Chapitre 10 : Une tempête pas si naturelle ...

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11-12 Janvier 3019, T-A, sur le Caradhras

Frodon dégringola la côte. Il vint s'écraser aux pieds d'Aragorn qui le réceptionna. Ce dernier s'inquiéta. Le hobbit avait une lueur paniquée dans le regard et se passait les mains au cou. Il cherchait, tâtonnait dans le vide.

L'anneau l'avait déserté.

Puis Boromir avança vers une chaine dorée laissée dans la neige, comme en exposition. Il attrapa l'objet du délit dans ses doigts d'homme et le tendit à quelques centimètres de son visage, le souffle court et susurra :

" C'est une étrange fatalité que nous devions éprouver tant de peur et de doute pour une si petite chose ... une si petite chose ... répéta t-il dans un souffle inaudible. "

Ses yeux étaient fous de convoitise, ses iris grises et nobles se perdirent dans l'hypnose de l'anneau. Les reflets l'appelaient tels un homme attire un cheval avec des fruits.

" Boromir, s'exclama Aragorn. "

L'homme revint à leur réalité à tous, et quitta le monde des ténèbres. Eilianiel sentit son cœur se tordre devant tant de fragilité de la part de l'homme et l'observa du haut de la côte. Aragorn avait abaissé sa main à la garde de son épée et était inquisiteur.

" Rendez l'anneau à Frodon, vous n'avez guère le droit de l'avoir en votre possession. "

Boromir menait une lutte intérieur, entre raison et patrie. L'une lui conseillait de rendre l'anneau et de s'excuser, l'autre lui hurlait de le ramener à son père. La voix ferme et posée d'Aragorn abattit la hache du coté de la raison, mais une part de lui regrattait déjà la beauté de l'or dans lequel l'Unique était forgé.

" A vos ordres ! "

Il tendit l'anneau à Frodon qui lui arracha l'anneau des mains avant de repasser le maillon autour de son cou. Boromir ne s'excusa pas, préférant garder un minimum de fierté.

" Je n'en ai cure, dit-il dans un rire nerveux. "

Un silence tendu s'installa entre les deux hommes et le hobbit. Boromir sourit d'un air peu détendu qui se voulait décontractant, amis Aragorn ne baissa pas la garde pour autant. L'homme du Gondor ébouriffa les cheveux de Frodon, puis il s'en retourna à l'ascension de la cote enneigée, sous les regards inquisiteurs de la communauté ...

Le vent froid soulevait la neige. Celle-ci s'élevait dans un tourbillon éphémère et venait s'écraser dignement sur le sol gelé.

Eilianiel avançait en tête de file. Ses pas légers se posaient avec la grâce elfique naturelle, limite avec nonchalance. Derrière elle, Gandalf ouvrait la marche aux autres membres de la communauté qui s'enfonçait dans la poudreuse glacée. Seul Legolas, qui fermait comme à son habitude la marche, ne se souciait guère de la galère dans laquelle les autres s'étaient fourrés. L'elfe était aux aguets, et guettait le moindre signe anormal ou d'une présence étrangère. Eilianiel scrutait le paysage blanc. Son souffle formait des panaches blancs, et malgré sa nature elfique qui l'empêchait d'avoir froid, le bout de son nez et la pointe de ses oreilles étaient rougis par la morsure du froid.

Legolas passa tout d'un coup devant elle, sous les râlements de Gimli qui ne comprenait pas pourquoi les deux ne s'enfonçaient pas dans la neige. Le Sinda s'avança en avant du groupe, bloquant le peu de vue que l'elfine avait eu jusque là.

" J'entends une voix sinistre dans les airs ... déclara t-il sombrement.

- C'est Saroumane !! avertit Gandalf. "

Eilianiel tendit l'oreille et constata que l'écho sombre de la voix du mage blanc résonnait dans le vent. Ce dernier répétait de sinistres litanies, et sa voix entra dans la tête de l'elleth. Cette dernière fut secouée par des crampes de douleurs insurmontables. Ses entrailles se déchiraient de l'intérieur, son sang battait à ses tempes avec une telle force qu'elle cru que sa tête allait exploser. La sensation était lugubre, atroce. 

