Chapitre 1

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Un soir de l'hiver 1632, un cavalier entra dans le village endormi. Les chaumières recouvertes de neige fumaient paisiblement. Il traversa la rue principale, accompagna son cheval à l'abris, et alla frapper à la porte. Une femme de la trentaine vint lui ouvrir.

-François ! s'exclama-t-elle en se jetant dans ses bras. Mais entre, tu vas attraper froid dehors.

Le jeune homme ne se le fit pas dire deux fois. Il salua son beau-frère en entrant.

-Comment vas-tu à Paris ? lui demanda Anne en lui faisant signe de s'asseoir.

-Très bien, mon emploi paye bien. Je ne manque de rien. Et vous ? Comment vont les enfants ?

-Bien, tu manques à la môme en tout cas. Répondit René.

François sourit. Lui aussi avait hâte de revoir la petite. Au fil des années, elle était devenue sa fille de cœur. Anne avait été réveiller les enfants. Ils arrivèrent en courant dans la pièce commune. François fut assailli. Les petits se jetèrent dans ses bras. Il embrassa son neveu et Marie. Il leur dit qu'ils avaient bien grandit, et leur posa quelques questions sur leurs activités quotidiennes. Marie s'empressa de lui présenter sa nouvelle poupée. François sourit. Il ne s'était pas trompé, sa sœur et René l'avaient élevé à merveille. Il se leva, et prit Marie dans ses bras.

-Tu es une grande fille maintenant, dit.

La petite fit oui de la tête en regardant son père dans les yeux.

-J'ai une idée, voudrais-tu venir à Paris avec moi ? demanda-t-il en la faisant sauter.

-François tu n'y penses pas ! l'interrompit Anne.

-Et pourquoi pas ? renchérit le jeune homme. Hein ? dit-il en donnant un coup de menton vers la petite.

-Toute seule ? demanda-t-elle.

-Oui, avec moi et ta poupée si elle veut bien.

Marie sourit, à priori emballée par l'idée.

-Bon, les enfants, au lit. Coupa René. François redéposa Marie, et les enfants obéirent sans un mot. La parole de Monsieur Dauger valait plus que toutes les autres.

-Tu crois que tu vas partir ? demanda Jean à sa cousine lorsqu'ils furent couchés.

-Oui, je pense. J'ai hâte de voir à quoi ressemble Paris, et puis je serai avec Papa.

-Pourquoi tu veux voir Paris ?

-Parce que c'est beau, je verrai peut-être le roi, et des grandes dames, et tous les beaux monuments !

-Tu préfères Paris à moi ? se plaignit-il.

-Mais non, ne t'inquiètes pas, je reviendrai vite. Dit-elle en l'embrassant.

-Bonne nuit.

-Bonne nuit.

De l'autre côté du mur, Anne et René essayaient également de raisonner François.

-Et qu'est-ce que tu vas faire d'elle une fois là-bas ? s'enquit Anne.

Je la confierai à un ami prêtre de-qui elle recevra une très bonne éducation.

-Parce que maintenant qu'il est à Paris, Monsieur trouve que de pauvres paysans ne sont pas assez dignes de s'occuper de sa môme. S'énerva René en allumant sa pipe.

-Je n'ai jamais dit ça ! répliqua François ! Mais c'est une occasion pour elle ! Et pour plus tard, vous imaginez, elle pourra faire un beau mariage, elle pourra devenir quelqu'un.

-Et Jean ne sera personne. Continua Anne. Tu dois nous comprendre François. Depuis six ans, nous nous occupons de ta fille comme si elle était la nôtre, sans poser de question, en la traitant en tant qu'égale de notre fils, et d'un coup tu reviens après presque un an d'absence et tu nous la retire, pour faire d'elle quelqu'un.

Anne tremblait, les larmes aux yeux. Pour elle, c'était comme perdre sa fille.

-Nous partons demain. Déclara François en se levant. Il sortit de la maison, et Anne s'effondra. Elle savait que c'était le mot de la fin. Son frère ne changerait pas d'avis.

René passa le bras sur ses épaules.

-On la reverra, et puis on a toujours Jean. Il marqua une pause. Il fallait s'y attendre.

A l'extérieur François marchait dans la neige. Il était désolé pour Anne et René, mais sa décision était prise. Il en avait déjà parlé avec l'abbé Bujol qui acceptait de prendre la petite sous son aile. Comme ça, il la verra aussi plus souvent. Il passa la main sur ses cheveux. Sa sœur finirait par comprendre.

Les affaires de Marie furent vite prêtes. Elle n'emmenait que quelques vêtements, sa poupée, et Anne lui avait laissé de la nourriture. Chacun redoutait les adieux. Même si elle avait envie de partir, Marie sentait la tristesse monter en elle. Elle retourna dans chaque pièce de la maison, pour les garder en mémoire. Elle regardait tout autour d'elle, prenait une grande inspiration en fermant les yeux et essayait de se souvenir de chaque détail. Une fois que tout était inscrit dans sa tête, elle passait à la pièce suivante. Dehors, elle empli ses poumons. Elle voulait garder l'odeur des champs avec elle. Le parfum de ses fleurs préférées, les bruits de la nature. Elle pensait ne pouvoir les retrouver nulle part ailleurs. Elle prit aussi avec elle des fleurs qu'elle aimait et qu'elle voulait garder avec elle à Paris. Elle ignorait quand serait son retour. Puis François l'appela. Il fallait partir. Marie dit au revoir à son oncle et à sa tante. Puis commença à pleurer.

-On se reverra très vite, la consolèrent le couple Dauger. Va dire au revoir à ton cousin.

Marie se tourna vers le garçonnet.

-Je te reverrai quand tu seras maman. Lui souffla-t-il.

-Oh non, avant ! gémit-elle.

Il l'embrassa sur la joue.

-Tu es salée. Dit-il avec une grimace.

Cette remarque eu le mérite de faire rire la petite.

Elle regarda dans les yeux, lui adressant un dernier sourire.

-Allez, en route princesse ! s'exclama François en la portant sur le cheval. Il s'installa derrière elle. Ils firent un grand signe de la main aux Dauger qui les saluèrent à leur tour. François donna un coup de talon, et le cheval s'élança. Marie se retourna. Elle était presque sûre d'avoir vu son Jean pleurer. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant