Pour l'Amour et la Haine - Affronter sa Destinée

Chapitre 6 : Histoires et chants au coin du feu

Crépuscule du 7 décembre 3018 du T-A., près de la Houssière. 

Cela faisait cinq jours que les dix compagnons voyageaient. Ils marchaient depuis l'aube et s'étaient arrêtés pour la nuit. Eilianiel observait les hobbits faire leur show, assis autour du feu avec leur couverture sur les épaules. Bien qu'elle ne soit pas très enthousiaste pour l'idée du feu qui risquait d'attirer du monde, la jeune elfe devait avouer que l'idée avait l'air d'égayer Merry et Pippin qui à force de supplications, avaient fini par faire céder le pauvre Gandalf.  Ils chantaient des paroles inintelligibles à ses oreilles d'elfes et chantaient des airs ... peu elfiques. Elle reporta alors son regard sur les autres membres de la communauté. Gandalf fumait sa pipe et était dans ses pensées, Aragorn les observait du coin de l'œil et un léger sourire étirait ses lèvres. Enfin Gimli et Boromir regardaient eux aussi les hobbits s'amuser. Sam cuisinait et Frodon contemplait son anneau. Après un temps, Eilianiel se risqua à lui demander :

" Où avez-vous eu cet anneau ? "

Ce dernier la regarda, tout d'abord incrédule puis finit par lui sourire timidement.

" C'est mon oncle Bilbon. Il l'a ramené de l'une de ses aventures, il y a de cela de nombreuses années. Il ne s'en séparait jamais. Puis il me l'a laissé quand il a quitté Cul-de-Sac sous l'ordre de Gandalf. "

Tout en lui expliquant cela, le hobbit s'était mit à frotter son épaule, celle où il avait reçu un coup de poignard par Angmar. Se pourrait-il que cela lui fasse toujours mal ? Eilianiel l'ignorait, et espérait seulement qu'un jour cela irai mieux ... Pour éviter de le troubler et de combler le blanc qui s'était installé entre eux, juste troublé par le crépitement des flammes Eilianiel continua sur sa lancée, désormais curieuse :

" Oh ... je vois mieux maintenant. Et quelle était cette aventure ?

- C'est assez long à expliquer ... fit Frodon qui ne savait visiblement pas par où commencer. "

Gimli qui jusque là était resté spectateur et au plus grand plus grand étonnement de l'elleth, s'exclama alors d'une voix bourrue avec ses "R" roulés :

" Laissez jeune hobbit ! Je vais la raconter moi-même ! "

Il éteignit sa pipe et s'assit en tailleur.Les autres hobbits s'étaient rapprochés pour mieux entendre.

" Au départ, il s'agissait d'une compagnie de treize nains, commença-t-il en se tournant vers elle. Ils suivaient leur chef, Thorin Ecu-de-Chêne, le plus fort de tous les nains et descendant de la lignée de Durin. Il lui fallait récupérer la Montagne Solitaire ainsi que son trône et tous ses biens. Il dut affronter maints dangers et périls. Plusieurs fois il a faillit y laisser la vie car il croisa sur son chemin de nombreux orcs, des gobelins et d'affreuses oreilles pointues. "

Voyant qu'Eilianiel le regardait dubitative, le nain s'empressa d'ajouter :

" Bien sûr, il s'agissait là d'oreilles pointues qui ressortaient de la normale. Elles les accueillirent et les logèrent comme des maitres, et d'invités, il passèrent à prisonniers. Mon père a cru que Thorin allait faire ravaler à ce roi des lutins son affreux sourire ... mais heureusement, il bénéficiait de l'aide des meilleurs guerriers, des plus valeureux et courageux ...

- Ce n'était cependant pas les plus intelligents ... " trancha Legolas.

Ce dernier s'attira un des regards les plus sombres de Gimli, et ces deux-là partirent dans un débat houleux.

" Imbécile ! Ne t'a t'on pas apprit à ne pas couper la parole ? " pensa silencieusement Eilianiel.