" Vous êtes sur la bonne voie, ma belle Ombre ... Dans quelques temps, nous pourrons nous retrouver ... et vous serez en possession de l'Unique. Bientôt, les ténèbres tomberont en Terre du Milieu ... "

Puis la voix disparut. Non pas de l'air mais de la tête de la jeune elfe. Gandalf la regardait d'un air étrange, et l'elleth détourna le regard. Le comportement du magicien gris l'intriguait et sa curiosité était piquée au vif.

" Que se passe t-il Gandalf ? La tempête est de plus en plus puissante ! Les hobbits de tiendront pas ! Il faut nous arrêter, hurla Aragorn au travers du vent.

- Non ! C'est trop dangereux, intervint Legolas.

- Autant que si nous continuons, rectifia l'elfine qui s'était montré silencieuse jusque là. "

Gandalf leva les yeux au ciel, et sa voix tonna dans l'air, rivalisant avec celle de Saroumane pour se faire entendre correctement.

" Trêve d'enfantillages. Il s'agit là d'une décision ... qui m'appartient. "

Et sans laisser le temps au autres de réagir, le magicien gris s'avança au bord du précipice aux sombres abysses et contra Saroumane qui lançait un sort maléfique aux pauvres compagnons de voyage ...

" Cuiva nwalca Carnirassë ! Nai yarvaxëa rasselya taltuva ñotto-carinnar !  

- Losto Caradhras, sedho, hodo, nuitho i 'ruith ! "

... Mais la puissance du mage blanc, entrainé et préparé à la riposte, s'interposa facilement aux tentatives de calmer le Caradhras par Gandalf. Le mage gris abandonna et les compagnons levèrent la tête vers le ciel noir déchainé en pleine après-midi. Eilianiel comprit de quoi il en retournait, et, comme lisant dans ses pensées, Gandalf s'époumona au travers du tonnerre qui arrivait au galop. 

" Il essaye de déclencher une avalanche ! "

Le tonnerre gronda dans le ciel noir, et des éclairs vinrent le zébrer de lumière d'argent. Le soleil avait disparu, et toucha par hasard, va-t-on dire, un pan de la montagne enneigée. Les rochers bougèrent et se sol se craquela. Eilianiel réfléchit un instant. Gandalf levait toujours les bras, dans une vaine tentative de prendre les Valars en pitié, mais les dieux restèrent silencieux face aux prières du magicien gris. Elle le rejoignit alors, et se passa un plan net dans sa tête.

" Eilianiel ! C'est une folie ! "

Elle ignora Boromir, qui tenait toujours les hobbits dans ses bras. Une chance inespérée. Elle s'avança au bord, et attendit.

Les éclairs se battaient dans le ciel, et des nuées mystérieuses s'amoncelaient dans le ciel rempli de ténèbres. De puissants éclair se déchainaient en haut, et de la neige rocheuse de détacha du sommet de la montagne. La mort était en train de s'abattre sur la fraternité ... Deux bras puissants agrippèrent Eilianiel et la collèrent à un torse finement sculpté ...

Legolas.

Le moment ou jamais.

Eilianiel se laissa glisser dans le précipice, mais son poids plume ne fit pas face à l'équilibre naturel de Legolas, qui ne bougea pas et garda son emprise forte sur l'elleth. Mais il ne pouvait lutter contre la neige qui chutait sur eux.

Si Eilianiel devait mourir pour assouvir sa vengeance, alors elle mourrait. Une folie meurtrière l'animait, comme elle n'en avait pas eu depuis longtemps. La neige abattit sur les deux elfes ...

 ... les entrainant dans une chute mortelle ...



Pour l'Amour et la Haine - Affronter sa DestinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant