Epilogue

850 36 6
                                    

2 juin 3019, pays de Bree.

Turuk arrêta sa troupe. Bree était en face d'eux, ses remparts noirs s'élevant à vingt-cinq pieds du sol environ. L'un de ses sbires, un Gobelin idiot dont il ne savait même pas le nom, lui demanda :

" Que fait-on chef ? Il y a une trouée là-bas ... on pourrait essayer d'y passer ... 

- Non, répondit l'Orc qui était agacé par toutes ces propositions indécentes. On risquerait de tomber sur la garde. 

- On les mange ! s'exclama un autre. 

- Et risquer le bucher ? J'ai pas échappé à Sauron pour cramer devant une foule en délire. "

Turuk était fatigué. Le combat les avait tous mentalement épuisé. Il ne pouvait pas tant cracher là dessus. De la viande à volonté instantanément n'avait pas été une mauvaise chose, mais les journées passées à l'arrière, entassés les uns sur les autres à s'entretuer pour survivre, plus jamais il ne voulait revivre ça. Son seul souhait, trouver un endroit frais où passer ses journées à manger en se racontant des blagues bien crasseuses. 

Au lieu de quoi, on les avait envoyé se battre contre des troupes humaines et elfiques. S'il avait ainsi pu se repaître à volonté, Turuk avait vu les siens tomber dans des cris d'étranglement, avalant leur sang. 

Un jet de torche les força à se baisser en se couvrant les yeux. De nombreux soldats montaient encore la garde. Même deux mois après leur victoire, les Hommes étaient méfiants. 

Et ils avaient raison en partie, les immondices de Saroumane et de Sauron les avaient tant tourmentés. 

Ordonnant aux siens de ne pas bouger ni de se laisser découvrir, il partit en éclaireur vers la trouée causée par les assaut ennemis. Le mur d'enceinte autour était noir et sec, sûrement avait-il été brûlé. Turuk se dit que si les Hommes avaient moins longtemps, les assaillants auraient pu pénétrer la forteresse. Il marcha quelques pas à découvert avant de se figer. 

De l'agitation se faisait dans les fourrés où ses camarades l'attendaient. 

L'Orc s'apprêtait à faire demi-sur afin de s'assurer que tout allait bien quand une lame froide se posa sur sa jugulaire. 

" Pas un mouvement, Orc. "

Celui qui avait parlé était un jeune homme droit, avec des habits nobles. Probablement un capitaine. Turuk leva les bras en signe de rédemption. En face d'eux, les buissons tressaillirent et ses congénères en sortirent, escortés par des nombreux gardes. 

" Patron ! On fait qu ... "

Le Gobelin ne termina jamais sa phrase, l'un des gardes qui le tenaient en joue l'avait égorgé. Les quelques uns de ses camarades qui osèrent bouger après cela subirent le même sort. 

Dans un soudain accès de folie, Turuk dégaina. S'il devait mourir, il le ferait en se battant. Il entailla le bras de son adversaire qui sous la surprise, ploya le genou. Mauvaise idée, Turuk adorait quand ses victimes étaient dans cette position. Mais il avait sous-estimé la capacité de son adversaire face à la douleur. Ce dernier était dans la force de l'âge et se releva bien vite. Il esquiva la lame qui fondit sur lui et ils parèrent chacune quelques coups avant que d'une parade habile, le jeune homme en face de lui envoya son arme valser au loin. 

" Et bien l'Orc, on ne sait plus sa battre ? "

Turuk souffla. Regardant autour de lui, il constata que tous ses congénères étaient déjà morts. Un coup d'épée dans ses jarrets le cloua au sol, à genoux. 

" Tu aurais pu choisir une façon plus décente de me mettre à mort ... CHIEN ! aboya Turuk. 

- Qui est le chien ici ? Qui a égorgé des enfants dans leur lit la nuit et qui a violé les femmes devant le regard de leurs époux ? Entre nous deux, je ne suis en rien un chien. J'éradique la vermine. "

Turuk respirait difficilement. Oh non, il n'avait jamais eu peur de mourir. Il s'était simplement imaginé une mise à mort plus décente. On leur avait promis la gloire et la belle vie, au lieu de quoi ils étaient traqués et abattus comme du gibier. Il ne comptait plus les monticules de cadavres qu'il avait déjà vus brûler au grand jour. 

" Alors, vermine, quelles sont tes dernières paroles ? "

L'Orc avait la gorge sèche. 

" J'aimerais avoir de l'eau avant de mourir, et j'aimerais connaître ton nom. "

Il sourit. Son calme effraya un temps Turuk, mais il la ravala bien vite. La peur, il ne devait jamais la ressentir. 

" Je me nomme Emeth. "

Puis après cela, la lumière s'éteignit dans le regard de Turuk. Emeth avait envoyé sa tête à cinq mètres de son corps, et elle roula dans la poussière. Le sang noir gicla, mais le jeune homme à la force noble était vif ainsi ses vêtements ne reçurent aucune giclée de sang. 

" De l'eau je vous prie. "

Un jeune garçon d'écurie, qui avait tenu à participer à cette ronde, lui apporta une outre remplie d'eau fraîche. Emeth s'approcha de la tête encore chaude dont le corps tressautait encore un peu plus loin. D'un coup de pied habile, il la retourna et versa presque tout le contenu de la fiasque dans la bouche encore entrouverte de Turuk. 

" Voilà pour toi, vermine. "

Puis il bu ce qu'il restait encore à l'intérieur avant d'accrocher l'outre à sa ceinture. Puis, se tournant vers ses hommes, il dit :

" Pas de rédemption pour ces bâtards. "



Pour l'Amour et la Haine - Affronter sa DestinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant