A Songdo, en Corée, une ville «techno» au cordeau

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Construite en moins de dix ans, cette cité nouvelle ultra-connectée des environs de Séoul est présentée comme un modèle de développement durable. Mais cette réputation et son succès économique ne suffisent pas pour attirer des habitants.


Il est rare qu'un colloque se déroule sur le lieu dont on parle. Mais pour sa huitième édition, le New Cities Summit, en français le sommet des nouvelles villes, se déroule à Songdo, cité coréenne créée il y a moins de dix ans et qui cumule, précisément, toutes les nouveautés. New Songdo est souvent citée comme un modèle de «smart City» ultraconnectée. Il paraissait probable que le New Cities, qui regroupe parmi les membres de son club fondateur des firmes comme Cisco, Google ou Ericsson, y poserait un jour ses pénates.

A une heure de Séoul, New Songdo est un drôle d'endroit. Le carré de terre qu'elle occupe, au sens géométrique du terme, a été gagné sur la mer, comme un polder. Ce n'était pas le moyen le plus facile, ni le plus économique, pour créer une ville à partir de zéro. Mais ce fut le choix des deux compagnies privées porteuses du projet, le constructeur coréen Posco et le promoteur américain Gale. Il n'y avait pas tant de possibilités que cela pour se placer au plus près de l'aéroport. Dès le début, le projet est pensé pour devenir un hub économique international. La publicité faite autour des connexions tous azimuts qui la gèrent, pour la mobilité, le trafic, les transports ou les déchets, lui donne une première notoriété. Comme écrit la consultante Chloé Laganier dans un article pour la revue Territoires & Projets, c'est le «parfait laboratoire big data», connecté par Cisco de la cave au grenier, en très haut débit, avec à la clé le contrôle de tout.


Parc d'attraction

Mais cette création pharaonique truffée de capteurs et un rien «Big Brother» n'est pas que cela. Dès les premiers plans, l'espace public est pensé, hiérarchisé et fignolé. Le cœur de la ville s'organise autour d'un canal et d'un parc. La promenade y est fort agréable, même si l'on n'est pas dupe du côté rivière enchantée de parc d'attraction. Le mariage de ces jardins manucurés et fleuris à l'extrême avec la collection d'immeubles géants qui composent Songdo fonctionne plutôt bien alors que l'architecture des buildings, elle, est parfois un peu trop dans le goût promoteur- investisseur dans les pays du Golfe. Songdo est joli et bien propre.


Dans son introduction au programme du New Cities Summit, John Rossant, fondateur et patron de la manifestation, écrit que Songdo est un «exemple de classe mondiale de ville durable fondée sur les principes de santé et de bien être». Elle cumule nombre de bâtiments collectionnant les certifications environnementales et «emploie des technologies pointues pour surveiller la sécurité et la qualité environnementale des lieux».


Campus et ONU

Les premiers chantiers de la forêt de tours que l'on voit sur place datent de 2003. C'est peu pour créer un récit mais New Songdo a réussi à en raconter un autour de la vie quotidienne au temps des nouvelles technologies. Sauf que la vraie histoire, évidemment, n'est pas seulement celle-là. Géographiquement, la jeune cité n'est pas isolée sur son carré artificiel. Elle fait partie de la zone portuaire d'Incheon dont en 2003, l'Etat coréen a fait sa première zone franche internationale, l'Ifez (Incheon Free Economic Zone). Ce sérieux coup de pouce a incité les entreprises à venir s'y installer, notamment dans les biotechnologies. L'Etat a également implanté là quatre campus universitaires et obtenu des Nations unies qu'elles y installent le siège du Green Climate Fund. Même en Corée du Sud, le privé ne peut pas tout.


Reste la question clé : New Songdo a-t-elle réussi à mettre des habitants dans ses murs ? Les brochures de l'Ifez trompettent que la ville serait devenue la «Global Business Frontier» et aurait maintenant 258 477 habitants dont 4 579 étrangers. L'agglomération de Séoul en compte environ 18 millions. En arpentant Songdo, on n'a pas cette impression de «ville fantôme» que les journalistes décrivaient dans les premières années. Mais on ne croise pas grand-monde.


Source : Libération - Sibylle Vincendon

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