Août 3018 du Troisième Âge, Isengard, Terre du Milieu.
"J'ai ouï dire qu'un Hobbit possède l'Anneau Unique. Le monde est sur le point de se métamorphoser, et les royaumes elfiques et humains seront voués à la déchéance. Cependant, notre monde perdurera sous l'égide du Maître. Il ne nous manque qu'un détail : un objet, pour être plus précis. Je souhaite que vous partiez à la recherche de l'Anneau Unique et que vous me le rameniez."
La voix grave de Saroumane résonnait dans les oreilles d'Eilianiel alors qu'il lui exposait ses plans. Lui désirait qu'elle s'empare de l'Anneau, un artefact d'une puissance inimaginable, tandis qu'elle... elle se souciait peu de cet objet. Son seul souhait était de se venger. Son dessein était limpide : infliger des souffrances à celui qui avait causé la mort de ses parents, Thranduil, le grand Roi des Elfes. La douleur de cette perte, ancrée au plus profond de son être, la hantait nuit et jour. Elle aspirait à voir le cœur de ce souverain maudit se tordre sous le poids du deuil, à le voir périr lentement face à sa propre tristesse. Les machinations de ce traître de Saroumane lui importaient peu. Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, la lugubre voix du mage blanc la tira de sa rêverie :
"Êtes-vous d'accord, ma belle Ombre ? Je suis persuadé que vous saurez mener à bien cette mission.
- Oui, maître, répondit-elle d'une voix blanche. Vous avez bien choisi.
- Très bien. À présent que nous sommes d'accord, vous pouvez regagner vos appartements afin de préparer vos affaires. Vous partirez demain à l'aube, en compagnie de votre chère jument. Nul ne sait ce qui pourrait lui arriver en votre absence si vous la laissiez ici."
Prenant la bourse que Saroumane lui tendait, Eilianiel inclina poliment la tête et se détourna pour regagner sa chambre. Celle-ci se trouvait à l'opposé de celle du mage blanc, tout en bas de la tour. Elle emprunta donc le chemin de ses appartements, son esprit encore hanté par les paroles du maudit magicien.
Récupérer l'Anneau ... faire tomber les peuples libres ...
Elle avançait dans le couloir menant à sa chambre lorsqu'elle aperçut une silhouette difforme. Réalisant de qui il s'agissait, elle grimaça d'appréhension. C'était Goblock, un Uruk-Haï immense et cruel, dont la réputation d'inhumanité n'était plus à faire. Elle le détestait, et lui la méprisait tout autant ; au moins, ils s'accordaient sur ce point. Chaque fois qu'Eilianiel avait été envoyée en mission, elle avait tout fait pour le satisfaire et éviter sa colère. Elle connaissait trop bien l'influence qu'il exerçait sur ses semblables, un pouvoir fondé sur la peur et la brutalité. Son odeur lui parvint, lui soulevant le cœur tant il exhalait la crasse, le sang séché et la malfaisance. Pensant pouvoir le dépasser sans incident, elle fut néanmoins saisie par son regard acéré. Il l'attrapa par le cou et la plaqua contre un mur de la tour, bloquant son bras pour qu'elle ne puisse dégainer.
"Tu grimaces à ma vue, sale traînée ?
- Tu es ignoble, grinça Eilianiel.
- Fais attention à toi, personne ne veille sur ta chambre la nuit. Nous pourrions venir nous soulager l'entrejambe ... menaça-t-il, sa main énorme remontant contre la cuisse de l'elfe.
- Et prends garde à ta tête. Saroumane déteste les retards."
Il la lâcha, et elle put enfin respirer. Se redressant, elle poursuivit son chemin, le cœur encore palpitant. Elle se sentait souillée, mais n'en laissa rien paraître. Ce n'était pas la première fois que Goblock agissait de la sorte. Elle savait que le monstre tenait à sa tête et ne la suivrait pas, redoutant d'être en retard. Ni même ne la toucherait. Saroumane semblait s'être attaché à elle, une affection teintée d'intérêt stratégique, bien qu'Eilianiel fût consciente qu'à la première déception, il n'hésiterait pas à l'éliminer. Le cœur battant, elle s'enfonça dans les sombres couloirs d'Orthanc.
Encore perdue dans ses réflexions suite à cette rencontre avec la créature immonde, elle ne remarqua pas qu'elle était arrivée devant sa chambre. Celle-ci se composait d'un simple lit, d'une table de chevet en bois et d'une armoire décrépie. Dans un coin, derrière la porte, se trouvait un petit autel où elle pouvait se consacrer à la prière. Évidemment, les seules divinités qu'elle était autorisée à vénérer étaient Melkor et Mairon, soit Morgoth et Sauron. Soupirant de lassitude, elle détacha ses cheveux et se rendit dans sa petite salle de bain, attenante à la chambre par une minuscule porte en bois, pas plus grande qu'un petit Hobbit. Elle prit des seaux d'eau tiède et les versa dans la baignoire qu'elle remplit de fleurs variées et d'huiles essentielles, espérant échapper un instant à la pesanteur de son existence. Qui savait quand elle aurait à nouveau l'occasion de se baigner ? Se déshabillant complètement, elle plongea dans l'eau en poussant un soupir de satisfaction. Elle se sentait si sereine qu'on aurait dit qu'aucun souci ne venait la troubler. Pourtant, une question la taraudait plus que les autres,...
Comment récupérer l'Anneau ?
Elle se voyait mal se rendre aux portes de tous les villages Hobbits et demander à qui voulait l'entendre :
"Chers amis, je sais que, pour une raison que j'ignore, l'un de vos camarades détient une arme capable de ravager notre beau monde. Je désire la récupérer."
Il lui fallait trouver un lieu stratégique, d'où elle pourrait élaborer un plan en puisant dans les œuvres d'un Ancien Âge, des œuvres introuvables ailleurs en Terre du Milieu, sauf ...
... à Imladris.
Elle devait à tout prix dénicher une porte d'entrée vers la Dernière Maison Simple, un lieu mythique où sagesse et magie coexistaient, quitte à se blesser d'elle-même pour y parvenir. Ses parents lui avaient longtemps chanté la bonté et la charité du Seigneur Elrond, et elle savait parfaitement comment se faire suffisamment de mal pour nécessiter des soins sans se vider de son sang. Elle sortit finalement du bain après s'être soigneusement lavée, le corps et les cheveux. Séchée et habillée, elle s'assit sur le bord de son lit et prit soin de tresser sa longue chevelure en une tresse élaborée. Elle jeta ensuite une vieille paire de bottes, un pantalon déchiré par un entraînement trop vigoureux, une chemise délavée et usée, une cotte de maille rouillée, une boussole et une carte de la Terre du Milieu dans un vieux sac qu'elle noua avec peine, tant les lanières en cuir étaient sèches. On l'aurait probablement prise pour une mendiante si elle n'avait pas eu une magnifique jument, acquise après la mort de son ancien étalon. Elle disposa ensuite son carquois, ses flèches, son arc, ses deux dagues, ainsi que son ceinturon avec son canif et son outre à côté. Seules ses armes, de qualité humaine mais supérieures à celles d'un soldat ordinaire, témoignaient de l'aisance financière que lui offraient ses tâches auprès du mage blanc.
Une fois ses affaires prêtes, elle s'assura que sa tenue de voyage, qui était également celle de combat, comprenant un foulard dissimulant la moitié de son visage, était propre. Elle finit par fourrer quelques provisions dans son sac, mais se promit de passer par un ou deux villages humains épargnés par Saroumane et ses troupes plus tard. Elle se coucha tard dans la nuit, le cœur battant d'anticipation. Demain, dès l'aube, le premier grand voyage de sa vie commencerait, un périple jalonné d'incertitudes, mais également d'espoir.
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Pour l'Amour et la Haine - Affronter sa Destinée
FantasyEnvoyée par le mage blanc pour récupérer l'anneau Eilianiel, élevée en Forêt de Fangorn, nourrit bien d'autres desseins : tuer le fils de celui qu'elle tient pour responsable de la mort de ses parents. Un coeur bien sombre, malmené par des êtres vi...