Chapitre 38

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Eustache arriva à Versailles sous une pluie battante. Elle lui tombait dessus depuis plusieurs heures déjà. Le froid s'y ajoutait, et Eustache sentant la fièvre monter se demanda s'il n'eut pas été plus prudent de s'abriter. Il ne s'arrêta pas à l'auberge où il avait pris l'habitude de séjourner et préféra toquer directement chez Louise de la Vallière. La tête commençait à lui tourner. La porte était fermée et personne ne lui répondit. Il toussa et dû se rendre à l'évidence, la demoiselle qu'il espérait voir n'était pas là. Il rebroussa donc chemin, en titubant, la tête basse. Plongé dans sa déception, il n'entendit pas la porte s'ouvrir.

-M. Dauger ! M. Dauger ! Eustache !

Il se retourna. Sa belle était bien sur le pas de sa porte à lui adresser de grands signes. Etait-ce la fièvre qui le faisait halluciner ?

-Mademoiselle ?

Il vit un ange blanc s'avancer vers lui, avec de grands cheveux bruns et une robe étincelante. L'ange l'étreignit, lui insufflant une douce chaleur. Il frissonna et se sentit partir pour le paradis.

Eustache rouvrit les yeux. Il était dans un lit. Il reconnut la chambre qu'il occupait lorsqu'il était chez Louise de la Vallière. Une odeur de bouillon parvint à ses narines, et le visage de son amie apparut dans l'entrebâillement de la porte. Le voyant éveillé, elle sourit. Elle s'avança vers lui avec un bol de soupe, et s'assit à côté de lui. Elle posa sa main sur le front du jeune homme et un mince sourire s'étira sur ses lèvres.

-Vous m'avez bien fait peur mon ami. Je suis contente que vous alliez mieux.

Eustache se contenta de la regarder sans lui répondre. Il en était sûr, elle était l'ange qu'il avait vu.

-Je vous laisse du bouillon ici. Vous le boirez quand vous vous en sentirez le courage.

Eustache hocha doucement la tête, et Louise se pencha au-dessus de lui et déposa un baiser sur son front. Eustache se sentait, à ce moment comme au paradis. Il ferma les paupières.

-Reposez-vous mon ami.

Elle prit sa main dans la sienne et resta à ses côtés jusqu'à ce qu'il s'endorme.

Eustache resta alité quelques jours puis, un matin, décida de se lever. La petite Marie-Anne dormait dans la cuisine mais il ne trouva pas Louise à l'intérieur. Elle était à l'extérieur. Il sorti la rejoindre. En le voyant marcher, elle sourit :

-Ça fait plaisir de vous voir enfin debout.

-Je ne voulais pas vous manquer plus longtemps.

Elle baissa la tête et caressa distraitement une fleur du bout des doigts. Eustache sentit qu'ils devaient s'avouer leurs sentiments, et qu'elle ne ferait pas le premier pas.

-Dans votre lettre, vous laissiez entendre que je vous manquais... et que vous m'aimiez plus que vous ne l'admettiez.

La jeune femme se figea, l'oreille aux aguets. Eustache continua :

-Soyons honnête. Ressentez-vous plus que de l'amitié pour moi ?

-Qu'en est-il pour vous ? demanda-t-elle sans même le regarder.

-Oui, je vous aime Mademoiselle. Plus que je ne devrais.

Elle releva les yeux et les plongea dans ceux d'Eustache. Sans ciller, elle fit un pas vers lui. Elle ne se trouvait plus qu'à quelques centimètres. Il pouvait sentir son souffle chaud sur sa bouche.

-Moi aussi... avoua-t-elle dans un soupire.

Il n'eut qu'à pencher la tête pour déposer ses lèvres sur les siennes. Il passa une main derrière sa nuque.

-J'avais si peur de mal interpréter...

-Je suis désolée de tant vous avoir fait attendre, s'excusa-t-elle, je pensais vous aimer seulement parce que vous ressembliez à Louis, mais c'est véritablement votre personne qui me plaît.

Eustache n'y croyait pas. Lui un pauvre gars de la campagne était en train d'enlacer l'une des plus belles filles de France. Il passa le revers d'un doigt sur la peau lisse et douce de sa bien-aimée.

-Vous êtes merveilleuse !

Elle sourit au compliment, ce qui retourna les entrailles d'Eustache. Ils se regardaient dans les yeux en souriant quand un craquement de feuille leur rappela qu'ils n'étaient pas à l'abris des regards.

-Il ne vaut mieux pas que l'on nous voit tous les deux... souffla Louise.

-Rentrons donc ! sourit Eustache. Il la prit par la main et l'entraîna à l'intérieur.

A peine eut-il fermé la porte qu'ils s'embrassèrent fougueusement.

-Continuerez-vous à voir le roi ?

Mademoiselle de la Vallière sembla réfléchir un moment.

-Je ne sais pas... Je ne sais pas comment il va réagir. J'ai peur qu'il se doute de quelque chose si je refuse ses avances.

Eustache fit la moue.

-De quoi avez-vous peur ? Vous ne risquez rien...

-Je ne sais pas, je n'oserai pas...

-Allez, faites le pour moi !

Il la regarda les yeux suppliants.

-Ne me regardez pas comme ça ! Vous savez que je ne peux pas vous résister quand vous faîtes cette tête-là !

-Alors c'est promis ? Nous ne serons que tous les deux ?

-N'oubliez pas mon bébé !

-Ah oui, nous serons tous les trois, avec Marie-Anne. Je serai son Papa.

-Ce sera fantastique !

Ils se serrèrent dans les bras et Eustache sorti le bébé de son berceau.

-Et voilà ma belle, dit bonjour à ton nouveau Papa ! Je vais épouser ta maman, et puis te reconnaître ! Quel besoin avons-nous d'un roi ?

Il tourna la tête vers Louise.

-Hein, nous n'avons pas besoin de lui ! Nous pourrons même quitter Versailles si tu veux ! Nous allons refaire nos vies, je te construirai un château où tu voudras !

-Ce n'est pas si simple...

-Pourquoi ?

-Je n'ai jamais été habitué à la vie paysanne. Je ne suis pas prête à tout quitter.

-Tu veux dire que nous resterons à Versailles ?

-Je pense... Je n'imagine pas ma vie ailleurs.

-Vous voulez dire que je resterai votre amant ? Que rien ne sera jamais officiel entre nous ?

-Oh Eustache, je ne sais pas... Pourquoi m'embêtez-vous avec vos questions !

Elle essuya ses yeux où les larmes naissaient et s'enferma dans sa chambre. 

Le masque de ferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant