lèvres.

– Je vois que tu es une enfant assez perturbée. Il faut donc te canaliser. Tiens, mange, comme ça tu ne risqueras pas d'embrocher quelqu'un, dit-t-il, en appuyant le morceau de viande contre ma bouche.

Je lui lançais un regard noir, car effectivement, je ne pouvais pas ouvrir la bouche pour l'instant. Esteban commença à m'offrir l'un de ses sourires en coin, alors que je luttais contre mon impulsivité pour ne pas le frapper. Finalement, après un duel de regards très acharné, mes lèvres s'ouvraient tout doucement.

Monsieur s'empressa de me faire glisser le morceau de viande dans ma bouche, que je m'empressais de mâcher et d'avaler. Son sourire vint illuminer davantage son visage, avant qu'il ne recoupe un autre morceau de viande. Je soufflais, puis encore une fois, me laissais faire...

**

PDV Esteban

– Tu vas dormir ailleurs, je ne vais pas me le répéter, continua encore mon petit diable, tandis que je retirais un à un les boutons de ma chemise.

– Il faut que je te surveille. Comme je te l'ai dit, tu es une enfant turbulente et je me dois donc de rester avec toi pour que tu ne puisses faire de nouvelles bêtises.

Soudainement Ruby arrêta de parlementer, et je me retournais aussitôt pour admirer ses deux joues rosies et sa bouche grande ouverte.

Très mignonne...

Je cachais mon sourire, puis retirais le reste de mes habits. Enfin. Pas tout non plus. Ne commençons pas à l'effrayer.

J'enfilais un nouveau bas de pyjama, puis la rejoignais directement dans le lit. Je me glissais sous les draps, puis laissais intentionnellement frôler mon bras contre le sien. Ruby ne disait toujours rien, alors je décidais donc de poser une main sur sa cuisse.

Elle se recula brusquement, en me donnant un coup de pied. Évidement avec ses deux poignets, il était difficile de tenter quoique soit avec l'un de ses bras.

Je me rapprochais de nouveau de Ruby, puis attrapais lentement ses deux mains dans les miennes. Elle arrêta tous ses gestes, puis fixa nos mains liées. Je glissais délicatement mon pouce sur un de ses bandages.

– Si cela te fait encore mal demain, j'appellerai le médecin, marmonnais-je, encore inquiet et coupable.

– Arrête de t'inquiéter... souffla-t-elle d'une voix plus douce.

–Les cicatrices restent. Elles te rappellent chaque jour ce que tu as vécu, murmurais-je en effleurant doucement son deuxième bandage avec mon pouce.

– Et elles te rappellent aussi chaque jour que tu as survécu, continua-t-elle, alors que je me retournais.

Nos regards s'accrochaient en une fraction de secondes et je pouvais lire dans ses yeux une incroyable sincérité. Quelques secondes plus tard Ruby détacha lentement ses mains des miennes. Elle m'accorda un dernier regard, ses yeux brillants, puis elle se retourna pour être dos à moi.

– Bonne nuit Estaban, fut sa dernière parole avant que les lumières ne s'éteignent.

Je ne répliquais rien, mais mon regard ne voulait toujours pas la quitter. Elle me l'avait autorisé.

J'avais le droit. Le droit de rester dormir avec elle, pour ce soir...

Princesse Ruby Où les histoires vivent. Découvrez maintenant