La vie dans un nuage toxique en Corée du sud

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Toux, nez qui coulent, larmes : le cabinet du Dr. Hun, pédiatre à Séoul, déborde de petits patients, comme à chaque pic de pollution. Dehors, les gratte-ciel de la capitale s'effacent dans la brume toxique. Du soleil, mais pas de ciel bleu : l'horizon est grisâtre, lourd. « La densité des particules fines en Corée s'est beaucoup accrue ces trois ou quatre dernières années et le nombre d'enfants et de personnes âgées souffrant de problèmes respiratoires aussi », explique le pédiatre.

Ces particules – produites par l'industrie, les diesels et les centrales au charbon –, pénètrent facilement dans l'appareil respiratoire puis le système sanguin. Elles provoquent cancers, asthmes, bronchites, baisse du poids des bébés à la naissance. « Elles transportent de nombreux métaux, et augmentent le risque d'accidents vasculaires cérébraux et cardiaques », ajoute le médecin.

Cette pollution bat des records ce printemps. « Le niveau de particules fines a dépassé 30 fois le seuil d'alerte (81-150 µg/m3) dans 17 villes le mois dernier », s'alarme le Korea Times. Les agglomérations coréennes figurent désormais régulièrement en tête des villes asiatiques les plus toxiques, aux côtés de Pékin ou de New Delhi.


Un purificateur d'air dans chaque pièce

À Séoul, la vie quotidienne s'est transformée. « Chaque matin, dès mon réveil, je vérifie le niveau de pollution, pour décider si je peux envoyer mes enfants à la crèche ou pas », raconte Lee Ji-yeon. Cette mère de deux garçons a installé un purificateur d'air dans chaque pièce de son appartement. En mars, elle en a même offert un à la crèche de ses fils : « comme ça, ils peuvent y aller plus souvent. Mais je m'inquiète pour plus tard : à l'école primaire, les instituteurs ne sont pas conscients du problème, ils font du sport même les jours de forte pollution. »

Les ventes de purificateurs d'air s'envolent, tandis que les « kids'cafés » – des salles de jeu en intérieur pour enfants – se multiplient. Sous la pression des parents, les écoles annulent compétitions sportives et sorties. Lee Ji-yeon laisse rarement ses fils sortir sans masque de protection : « mon aîné souffre d'otites depuis sa naissance, quasiment ». Elle rêve aujourd'hui de s'expatrier en Europe mais ne peut pas, à cause du travail de son mari. « Je vis dans un quartier aisé et beaucoup de gens autour de moi parlent d'émigrer. »


« J'ai l'impression de vivre dans une mine »

Avec d'autres compatriotes en colère, Lee Ji-yeon a décidé d'attaquer en justice son gouvernement... ainsi que celui du voisin chinois. « La Chine est la cheminée du monde. Une grande partie de notre pollution vient de là, même si nous manquons de données précises », explique Choi Yul, directeur de l'ONG écologiste Korea Green Foundation, à l'origine de cette initiative judiciaire originale. « Chaque fois que le vent souffle depuis la Chine, souvent au printemps, la pollution empire. J'ai l'impression de vivre dans une mine de charbon... »

Selon une récente étude de l'OCDE, cette pollution causera la mort prématurée de 9 millions de personnes dans le monde d'ici à 2060... et la Corée du Sud sera le pays développé le plus touché. Choi Yul accuse « l'irresponsabilité » du voisin chinois, mais il ne croit pas non plus aux chiffres de son gouvernement qui assure que 80 % de la pollution est d'origine chinoise. Selon diverses estimations, la Corée du Sud produit à domicile au moins la moitié de ses particules fines.


« Nous voulons que les gouvernements reconnaissent le problème »

Ce qui n'empêche pas Séoul de vouloir construire au moins 20 nouvelles centrales au charbon d'ici à 2021. 40 % du mix énergétique coréen provient des énergies fossiles ; la part du nucléaire a reculé de 40 à 30 % en une décennie, sur fond d'inquiétudes provoquées par l'explosion de la centrale de Fukushima, chez le Japon voisin. La part du renouvelable reste en dessous de 5 %.

Choi Yul accuse donc son gouvernement de ne pas faire assez d'efforts – par exemple en continuant d'encourager l'usage du diesel. « Notre objectif, ce n'est pas vraiment d'obtenir un dédommagement financier. Mais nous voulons que les gouvernements chinois et coréens reconnaissent le problème et coopèrent pour le résoudre. »


La pollution urbaine augmente dans le monde

– Le niveau de particules fines en milieu urbain a progressé de 8 % au cours des cinq dernières années, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

– Si la situation est plus ou moins sous contrôle dans les pays riches, la pollution de l'air s'aggrave dans les pays en développement.

– Les villes les plus polluées sont au Pakistan (Peshawar et Rawalpindi) et au Nigeria (Kaduna et Onitsha), avec des niveaux dépassant 500 microgrammes par mètre cube (µg/m3). Il est de 28 µg/m3 à Paris...

– Le Canada est le pays avec la meilleure qualité de l'air, avec la Finlande, l'Estonie, l'Islande, l'Australie, l'Irlande et la Nouvelle-Zélande.


Source : la-croix.com

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