CHAPITRE 11 : LE VISAGE DE L'ESPOIR.

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Il était quatorze heures lorsque l'inspecteur  quittait la demeure du facteur, le coeur rempli d’un espoir sans précédent,ayant à l'esprit les recommandations du jeune poète, attaché à sa façon unique de parler:

" Vous remplirez d'une eau chaude une baignoire. Vous verserez le liquide du flacon dans l'eau. Vous attendrez une soixantaine de secondes, ensuite vous demanderez à votre fille de plonger son corps entier dans la baignoire. Lorsqu'elle l'aura fait; tapotez trois fois l'arrière du papier sur lequel est écrit le poème. Les lettres se décolleront du papier, tomberont dans l'eau, et l'envahiront totalement. Conformément au sens du poème, la formule aura l'effet d'un poison salvateur. Votre fille sera peinée,  mais sachez bien qu’il s’agira d’une douleur qui précède un bonheur. Pas le genre de douleur inutile. "

Au volant de sa Hundai Sonata rouge, l'inspecteur n'avait d'yeux que pour l'accélérateur. Il devait rejoindre sa fille illico presto. Il imaginait déja Alliah marcher, courir avec son petit frère Marlone et avec les autres enfants de son âge, à l’école et dans le quartier. Son coeur frémissait à cette idée avec force. Il n’arrivait pas à croire que les jambes ankylosées de sa fille, connaîtraient une restauration complète.
“ Pourvu que ça marche, pensa t-il. Pourvu que ça fonctionne. “

Ses pensées revenaient également sur sa bagarre avec ces chiens, toute cette histoire avec le président, ce facteur... La vie avait décidément une façon inopinée de faire les choses. Si se faire mordre par des chiens était le prix à payer pour la guérison de sa fille, il l'aurait fait à maintes reprises. Et pourtant, il était là, en bonne santé. Ce facteur était une bénédiction complexe en fin de compte. Toute cette histoire diabolique avait son aspect positif sur lui et sa famille. 

À quelques kilomètres de chez lui, il répétait sans cesse, les vers du poème à un tel point qu'il n'avait plus besoin de l'avoir sous les yeux :

- Poison salvateur que tu refuses de boire. Laideur extrème sur le visage de l'espoir. Tente ta chance même si tu as peur du noir. Tes peines et tes douleurs te diront: Au revoir.

Il se gara enfin devant sa maison, empoigna à la hâte le flacon et le poème, et s’extirpa du véhicule. Il marchait prestement vers la porte principale, lorsqu'il remarqua la présence singulière de cette voisine qui vidait toujours des poubelles au moment où il était dans les parages.

Elle avait ses bras posés sur un bac à poubelle comme si il avait s’agit d’une balustrade. Son regard soupçonneux et pointu, qui avait probablement regardé depuis une soixante-dizaine d’années, traina tellement sur l'inspecteur que celui-çi en fut presque convaincu que la dame voulait lui dire quelque chose. Il se contenta de la négliger brièvement du regard et rentra chez lui.

Ce fut une chance que sa fille était seule au salon. La plus grande et haute pièce de la maison. Puisque l’étage supérieur n’était pas construit sur tout le haut du batiment, le living-room avait hérité d’un plafond très haut, mais la femme de l’inspecteur en avait profité pour orner les spacieux murs de plusieurs tableaux qui révélaient plutôt bien ses goûts excéllents en matière de décoration. La couleur des murs étaient d’une blancheur que Joanne ne voulait jamais pâle, et les fauteuils en cuir beiges se chargaient du confort, ensemble avec des fleurs multicolores sur les murs, les angles de la pièce, les tables et les tablettes.

La fille de l’inspecteur était assise par terre,  ses béquilles posées sur le sol à ses cotés. Elle suivait une chaine pour enfant à la télé, les pieds instables et pliés. Vêtue d’une robe noir, un pot de yaourt entre les mains, elle déclara “ Salut Papa “ jovialement en levant les yeux, puis les rivant aussitôt sur l’écran plat inscrusté dans le mur d’en face.

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