Soupirant devant les deux êtres qui se tenaient tête, Eilianiel se retourna à nouveau vers les deux hobbits. Puis finalement, Merry lui demanda :

" Chantez-vous, dame Eilianiel ?

- Je vous en prie  Merry, pas de "dame". Et oui, je sais chanter pour répondre à votre question,

- Chantez dans ce cas là ! s'exclama son cousin. "

Eilianiel les regarda tour à tour, mais déclina poliment leur offre :

" Je ... je chanterai une prochaine fois. "

Déçus, les hobbits acquiescèrent tout de même et replongèrent dans une conversation avec Sam sur la cuisine de la comté. Bien que ces derniers temps ne soient pas très heureux rien ne pouvait entraver leur appétit. L'elleth en rit intérieurement, puis orienta son regard vers le ciel. Elle se souvint que lorsqu'elle était petite, elle observait souvent les étoiles en compagnie de son père. Ce petit laps de temps l'apaisa. Pour la première fois depuis des années et des années, elle se sentait apaisée. La voix de Gimli l'interrompit. Elle remarqua que tout le monde était couché, sauf le nain qui l'observait avec insistance :

" Voulez-vous entendre la suite de mon histoire ?

- C'est gentil Gimli, mais une autre fois. De toute façon, c'est mon tour de garde. " fit-elle en balayant du regard la communauté endormie.

Même s'il parut déçu, le nain n'en fit rien et hocha la tête. Puis, il se retourna et s'allongea. Au bout que quelques minutes, son ronflement indiqua à la jeune elfe qu'il dormait, et profondément. Elle sourit en s'imaginant avec un sommeil pareil. Envahie par un sentiment de nostalgie, elle se mit à fredonner une chanson que sa mère lui chantait, quand elle était toute petite. Petit à petit, le fredonnement gagna en hauteur et les paroles devinrent plus claires, plus nettes :

" J'ai vu la lumière se dissimuler dans le ciel
Le vent m'a murmuré un soupir
Tandis que la neige recouvrait mes frères tombés
Je leur chanterai ce dernier adieu

La nuit tombe à présent
Ce jour prend fin
Désormais la route nous attend
Et je dois m'en aller
Au delà des collines et sous les arbres
Par les terres n'ayant jamais vu la lumière
Le long de flux argentés ruisselants vers la mer
Sous les nuages et les étoiles
Sous la neige et les matins hivernaux
Je rejoins enfin ce chemin qui mène à la maison

Et, oh, cette route me porte enfin,
Je ne peux l'exprimer
Nous avons fait tout ce chemin
Mais le jour est arrivé
De vous dire adieu

Tant de lieux explorés
Tant de peine éprouvée
Mais je ne regrette rien
Comme je n'oublierai pas
Tout ceux qui ont accompli ce chemin à mes cotés

La nuit tombe à présent
Ce jour prend fin
Désormais la route nous attend
Et je dois m'en aller
Au delà des collines et sous les arbres
Par les terres n'ayant jamais vu la lumière
Le long de flux argentés ruisselants vers la mer
A ces souvenirs je m'accrocherai
Avec ta grâce je m'en irai
Pour rejoindre enfin ce chemin qui mène à la maison

Et, oh, cette route me porte enfin,
Je ne peux l'exprimer
Nous avons fais tout ce chemin
Mais le jour est arrivé
De vous dire adieu

Je vous exprime à tous un très sincère adieu. "

Cette nuit là, le chant d'Eilianiel monta haut dans le ciel. Jusqu'à la toison Argentée. Elles résonnèrent longtemps dans les oreilles et apaisa les cœurs meurtris.  Tous se réveillèrent dès que les premières notes s'élevèrent  dans les cieux et tous s'endormirent dans l'espoir que le bien gagne cette guerre contre le mal et qu'un jour ils vivront en paix sur les Terres d'Aman ou  dans la société d'un Quatrième Age qu'ils espéraient, si ce dernier pouvait exister, être en paix. La nuit s'avérait douce et ce crépuscule fut sûrement un des plus calmes de la communauté, avant qu'un cri ne viennent perturber cette sérénité.