Photo : Devant les locaux de Samsung à Séoul, en juillet dernier. Depuis la crise financière asiatique de 1997, l'entreprise fait appel en masse à la sous-traitance et à l'intérim. / Ahn Young-joon/AP
Les métamorphoses du travail. Semaine 2/3. Quand les travailleurs changent de visage. Pendant trois semaines, « La Croix » explore les évolutions en cours dans le monde du travail. Cette semaine, enquête sur les tendances qui modifient en profondeur la population active.
En France, le nombre de travailleurs précaires est en hausse et les CDD sont de plus en plus courts. Zoom sur la Corée du Sud, où le plan « zéro précaire » n'a pas enrayé le taux de 33 % de salariés précaires, intérimaires ou en CDD dits « irréguliers ».
« Je vais sécher les larmes des travailleurs précaires », promettait en mai 2017, au lendemain de son élection, le président Moon Jae-in aux intérimaires de l'aéroport international d'Incheon. Dix mille travailleurs de l'aéroport se sont ainsi vus offrir un CDI, une mesure destinée à envoyer un signal fort aux autres entreprises publiques.
La Corée du Sud possède en effet une proportion de travailleurs dits « irréguliers » parmi les plus importantes des pays de l'OCDE. Les 6,61 millions de précaires – intérimaires ou CDD – représentent officiellement 33 % des salariés. Une hausse de 20 % en dix ans.
Ces précaires ont des salaires moyens beaucoup plus faibles (1 280 € mensuels, contre 2 345 € pour les CDI) et bénéficient de prestations sociales (retraite, assurance-maladie, congés) très réduites.
Un processus de précarisation à l'œuvre depuis vingt ans
C'est après la crise financière asiatique de 1997 que les conglomérats tels que Hyundai ou Samsung, importants pourvoyeurs d'emplois stables et à vie – et contributeurs cruciaux au « miracle économique coréen », – ont commencé à faire appel en masse à la sous-traitance et à l'intérim. Avantages : la main-d'œuvre irrégulière coûte moins cher, elle peut être licenciée facilement et elle est peu syndiquée. Les syndicats coréens, autrefois très puissants, ont ainsi perdu en influence au cours de ce processus de précarisation.
Beaucoup de travailleurs sont aussi indépendants par nécessité. L'auto-emploi (taxis, restaurants, livraison, petits magasins) est souvent la seule solution pour les non diplômés. Et l'absence de retraite oblige nombre de seniors à travailler jusqu'à un âge avancé.
Un plan « zéro précaire »
Mettre fin à ce marché de l'emploi à deux vitesses, source de fortes inégalités sociales, est l'une des priorités du gouvernement de centre gauche de Moon Jae-in. Dans le cadre de son plan « zéro précaire », le secteur public a été enjoint de régulariser tous ses CDD. Sans succès. Dix-huit mois après les promesses d'Incheon, le nombre de précaires a augmenté de 0,5 %. Tandis que la hausse brusque (+ 16 %) du salaire minimum légal s'est traduite par une chute des recrutements et une hausse de 0,3 % du nombre de chômeurs en un an.
Même si le taux de chômage reste bas (3,6 %), les signaux d'alerte – faillites de PME, croissance en berne – se multiplient et le gouvernement commence à faire machine arrière. Ainsi Jang Ha-sung, chef de cabinet de Moon Jae-in et principal architecte de son ambitieuse politique économique et sociale, a été limogé le 9 novembre.
Source : La Croix - Frédéric Ojardias, correspondant à Séoul
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La Corée du Sud
RandomPetit tour au pays du matin frais ! Si vous avez d'autres informations que moi que je n'ai pas noté, n'hésitez pas à les mettre en commentaire. PS : les chapitres seront plus ou moins longs selon le sujet.